lundi 30 mai 2011

22/6 @26/6: Jean-Louis Aubert - Puisses-tu



j’étais pour les rituels d’autant que je me sentais iconoclaste par essence.
M’étais prêté à ce jour de la fête des mères, non pour fêter la mienne mais celle de mes enfants. Non sans une certaine animosité, convaincu que la belle faisait partie de ces femmes qui peuvent concevoir la maternité de leur seul point de vue. L’associé ponctuel jouant dans une catégorie imprécise entre prête nom, accompagnateur, factotum-homme, éventuellement père, salaire complémentaire...
Vous allez penser que je suis amer! La réponse est oui.
Ceci dit ma participation à l’impasse comme dirait Paul_Watzlawick devait être majeure. Elle l’avait été dans cette crédulité à laisser les choses aller a volo sans vraiment tenter de les influencer, sa fuite dans le travail à outrance (pas moi), dans cette primauté donnée aux enfants, poussée jusqu’à la mise entre parenthèse de toute vie de couple qui vous laisse comme deux étrangers face à face.
”Cela devait me convenir” m’avait elle dit puisque j’étais resté plus de quatorze années” mais mon esprit gardait là dessus quelques doutes. On peut rester à côté de l’autre même immergé dans cette certitude qu’il ne vous voit plus, qu’il ne vous désire pas, par cette attraction orbitale de ce qui fut une rencontre-terremoto. On peut rester à côté de l’autre par ce qu’il (elle) vous a prouvé, se tenant face à vous dans épreuve inaugurale, que cette rencontre resterait incomparable à toute autre rencontre, par ce qu’avoir partagé le temps d’une naissance, vous aura définitivement annexé à une histoire si singuliére.
Et je mesure ces paroles tant je sais combien nous sommes aux antipodes l’un de l’autre, combien cette femme ne partage pas mes valeurs, combien je peux être un repoussoir dans ma façon de rejeter les régles consuméristes et de bienséances de ce théâtre d’hypocrisie où elle se meut avec aisance.

Attablés en cette fin de soirée, j’écoutais les comptes-rendus d’une fin de semaine agités par les mésaventures des filles, à ces moments les remarques anodines deviennent souvent blessantes et chacune glisse dans un crescendo, faute d’y parer. Jade avait esquivé en pointant ironiquement les rencontres amoureuses de la mère qui ne faisaient que son désespoir. “Il est beau, il est jeune, il a de l’humour disait -elle mais”.
Plus que l’énoncé, j’entendais ce qui ne serait plus entre nous ou même n’avait jamais été.
Je me demandais : “mais qu’est ce qui suscite une rencontre”, qu’est ce qui rend un être aimable”, qu’est ce qui soudain le différencie à notre regard du reste des gens au point de néantiser tous les autres, au point de réclamer sa présence, sa seule présence, dans une démesure irrationnelle qui nous ravit et affadit tout le reste.

Je pensais à cette folie qui m’avait gagné plus d’une dizaine d’années plutôt en ayant entendu de sa bouche une locution qui ne s’adressait même pas à moi, disant “je me sens devenir une femme”, qui m’avait tenu éveillé toute une nuit à lui écrire, m’avait fait saisir les pages jaunes pour la retrouver, téléphonant à tous les magasins de matériel paramédical afin d’ avoir au moins un rendez-vous, la possibilité d’un rendez-vous, comme si ma vie en dépendait et ma vie en dépendait tant j’avais cette folle certitude d’un graal à ses lévres.

And the winner is!
Bien sur en amour les acquis ont la fragilité du temps. Ai voulu croire en des pactes de mots et de chairs. Ai souvent trahi, ai été trahi aussi mais les blessures ne sont rien au regard des joyaux offerts dans cette temporalité de l’éphémére. Dans cette temporalité de nos vies.