samedi 20 juillet 2013

juillet 2013



18 juillet
Je n'avais plus écrit, même pas tenté en ce mois de juillet et depuis ces quinze derniers jours pas le moindre mot ne s'était  érigé clignotant-sémaphore sur cet état catatonique.
Je laissais mon corps muet agir, se débattre entre une fatigue lancinante, une hypertension jugulée et cet impensé sur le "jour d'après".
Je n'étais pas retourné au cimetière mais j'occupais cette maison familiale à devoir "ranger" le dernier pan d'une histoire qui se clôturait. 
J'avais eu le temps d'appréhender ces moments et je constatais maintenant combien j'avais pu sous évaluer chaque grain du sablier. 
L'angoisse me submergeait. Je la laissais me gagner, imbiber tout mon être si bien qu'après quelques heures de présence en ce lieu, la seule certitude qui s'imposait me fit dire intérieurement  "tu as la libido à zéro ". Taire cet état eut été un dénis sur le pénis. 
Je ne cherchais ni confidente ni confident. S'épancher était une perte de temps, j'avais un peu moins de quinze jours pour tenter de raser la savane herbeuse qui avait gagné les 1200 m² du jardin et m'occuper des affaires des défunts. Je commençais par les affaires mais eus tôt fait de comprendre que le plus aisé était encore débroussailler le jardin même sous la canicule. 
Débroussailler au propre et au figuré prend du temps. Je retrouvais des lettres des années 50 qui dansaient en mon esprit tandis que la lame abattait les ronces. Je voyais les visages et les bouches prononcer les mots de cette saga secrète, ils disaient les difficultés de la vie, l'absence, la souffrance du deuil, ils disaient toutes les mesquineries de la vie au travail, les perms supprimées au soldat, jusqu'à cette raclée mémorable pour avoir arrosé la terrasse et détruit un cheval à bascule en papier mâché avec Patricia en voulant le laver. Ma tante avait écrit "il est bronzé comme un canaque" mais mon souvenir se bornait à mes fesses rougies. 
La quête identitaire me bouffait l'esprit dans un mitraillage incessant de pourquoi et la vie se déployait dans des états si dilués, chaque personne se débattait dans l'entrelacs de sa propre histoire. Les actes s'évaporaient avec le temps et les principes de responsabilité s'accommodaient de tout cela laissant à chacun sa manière de les vivre.
 C'était aussi cela "la théorie d'une relativité appliquée aux individus".
Je lisais «sunset park» de Paul Auster que mon ami Imor m’avait offert m’invitant sans insister à reprendre une thérapie. J’en éprouvais le besoin tant le chaos autour de moi et en moi avait épuré la topologie en une singulière ligne de failles. 
Jade m’avait rejoint en début de semaine pour des vacances «bizarres». Sa venue tira mon esprit de l’emprise du passé. Nos échanges me ramenaient au réel. A la question «me trouves tu chiant?», elle éradiqua le point d’interrogation d’un «oui» définitif. 

«Tu veux que nous soyons des enfants exceptionnelles, à étudier, apprendre 36 langues, ranger nos chambres, nous intéresser au jardin, faire le ménage pour aider séverine et bien sûr tu éructes sans cesse sans imaginer que nous ne sommes que des ados d’aujourd’hui». 
C’était clair, synthétique et précis. Je laissais les arguments s’agencer en mon esprit et reprenais le tri systématique de toutes ces affaires à me défaire. 
Je les alignais dans des sacs distinctifs pour être homologués par la déchetterie. Verre/papiers/textiles/fer/ alu. Je respectais le «chi fou mi» ultime. J’alternais avec efficacité rangements et désherbage, Jade assurait en cuisine entre roulé au nutella et tarte à la tomate. Mes pensées se mélangeaient de saveurs salées  sucrées avant que le corps s’offre poussières et sueurs. Mon inconscient guidait mes pas je terminais de vider l’appartement, le garage, la buanderie les fantômes s’agitaient autour de moi parfois j’étais pris d’éternuements allergiques et je plongeais ma tête sous l’eau comme contre feu. 
Nous allames à la plage en fin de journée et faire les soldes à cap 3000. C’était là un rituel auquel je ne pouvais pas déroger.

mercredi 3 juillet 2013

22/06/52 i'm not there "ballad of a thin man


Du temps de mon ingénuité, je fredonnais la ballade comme un hymne incompréhensible. Dylan, mon aède caressait mes invisibles blessures de sa voix de l'au de là. 
Pour écrire, pour créer, pour se rebeller, pour être, pour exister, pour aviver ses neurones par de là les contingences de l'adversité, quelques connaissances restent nécessaire.
Jean était dépourvu, Jean était marri.
N'ai jamais voulu écrire, m'atteler à ce qui pouvait miroiter comme une passion. Non que le plaisir des mots me fut étranger. Un sentiment d'imposture me moulait.
Quand nous sommes entrés dans l'église suivant le cercueil de MJ, mon corps exsangue ne savait plus que penser. Le diacre m'avait suggéré de dire quelques mots sur celle qui était ma mère. Et j'y avais rapidement renoncé. Je n'étais pas le porte parole. Je déléguais à Séverine cette tâche, non pour en être soulagé mais pour boucler cette histoire sur une parole autre, une parole étrangère à ce qui avait été.
L'évocation était sincère, délicate. Mon oeil restait rivé sur le cercueil.
Le flot de larmes m'envahit comme une eau phréatique drainant sans discerner. Tout ce que je n'étais plus que le seul à savoir sur cette femme, cette famille, cette migration vers le nulle part zen.
Jade prit ma main,  la serra, m'arrimant à son autre rive, ignorant combien les fils § les filles sauvent leurs géniteurs. Le diacre observait mon abstinence à me signer à bénir le cercueil, il crut bon de témoigner sa mansuétude. Je n'avais pas d'explications à donner. Je lui étais redevable d'accueillir l'agnostique que j'étais, dans ce lieu que j'avais "habité" avant lui. Il l'ignorait.
Comme il ignorait le peu d'inclination de MJ pour la religion. La brebis était revenue "au cas où" et ce constat m'indifférait.
La messe était dite.

"you walk into the room with a pencil in your hand
you see somebody naked
and you say "who is that man"
but you don't understand
just what you 'll say
when you get home

because something is happening here
and you don't know what it is
do you Mister Jones?"