jeudi 15 octobre 2015

n'ombre premier




J'essaie sans grande subtilité et encore moins de réussite d'inciter Jade à se familiariser avec les mathématiques . Ne pas se braquer sur l'aridité de ce domaine si abstrait, écouter son étrange musique.
Jade sourit, style -vas y, vends moi ta salade, cause toujours tandis que l'écran de son iPad miroite "game of throne" ou quelqu'autre série. Je me surprends à tant de hardiesse tant je n'avais trop rien tenté avec Venezia, son aînée.
Opter pour la posture "père cool", -pas d'a priori, pas de religion imposée, tu découvres par toi-même, tu grandis au feeling de tes émois, de tes tocades, le plaisir au poste de commande étant finalement pour moi moins une option idéologique qu'un laisser-aller en forme de démission ou d'émission d'un message plus subtil afin d'apprendre à discerner, à ne pas se fixer sur tant d'a-priori.
Nos vies sont faites de réajustements

Être père et pédagogue n'est pas gagné.
Je n'étais pas pédagogue. J'aurais pu l'être tant j'avais en mémoire mes questionnements adolescents, mes révoltes, mes émois. En mon esprit être pédagogue requerrait une image de soi un peu construite là où mes doutes primordiaux demeuraient.
Je m'étais retrouvé père et déjà cela relevait pour moi d'un miracle, d'un impensé. Cela avait été tardif et soudain. On n'est pas père seul, ni mère seule.
Même dans ma grande naïveté et dans mon inculture, ces notions de père et de mère se définissaient par l'existence de l'enfant.
Je suis un enfant sans père ou plutôt sans père connu et un père caché et le sceau d'un impair, avec des femmes nourricières, je suis un enfant sans nom ou cent noms, Jamie, Giovanni, né Tosello, Mahé, Mahé-Tosello.
J'en connais un bout sur la famille, l'intérieur de la famille, les enjeux, les jeux de rôle et de pouvoirs, les noeuds gordiens, les entrelacs, le langage, le double langage, le double bind, le sucré, le salé, l'amertume, la fluctuation de ce pH acide/base.
La grande escroquerie intellectuelle et idéologique de chaque époque est la mise en norme. Le discours idéologique court après le tumulte de la vie tentant avec un temps toujours de retard de la définir pour ne pas dire la juguler.
En cela les discours religieux sont experts.
En fermant les paupières de "mon clan familial", -je veux dire de chaque membre-, j'ai acquis la conviction que je n'avais jamais été un fils.
Enfant reconnaissant, j'avais couru après une reconnaissance qui ne pouvait être entendue.
Dans ce clan, j'étais avant tout une fonction non un je. J'aurai pu avoir une passion pour les maths,  ce fut seulement une appréhension. Ma fonction était d'être -un ciment- pour le clan avant que tout ne craqu'elles.
Je me lézardais. À l'adolescence.
Je refusais l'affiliation. Un re fut. Pas une rupture, faute d'inspiration, une disparition, choisir l'écart, une mise à distance.
L'enfant croie en l'omniscience de l'adulte souvent bien démuni. Du moins il veut croire. Toute croyance renvoie à ce besoin premier de sécurité
Je me croyais victime et c'était plus compliqué. Il y a le mot "famille" et il y a des membres démembrés avec leur inconscient, leur blessure, leur faim, leur monde et souvent chez ces adultes, ce tissu de certitudes qui mutilent et le m dit un amour déshydraté, inutile.
J'ai eu la chance d'appeler "père", un beau père en fin de vie.
De lui dire, -je te choisis- et de l'entendre m'appeler -fils-. Ce choix, ce premier choix à 41 ans m'a ouvert le chemin de la paternité deux ans plus tard. Enfin c'est ce que je veux croire.
L'enfant vous fait père et mère là où il n'y avait que les étreintes, langage approximatif des amours naissantes.
Les géniteurs éclosent aussi. Se métamorphosent dans des devenirs en gestation
Pour la femme cet advenir est palpable. Pour l'homme c'est avant tout une question de mémoire, de retour sur l'enfant qu'il était .
L'enfant adoube l'adulte, les adultes à des devenirs non soupçonnés. Il ouvre cette autre voie de leur relation par sa simple présence. L'exemple édifiant est cette revendication des couples homosexuels à fonder leur amour, à vérifier leur amour par la présence de l'enfant. Cet être Parent comme un être en amour. Louable exigence, louable croyance. C'était ce que je voulais croire. Là où commence une relation se profile l'univers "mathématiques". Ce questionnement qui me travaillait ne travaillait pas l'enfant. En un sens d'en être exonéré était une victoire mutuelle quoique  antithétique. L'enfant cherchait son envol dans un autre espace et cela était heureux. La sphère dont j'étais issue me faisait un vain sysiphe tirant la caillasse. Je poursuivais ma quête dans l'ab-strait et gardais sur ma table de chevet momentanée "les nombres premiers", un long chemin vers l'infini d'Enrique Graciàn. La spéléologie intérieure avait besoin d'éclairage. -i put a spell on me-



samedi 8 août 2015

7 aout


j'ai sorti deux photos de mon porte-feuille et j'ai ouvert les fenêtres en grand donnant sur le jardin. Il était 6 heures du matin. La brise s'engouffra. 
Cela fait quarante ans que je les garde au plus près de moi, comme le bien le plus précieux. Je ne les regarde pas. Elles sont avec moi. Ce ne sont pas des photos. ce sont des blocs de temporalité comme un bloc géologique superposant des tranches fossiles d'une époque, sédiments de rires et de larmes, de luttes et de deuil. Deux clichés, dont un découpé dans le journal « Rouge », chronique du décès, datation 7 aout 1975, l'autre photomaton hâtif 71/72 graffité au verso d'un "je t'aime...! Longtemps….! ». Deux clichés dénichés après la tempête dans le ressac où je me terrais.
Tout était saccagé : dans mon esprit. 
Je devins silencieux. L’usine favorisa le silence. La mécanique des tâches asservissant mon corps éroda les pensées savamment tissées dans mes jeunes années. A la sortie de ce taff, je m’enfermais au rez de chaussée de la maison des « Tosello », la nonna tapait à la porte « tu es 

rentrée », vers 23 H Jacqueline apparaissait, la chevelure blanchie en quelques semaines, je nous remplissais des verres qui ne nous brulaient pas assez. La mère parlait au présent  du passé. J’écoutais cette femme invoquer son enfant que j’avais si mal aimé. Quand la nuit gagnait le jour nouveau, elle se retirait. Je l’accompagnais jusqu’au portail. Elle me serrait contre elle et murmurait « tu ne vas pas faire de bêtises ». Je restais sans voix et la regardais s’éloigner arpentant la rue, se retournant tout les cinquante mètres, agitant la main comme une ultime caresse. A 5 h je pointais à nouveau. Trois années s’écoulèrent , ma grand mère mourut, je quittais l’usine, les clichés dans la poche. Quand j’ouvrais mon portefeuille, ils me regardaient. C’étaient leur fonction. Offrir un regard distancier. Rien à voir avec de la nostalgie. Il ne serait jamais question de mettre à distance cette douleur. Je vécus, survécus comme un automate, aimés par de jeunes femmes bienveillantes qui cherchaient à me sauver de moi-même, vainement. M’invitèrent à écrire. J’évitais sans prétexte. Le cataclysme n’était qu’en moi. Parfois je questionnais les clichés. Ils répondaient « tu as failli dès ma mort programmée ». C’était si vrai. erreur irrémissible
juillet 72, l’hopital Pasteur dix jours de coma après une crise d’asthme, 30 jours de convalescence et l’avis médical comme une guillotine. Me souviens combien la peur m’avait saisi et combien la faim de vivre l’avait gagnée. Fut exilée six mois en sanatorium à Briançon.

Le 7 aout 1975
Elle mourut.

Quarante ans ce sont écoulées, j’ai une fille de 20 ans, une autre de 15. 
Je pense à toi Pat en les observant. 
Je pense à la précocité de certains êtres dans les épreuves de la vie. Je pense à l’énergie, à la consumation, je pense à cette épiphanie des corps quand le plaisir rencontre, je pense à la jubilation, je pense à ta jeunesse et à ta mort .
Quand la peur m’a abandonné, quand les enfants sont nés, je me suis dit qu’il fallait les préparer, les alléger de cette culpabilité qui suinte du langage, des convenances, de la vulgaire vulgate religieuse, qu’elles cherchent leur chemin avec la pertinence de leur jeune savoir, qu’elles aient confiance en elle, en leur désir, qu’elles s’avancent à leur rythme sans a priori, hors des conformismes de toutes sortes, des impératifs grégaires à faire comme « les autres ».
J’ai deux enfants. 
Je les ai eues à 43 et 48 ans, leur mère est une femme décidée, pulpeuse et matérialiste, que je n’ai probablement pas su aimer. Aussi.

Deux comme ce que nous aurions dû avoir s’il ne t’avait pas fallue avorter en 1971. 
Clandestinement, hors la loi de 16 ans, bravant la cupidité et le moralisme de certains médecins d’alors. 
Ma mémoire est vive de cet été 1971. 

« étrange est la vie » mais nous ne faisions pas de rêves. 

Jade me dit qu’il ne faut rien regretter sous peine de souffrir doublement. 
Elle ignore combien tu faisais tien ce théorème mais elle sait 
combien il m’en coûte de ne l’avoir pas assimilé.




lundi 22 juin 2015

today is another day 22 06 2015



me suis levé 6 heures avant ma naissance, j'ai toujours cherché à anticiper.
J'avais mes raisons, une histoire de mauvaises vibrations. Ce matin, tôt, m'est revenu à l'esprit un article de newsweek où un "neurologue", le docteur Alexander expliquait son expérience post-mortem momentanée. Donc le mec, il est neurologue, cela assure pour son récit, il s'offre un séjour dans ce qu'il nomme "l'au de là" suite à une méningite bactérienne. Un coma de sept jours pour faire le tour de la question et visiter la contrée où nous allons tous allés.
Je suspend le suspens pour les futurs migrants, il n'y aura pas de tempête, l'achéron n'est pas la méditerranée, vous ne serez pas bloqués dans un Menton quelconque faute de papiers. Vous allez, nous allons vogué dans le" tout amour".
Je mets un bémol en ces temps triple X. Ne vous imaginez ni gang bang, ni threesome, ni vos fantasmes les plus indicibles comme "tenir la main de la sainte vierge". Nous sommes dans l'immatérialité, un genre de sirop sans danger pour diabétique où les "âmes convolent".
En lisant l'article me suis dit "c'est de la bombe", c'est une invitation au suicide de masse, une revisitation de ce conte de grimm, le flutiste de Hamelin dont le son mélodieux entrainait les rats qui infestaient la ville à se noyer dans la Weser. Mais jusqu'à présent les effets se font attendre. Les seuls morts groupés ces derniers temps aux USA sont encore dûs à la folie raciste d'un post pubère fasciste. Et dire que ce merdeux ignore qu'il est destiné lui aussi à voguer pour l'éternité tout contre "les âmes de ceux qu'il a tué". L'amour vâche.
Mais revenons à moi-même. Je disais que je me suis éveillé six heures avant ma naissance avec ce souvenir qu'il me fallait à tout prix sortir de la matrice, le placenta avait un gout acide et pas lysergique et déjà un goût de paranoÏa me gagnait : "que fais tu là, que foetus là" disait la bad vibration, a-Sid,  j'anticipais l'âge de glace,  A-mére, la saveur du réel. Evitant l'aiguille à tricoter, je tempêtais pour voir l'issue ce jour de juin 1952 vers 11 h  30, et c'était un dimanche au moment où dans les églises romaines s'entendaient la locution latine "ITAE MISSA EST".
Je suis pas neurologue, ni gynécologue, quoique mes mains aient accompagné la sortie de Venezia du corps de sa mère (la symbolique n'a d'effets que sur moi) mais je peux dire que le voyage de ces 63 années a bien été pour ma pomme une quête éperdue avec le verbe "aimer". Je l'ai conjugué à tous les temps avec une préférence pour le présent et j'en conviens avec difficulté. J'aime, j'aime l'huile d'olive que me forçait à avaler "mémé Chaillou" prétextant que le chocolat de ma grand mère me donnait de l'eczéma, j'aime le nom de mahé "qui me fut donné" même s'il demeure un prête nom, j'aime gambader dans ce jardin gagner par les herbes hautes qui me filent des démangeaisons encore aujourd'hui et je ne gambade plus, j'aime ces moments d'enfances où j'allais jeté les graines aux poules que grand-mère allait zigouiller pour le plat de viande du dimanche. J'aime ces souvenirs de vacances torrides avec ami d'enfance et découvertes de l'émoi dans nos corps et lui sculpté comme un dieu grec. J'aime la saveur de ces flirts avec mon initiatrice, ma cadette de trois ans, qui me guida dans la transe, dans l'amour, qui m'apprit le prix de l'amour et la peur de la perdre quand la perte est le sans retour et ses dix jours de coma à l'hopital pasteur de Nice. J'aime ces femmes-enfant qui me recueillirent hagard, livide se donnèrent corps et âme sans attendre en retour du zombie advenu. J'aime ces jeunes femmes qui voulurent croire en "mes potentialités littéraires" et me laissèrent butiner et jouer au Turf pour le meilleur et pour l'Epire. Grâce à leur grâce antique. J'aime celle qui née un 26 juin me fit père de nos enfants pour des raisons la dépassant et nous fûmes dépassés. J'aime cette irruption vitale nommée Venezia, enfant désormais femme jeune et déterminée, meilleure que son géniteur mais pas forcément plus tétue. J'aime ma conscience à l'aube de sa vie prénommée Jade, inclassable et touche à tout, curieuse,  esthète, gourmande, agile, osant se dépasser, domaine où son géniteur n'a jamais excellé. J'aime cette notion de moments-années qui zèbre ma conscience lacunaire. Je vis au présent avec des êtres aimés au cours de ces 63 années. Je suis fait de leur rencontre. Je les porte en moi, légèrement. Adolescent, déjà initié à ce que mourir signifiait, j'imaginais l'âme des morts dans cet ailleurs comme un regard constant pointé sur mes tribulations. j'en ris souvent : intérieurement. Cela ne m'a jamais dissuadé de cet exercice solitaire et bienfaisant que chantait Léo Ferré "Onanisme torché au papier de Hollande "(rien à voir avec flanby). Ce qui épris n'est plus apprendre dit Lao Tseu (traduction personnelle). Aimer comme respirer. Avaler tout. impossible de choisir parmi les particules fines, ceci dit parfois un moment d'apnée peut être salutaire.
Je vieillis bien.
J'ai moins peur. Six ans en chir D, cela forme. La vie, la mort et dans l'entre deux, plein de variantes de souffrances, de résurrections, de jeunes êtres qui s'activent avec leur savoir-faire, leur vie à taire, leur énergie no limit, parfois j'égrene leurs prénoms comme un rosaire, parfois j'en oublie. Je les vois dans mon oeil entonnoir, je recueille, je m'abreuve. Je n'ai aucun savoir tangible, ma mémoire travaille à effacer pour m'aider à vivre un jour de plus. Une variante de l'alzheimer qui est là positive. Je semble naître à la vie à chaque aube nouvelle. Curiosité post Juillet 2002, il m'arrivait alors de m'éveiller et de découvrir ma vue mononucléique.
Ma tête se tournait alors vers la droite et la gauche pour découvrir son nouveau champ visuel. Je m'alphabétisais. Les questions de la veille revenaient, comment allais je m'acclimater, comment allais je travailler, conduire, me mouvoir, comment allais je embrasser. Là j'étais dispensé.
Virginie Henderson que je ne connais pas lista mes 14 besoins sans que je le lui demande. Générosité de l'Ange. Aimer en serait la synthése et la difficulté aussi. Il est en effet préférable que la check-list soit au mieux. Mais l'esprit-corps humain est capable de se dépasser. Je me souviens de franches rigolades avec Léo dit barco dit Michel à propos d'un film des Monty Python "Sacré Graal",



nous étions dans sa chambre à Rueil-malmaison, soins palliatifs, la tumeur avait amoindri son équilibre et le borgne guidait le brinquebalant dans le jardin, sa perspective était plus réduite que la mienne, il en riait et je ne sais pourquoi il s'exclama "le chevalier noir, tu te souviens du chevalier noir" nous nous regardames et le cri jaillit de nos bouches "Lâche". nous étions dans la forêt, la mort s'avançait, elle l'avait touché au bras, à la jambe et Barco l'invectivait en riant jusqu'aux larmes. Aimer est le verbe. Je vis de ces moments, de tous ces moments qui jalonnent ma vie. L'improbable et l'inattendu c'est cela que je me suis efforcé d'atteindre et qui me constitue.
Les avoir vacillent, les êtres nous comblent nous laissent entrevoir l'au de là de nous-mêmes, ce flux qui nous trame en relation. Nous sommes singulier et pluriel, originaux et mêlés.
Etrange est la vie à qui cherche du sens comme l'obsessionnel que je demeure. Mezzo mato forse non mezzo.
 Une femme née un 26 juin accompagne mon existence et son doux prénom de Patricia.
Le docteur Alexander est revenu de son escapade. Son cerveau à nouveau fonctionnel retranscrit ses visions hallucinées. Le neurologue patenté, expert en encéphale et en cartographie de nos émotions doit encore cogiter. Son expérience était loin du coma dépassé. La notion d'âme reste à explorer. Je me souviens à ce propos du 19 février 1993, dans une chambre de la clinique "Plein Ciel" (je n'invente pas) de cet ultime épisode où mon "père-beau" après une nuit agitée par des aspirations successives pour dégager ses voies respiratoires rendit "l'âme".
Deux anges lui faisaient la toilette, son corps parchemin respirait avec l'aide du dernier poumon et la délicatesse de ces femmes accompagnérent ses ultimes bouffées d'air. Il fit une apnée longue et repris l'air dans un râle, l'ange qui tentait de lui prendre le pouls sursauta, recula, se rapprocha, me regarda, reprit le pouls à la carotide et du regard me fit comprendre. Je fermais ses paupières. Les anges allérent voir leur infirmière.En regardant Marcel je sentis un vide en moi se faire, un vide sans nom, je lui pris la main, je me mis à balbutier "ô père, qui n'est pas mon père, je te choisis. Je m'accrochais à sa main mes yeux se vidaient de larmes, je reniflais, dégageais ma main de la sienne pou éponger mon visage et machinalement me tournais vers la fenêtre pour l'ouvrir. L'infirmière entra, c'était une grande fille du Nord, une "chti", elle l'avait suivi tout le séjour, elle chantait pour lui en italien croyant qu'il comprenait par ce qu'elle m'avait surpris à murmurer à des amis dans cette langue. Je la regardais et ma voix prononça "ho aperto per la sua anima che se ne va" et les larmes coulérent sur nos visages.









mercredi 17 juin 2015

fin des années 50-temps de guère/guerre

je retrouve des lettres dans le capharnaum de la maisonnée. Elles éclairent les pans imprécis de mon histoire et m'éclairent sur mes proches. Sur ce monde de femmes qui était mon environnement.
Pierrette écrit à Marcel en ce 25 juillet, elle omet l'année. Nous sommes en pleine guerre d'Algérie. A cette date, elle a à peine plus de 26 ans. Elle est veuve. Claude, son mari, gendarme stationné au Maroc vient d'être tué en mission. Elle vient de déménager d'orange où le couple résidait à la caserne pour revenir vivre auprès de sa mère, ma grand-mère. Marcel, frère cadet de Claude est soldat quelque part en Algérie. Il attend son rapatriement en France du fait du décès de son frère au combat. Il lui a été refusé. "C'est tout simplement odieux " écrit Pierrette.
L'écriture de Pierrette est douce comme sa peau comme ses souvenirs que j'ai de son visage. C'est en mon esprit, l'italienne de la retenue, de la tendresse, de la sollicitude, de cette attention à l'autre. Elle est dans le trauma qui lui vaudra un cancer généralisé mais elle ne pleure pas sur elle. La mort du mari et du frère est indirectement évoquée. Dans le clan, Pierrette est la Madonne double face, Marie-Jeanne la fourmi culpabilisée, la nonna, une Médée pièmontaise dont la force intérieure était inversement proportionnelle à sa taille.
J'établis la date à l'été 1958, je viens d'avoir 6 ans, Patricia a 3 ans et demi, Alain 7ans. Je me souviens de la raclée, "je suis le canaque" que "mémée Tosello" a rossé pour l'exemple.
Elle écrit à "son vieux frère" qui est en fait plus jeune qu'elle et dépeint un moment de vie dans ce coin de métropole où la guerre se résume à des graffitis de l'OAS sur les murs du village.
Je vais planter du jasmin dans un recoin du terrain, je le laisserai s'épanouir pour que ses effluves, peut être, me rappellent. Madeleine proustienne.
Maddalena era il cognome della nonna.















dimanche 14 juin 2015

14juin 2015




le 13-06 devait être un bad day..
Un geste a suffi malheureux et imprécis à vouloir ne pas respecter les règles.
Se laver les mains, les sécher, prendre le petit miroir, ouvrir l'étui à lentille, le reposer sur la table
verser le liquide " menicare plus" ds la paume de la main gauche prendre la lentille rigide de la main droite, veiller à ce qu'elle baigne bien dans le produit de pose et la porter délicatement vers l'orbite droite.
ai du passer une bonne heure à quatre pattes et une autre à fouiller les tiroirs avoisinants.
Nada. Perdue. Chacun a ses cold case.
De porter des lentilles depuis mars 1974 m'a appris à me détacher de ces "petits problèmes" de pose, de perte, de poussière dans les yeux par  temps venteux ou dans le moindre courant d'air.
J'ai beau être zen, j'avais les glands.
 Me suis mis à modifier mon planning du jour, je n'aime pas travailler sans lentille, surtout sur un échafaudage. Je me suis rabattu sur cette logistique du quotidien, courses, ménages, cherchant les activités qui ne solliciteraient pas trop ma vue. Me suis mis à gamberger sur cette économie du geste devant un handicap.
Chez moi la crainte irrationnelle de la cécité m'a incité à une vie de solitude. Ne pas être dépendant d'autrui. Vivre avec quelqu'un qui ne vous aime pas avec cette menace d'être l'aveugle du couple, non très peu pour moi. Il y a longtemps que j'ai rédigé mes directives anticipées.
Il est vrai que je peux être chiant à vivre.
Je ne suis pas un hédoniste, j'aime bien laper de l'Orvieto sur le corps de l'être aimé, voire du Jurançon faute d'Orvieto et déguster la bouteille par temps de solitude. Je garde des visions enchanteresses pour tenir le reste de mes hivers. J'aime quand on me laisse son numéro de téléphone, quand on tape à ma porte avec une bouteille et deux verres ou des fruits qui deviennent de la passion, j'aime aussi un rendez vous avec un livre pour la simple lecture d'un chapitre. Je suis partant pour une virée à Bellagio et les rives du lac de Côme à arpenter les jardins de la villa Carlotta. Je n'aime pas que l'on m'assène que je ne pense qu'à "baiser" mettant dans l'intonation de viles pensées alors que l'amour peut être autant sauvage que délicat tant  il est a-moral.
Je ne suis pas un hédoniste par ce que je ne crois pas suffisamment au plaisir de la vie et qu'il ne m'est pas possible d'être un jouisseur dans ce monde à gerber. Je laisse cela aux autres, dandys de toutes sortes ou gens bien éduqués qui peuvent s'en accommoder.
Je ne suis pas un donneur de leçons, encore moins avec "mes" (au sens de mes responsabilités") enfants.
D'idéologie, je deviens une sorte d'anarchiste comptable de mes actes. Un anarchiste -bienveillant-. Homologué par mon directeur des soins. J'aime bien les travaux de la terre sans pour autant être un prêtre de l'écologie. Je cultive tant bien que mal ce lopin de terre et je devine la galère de l'agriculteur en voyant le désastre d'une récolte niquée par un orage. Je me dis que ce n'est pas ma vie mais que j'ai un travail à terminer.
Je n'aime pas la vulgarité et l'utilisation dénaturée des mots -con- pute-putain-enculé
Le terme con signifie le sexe féminin dans la même famille : cunilingus. De la nécessité du latin.
Les mots pute, putain jetés  constamment en pâture devraient interpeler  chacun sur ses propres moments à en être, un ou une. Ceci dit, il m'arrive de m'écrier "putain de vue".
Le mot enculé pour injurier un tiers devrait inciter le locuteur à une réflexion plus approfondie sur la fonction du sphincter et sa zone érogéne. Il est vrai qu'en un temps où il est bon de faire guerrier et de faire du viol une arme de destruction, cela dessine une posture moderne.
En cueillant de petites oranges amères sur ces arbres que je n'ai pas vu pousser, je me suis rendu compte que pour atteindre  le fruit il fallait éviter les branches épineuses. C'est là que j'ai crié "putain de vue". Du coup j'ai pris un sécateur pour élaguer les branches mortes et cruelles.
Je deviens un vieux, irascible et malvoyant et il n'est pas dit que je donne les qualificatifs dans l'ordre.
J'aime bien richard Brautigan et j'aime bien Allen Ginsberg et j'aime bien me pencher sur les faits du quotidien, celui que je connais le mieux, le mien. De ginsberg, j'ai retenu l'assertion de rester fidèle à sa parole, à son authenticité, si elle est authentique même brute. Les gens qui ont une calculette dans leur cortex pour évaluer un acte de la vie m'indiffèrent. Le mot "utile" est le terme le plus galvaudé, le plus mystifiant, le plus castrateur. Il m'a été inculqué et je pense mou comme on dit -il bande mou-.
Les êtres que j'apprécie ne m'apprécient pas.
On me prête des  vies, des dires, des actes fantasmés. Et chacun va de son tricot maille à l'endroit maille à l'envers. J'ai choisi de ne pas  dissuader, de faire un simple pas de côté, hors de portée.. Dans le milieu des années 70, Joseph Losey réalisa un très beau film sur un tout autre sujet Mr Klein et en ce 14 juin je vais me le repasser.



vendredi 15 mai 2015

la veille de demain , écrit le 16. 05.2015






Jade dort dans sa chambre. Récupération d'une "nouba" de la veille. Suis revenu un week-end à la roseraie de façon impromptue. Clash.
Nous sommes des parents "pragmatiques". 
Nos enfants ont happé nos existences, comme des aimants capteurs focalisant nos préoccupations. La parentalité prit rapidement le pas sur notre vie de couple. Manque de lucidité, fascination devant ce merveilleux : la vie d'un enfant et cette étrange anesthésie de l'amour qui l'a créé.
Le prosaïsme du quotidien fit le reste jusqu'au désert du désir, jusqu'aux blessures narcissiques, aux mots de trop où l'aimer s'érode et le couple se désagrège.
J'ai une petite idée sur la faillite d’une histoire qui de mon point de vue avait commencé si bien. Peu d’hommes ont été « sage-femme » pour leur enfant. Peu d’hommes ont vécu ces moments où l’amour apparaît grimaçant, exigeant le passage, l’irruption que vos mains en forceps favorisent. Et mon orgueil de ces moments ont assoupi mon intelligence intuitive des choses de la vie.
Les pages se tournent. L’expression me révolte. Je ne tourne pas uniquement de la gauche vers la droite. L’hypertexte me nourrit images/sons/fragrances/effleurements. Dans ce temps-mille feuilles, je laisse mon inconscient trouver le chemin à suivre, nourri d’hier et d’aujourd’hui. Ma boussole a pour Nord magnétique et repères cardinaux des verbes d’action : être présent/ Ne pas Nuire. Les deux autres points cardinaux dessinent mon questionnement et l’aire de mon désir.
Mon mode d’emploi garde un hermétisme certain qui lasse. Je n’en change point. Le rejet me constitue. Parfois j’organise le rejet comme unique principe d’existence. –Être aimé- m’est difficilement perceptible- Aimer m’est plus facile et le mot garde un spectre élargi de couleurs à l’aura de l’être rencontré.
Je ne dénigre jamais un être aimé. Je ne confonds pas amour et appropriation. Je n’ai jamais pensé être «  tout » pour l’autre. Et réciproquement. 

Je suis d’un naturel monogame, ayant pratiqué quelques lâchetés
Ma passion « dévorante » s’est rationnalisée à l’aune des épreuves de vie et de mort. Quand tu sais la perte imminente de l’autre, tu redimensionnes la pulsion de jalousie à ce réel, tu n’imposes pas le diktat de ce credo infantile. Le verbe Aimer s’élague de ces scories mais parfois tu es rattrapé par l’inéluctable de la perte et la frayeur de la mort de l’autre t’entraîne dans les mêmes aveuglements.

La peur est un cancer aussi.
Sévérine en d’autres bras. Ainsi est la vie.
Suis ni lâche ni masochiste. Eusses aimé être aimé d’Elle.
Ma passion a le prisme du raisonnable. Mon prisme perceptif est moulé au deuil réel de l'être aimé.
Etrange est la vie qui met sur ma route une femme née un 26 juin, au doux prénom de Patricia. L’obsessionnel en moi semblerait être caressé dans le sens du poil. 
Je mets Pile.
Les histoires de Cœur : épiques. 
De port en port. 
Il fut un temps où je déambulais dans les rues de Nice, « le marin de Gibraltar » de Marguerite Duras dans la poche arrière de mon jeans. Les beaux jours. Entre deux lavages j’alternais avec « le vice-consul » et le « ravissement de LOL. V. Stein » pas de quoi être mort de rire mais de puiser aux circonvolutions de l’amour conté. C’est ce qui compte.
Un livre de Paul Auster m’accompagne -Excursions Dans la zone intérieure- Je le butine Plus que je ne le lis.
Ceux sont des écrivains nord-Américains qui piquent ma curiosité.
Lui et Nancy Huston. Ils élargissent mon champ de conscience, ma connaissance du monde et ils sont de ma génération.
Jade voulait m'entrainait voir "connasse" mais j’ai refusé. Elle argumente un, "Ceux Sont des gens de Canal Plus", c’est une comédie, regarde la bande -annonce "J’ai regardé et j’ ai répété : "Non ».
Je n’avais pas le temps de développer.  De dire tout le mal que je  pensais de ce miroir aux alouettes- qu'avait été Canal pour verser et promouvoir la vulgarité, le copinage, la fausse outrecuidance, la pseudo radicalité, ce clanisme des happy-few, sorte de communautarisme des gens des médias.
Et puis je n’aime pas le mot "connasse" et le mot con pris dans un vocable injurieux. En quoi le sexe féminin est-il matière à injure. Tout comme NTM et tout ce qui est sous jacent à ce machisme primesautier ancré dans les vulgates religieuses. 
Ne me dites pas que les religions respectent la femme et encore moins l’islam. 
Je m’emporte.
"Alors TARNAGAS, On se fait remuer par sa fille" aurait dit Solange.
Et nous étions la veille de ce foutu 17 mai 2014. »
Mon amie, tu me manques.


dimanche 3 mai 2015

pour Jade qui a 15 ans en 2015




tu es née à 5 h 10, c’est l’heure que j’ai noté, Le travail a commencé une heure avant quand ta mère a rejoint la clinique Kennedy. C’est une habituée de l’urgence. Quand je repense à ta naissance, je ne peux te dissocier de ta mère, de son désir de t’avoir, de cet irrépressible désir de te mettre au monde.Ta mère est insensée et cette force intérieure, sa force intérieure, cette sorte d’exigence à ce que tu existes m’a au début fait violence par son irrationalité. Je raisonnais avec cette algèbre des besoins qui incite à soupeser toute chose en termes de « bénéfices-risques ». Etymologiquement -algèbre vient de l’arabe et signifie « réduction ». J’ai toujours eu ce goût à revenir sur l’origine des mots et des maux. Une manière de traquer le caché. J’ai voulu pour toi et pour ta soeur des prénoms « secrets ». Enfin pas vraiment puisque je vous prénommais de leurs sonorités, vous le murmurant à votre oreille de nouvelles nées.
Je voulais pour chacune des noms de ville, des enceintes ouvertes non des saintes. Je voulais pour vous des liens symboliques à ce que l’humanité des temps premiers avait créé, histoire de vous enraciner à la mémoire humaine sans discriminer à l’aune d’une religion mais en vous proposant un miroir de l’humain, une géographie qui vous raconte des possibles à vivre, rencontres, édification, créations, échanges. Je voulais vous éloigner de l’enfermement où j’avais été parqué. C’était là mon seul programme parental pour vous deux. 
Ta naissance a été aussi périlleuse que celle de ta soeur et tu dois la vie à la dextérité de la sage-femme qui t’a dégagée du cordon ombilical qui était près de t’étouffer. 
Cette femme mille fois Sainte. 
Quand je pense à ces moments à la clinique, je reste admiratif de Venezia et ses 5 ans prise dans ce mouvement intempestif de se lever aux aurores, voyant sa mère entre douleur et inquiétude, sauter dans la voiture et patienter entre salle d’attente et couloirs vides, drôle de ponctuation de ces neuf mois où elle suivait ce qui allait être ta naissance.
Tu n’aimes pas ton prénom secret. 
Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit un mauvais choix. Il a des sonorités inhabituelles à notre langue française. Mais tu sais désormais qu’une langue est un flux sémantique métissé. 
Ton prénom est lié bizarrement à l’année de ta naissance cet an 2000 et à un film d’Alain Tanner « Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 », un film qui conte des histoires individuelles et qui parle de l’Histoire. En 1976, j’étais un être sans futur, imparfait et mon langage s’appauvrissait dans une usine de la société Legrand. Ouvrier Spécialisé sur des presses plastiques, à faire des interrupteurs. Il faut être précis quand on s’exprime. J’étais ce que l’on appelait alors « un établi », un étudiant inserré en usine rêvant de révolution. Je ne rêvais plus. J’étais dans l’aporie et le film d’Alain Tanner m’offrait un goutte à goutte salvateur.
Je ne sais pourquoi mais entre toi et moi, le cinéma joue un entre deux nourricier. 
« Remember ».
Il a fallu que je me sépare de ta mère pour te trouver. Pour prendre conscience de toi, de ta personnalité en éclosion, de l’enfant spontané, à vif, bouillonnante que tu étais. Par expérience je sais que l’enfance révèle nos personnalités. J’ai le souvenir d’enfants si philosophes à la dizaine d’années forgés dans l’adversité. Il n’est pas sûr que j’ai été suffisamment attentif à votre faim de vie et à votre précocité, je ne l’ai pas suffisamment stimulée. Certes je ne l’ai pas occultée. Ce film de Tanner n’est nullement un lien direct à ce prénom. Mais à cette époque de ma vie je me suis intéressé à la Bible, ce livre premier du monothéisme comme l’on va à la source. Par humilité intellectuelle , je ne crois pas en un dieu et par humilité de père, je n’ai jamais cherché à vous guider vers une religion. La Bible est une lecture particulière. C’est un temps tellement loin de nous. Toutefois elle nous permet de déceler combien fondamentalement les problèmes, les questions, les ambitions et les bassesses des hommes ne sont pas radicalement différents des nôtres. Le livre de Jonas a une trame riche et intrigante mais c’est sur un autre versant de la Mésopotamie que mon choix s’est guidé pour ton prénom. Un lieu qui énonce l’origine de l’action humaine et qui fasse écho à cet imprévu en mon esprit qui est : toi. Donner un prénom correspondait en mon esprit à guetter un sens, non pas une explication, un rationnel mais une « poétique », un frottement de silex, une étincelle. Il y a en mon esprit cette volonté de ta mère et toi, cette résultante lancée dans le flot de la vie. Je dis poétique dans son acception originelle de « création ». 
« Le nombril est un noeud qui suture la naissance » écrit Erri De Luca « le monde en a possédé quelques uns le long des latitudes habitables. L’un d’entre eux est la Mésopotamie… ».

Dans ce mouvement migratoire d’alors de l’Orient vers l’Occident certains construisirent une ville et édifierent une tour élevée pour défier le ciel. Elle est communément appelée « la tour de Babel ». Bien sûr ce prénom n’est pas Babel, nom de la tour.
L’histoire de cette tour est l’histoire de la multiplicité des langues, du « don des langues » que fit ce dieu quand les hommes le bravèrent. Tu es née à une époque où connaître sa langue et les langues des autres s’avèrent un atout précieux et nécessaire pour tes rencontres et tes « créations » et je sais déjà que tu es prête.
Je t’aime
longue vie




















mercredi 29 avril 2015

pour venezia




Venezia,
je n'ai jamais tenté de t’apprendre la langue de ton prénom ni de t’entrainer sur les traces des êtres qui t’ont précédée sous cette latitude, venus à pieds d’un Piémont voisin, fuyant misère, faim, obscurantisme. 
Non que je veuille omettre ou effacer par honte ou par ignorance. 
Je voulais pour toi une légèreté et une nouveauté pour ce temps que tu inaugurais. 
Je voulais que tu découvres et que tu te construises dans ce chemin que ta jeune et bouillante énergie empruntait. 
Tu le fis, tu l’as fait. 
Quand je parcours toutes les photos prises durant ton enfance, quand je convoque ma mémoire pour saisir la jeune femme que tu es devenue, je mesure toute l’originalité de ta jeune existence, ta précoce émancipation, tes aspirations à te réaliser, à cultiver tes passions. 
Tu es "une être", secrète, généreuse en amitiés, naïve en amour et je crois qu’il faut le rester, il faut laisser l’opportunité dans ces rencontres pour que l’autre « s’étalonne »,  se révèle même ou surtout dans ses failles. 
Tu te connais suffisamment pour savoir ce que tu dois faire évoluer en toi pour gagner en indépendance et libertés.
Bizarrement entre nous si la parole est toujours restée très libre, elle a aussi fait place à un silence paradoxal. Je n’ai pas été avec toi un père très subtil, trop cassant, à l’autoritarisme étroit. L’adulte fait souvent payer à l’enfant ses propres frustrations, ses manques et de le savoir n’exonère pas  des conséquences. 
Au rendez-vous de tes vingt ans, il me plaît d’être admiratif devant toi et de savoir que si je devais donner du sens à mon existence, la trajectoire de ta gestation à ta naissance et ces 20 ans brillent et vibrent comme une polarité régénératrice et essentielle. 
Je ne m’en accapare pas ni ne la monopolise. 
Il me plaît de voir l’être que tu es et que tu deviens et simplement te l’écrire.
En 318 mots plus 2X7

baci
JM

vendredi 3 avril 2015

4 avril 2015



me suis réveillé vers 4 h.Tiré du sommeil par la piqure d’un insecte, rencontré dans les broussailles du jardin. Mon corps dès son plus jeune âge se méfiait de la nature, de ces herbes dont les caresses inattendues s’avéraient irritantes. 
Je me souviens de ma défiance particulière pour les chardons. Tout semblait me prédisposer pour un univers urbain et une sphère intellectuelle où le corps s’épargnerait tout dialogue avec la nature et les outils. Il n’en fut rien.
En arpentant le lieu de mon enfance, en le travaillant, je procède un peu comme les abeilles répétant à l’infini des parcours qui nourrissent ma mémoire. Mon propos n’est plus vraiment de comprendre ni d’apaiser mon être, peut être saisir des éclairages qui indiquent les pistes suivies vers cette solitude qui devient pour moi la seule identité.
Il fut un temps où j’interrogeais cette étrange blessure de porter un nom qui ne  disait rien de mes origines. La dépossession de son histoire est un montage mortifère. J’eusses préféré l’abandon à ce faux témoignage. Mais là encore tout n’est qu’une question de neurones. Mes connections demeurèrent embryonnaires dans un état de néoténie. 
Dans un monde où être en relation  domine nos existences, il devient ardu de fonctionner quand votre faille est entamée du côté du rapport à l’autre. Il est fort probable que mon être assimila très tôt la duplicité et investit la crédulité comme parade. Donner à croire que l’on croit : jusqu’à y croire. Une dilution du moi dans l’émoi.
Dans les sonorités de l’enfance l’entre deux langues balança un rythme à l’indétermination, à l’aléatoire, à la durée relative des choses. L’enfance est le territoire premier de la philosophie dans cette découverte du langage et du sens et des sens et de la perception. L’ignorance des adultes s’observe en chaque instant. Leurs convictions, leurs certitudes, le diktat de leurs impératifs trament des coercitions à l’apprentissage. Je n’ai jamais cru à l’instinct maternel mais j’ai souvent décelé de l’altruisme et une générosité qui était « plaisir à procurer ».
Ecrire à l’aube, émerger. 
Le cancer (astrologie) en moi privilégie toujours les eaux mêmes troubles. Le chaos, le mien n’est pas pour me déplaire. Il n’est pas sur qu’être aimé ait été et soit ma quête. Un conformisme somme toute naturel m’a parfois guidé vers ce rivage. Je sais repérer des êtres lumineux à aimer. Mais être aimé reste un monde qui me reste étranger, imperceptible.
Il n’est pas difficile d’abuser de mon esprit mais il serait naïf de croire que je l’ignore. En chaque relation chacun se révèle et dessine ses limites.
J’ai en moi taggué des phrases définitives :
-un sentiment de défaite avant le combat-
-la peur de la perte est une perte au carré-
-devant l’être aimé avoir défailli et failli-
-il n’y a point de rédemption, que la conscience toujours plus aigüe de la faille-
une phrase de Burroughs : « panama collait à nos corps »
-j’eusses aimé être meilleur mais cela requérait trop d’effort-
Au matin j’écoutais Paolo Conte et je me revoyais enfant sur les genoux de Tonton Dinù qui me contait les dix manières de faire enrager sa soeur, ma grand-mère et la voix de cet homme est restée douce en mon esprit même après qu’elle se soit éteinte. Oui Dinù, dis moi encore



jeudi 5 février 2015

5 février 2015 Obsoléte




je travaillais hier en Chir E dédiée notamment à l'ophtalmo. En passant d'une chambre à l'autre, une idée m'a rattrapé en observant une sorte de recueillement particulier de ces patients à quelques heures d'une opération pour une cataracte, un glaucome, un décollement de rétine.
J'avais oublié. 
Cet état de concentration sur soi-même si different des patients plus dans le partage pour d'autres interventions comme en orthopédie. 
J'avais oublié. 
Ce besoin de puiser en soi dans une sorte de méditation qui ne porte pas tant sur la douleur que sur la vue. Oui méditer sur la vue, ce capital -images mémorisées- au cours des ans, kaléidoscope d'un acquis soudain devenu fragile.
J'avais oublié.
Combien ce sens irrigue notre être et combien toute altération vous bascule dans l'impératif de la pensée. Recueillement pour inventorier ce qui va être ôté. Recueillement pour imaginer un devenir, cet autre monde appelé : cécité.
J'ai senti franchir le seuil d'obsolescence le 7 juillet 2OO2.
Un samedi matin, poussé vers le bloc par le  chirurgien himself. 
C'était à la PGS. Allongé sur le brancard, je lui répétais, c'est l'oeil gauche, c'est l'oeil gauche, non rassuré par son "je sais M. Mahé". 
Je buvais la clarté du matin en balbutiant ces mots comme si l'obscurité totale allait me cueillir. Oui, oui jouir un max, jouir un max et ma voix intérieure criait "non je ne suis pas prêt" "non pas la cécité, pas la cécité", je me rappelle les mots cardinaux quand l'anesth prit le relais (lui je l'ai oublié) "fais chier fais chier suis pas prêt". Un psy m'aurait fait remarquer qu'il était temps de franchir l'analité. 
C'était pas le moment de me faire une remarque.
Avant une opération faut rester zen. 
Pour être zen, vaut mieux ne pas être opéré. 
Suis pas devenu zen, mais je ne regrette pas d'être devenu borgne. 
J'observais un gars en ortho cette  semaine, blessé à une phalange. La greffe tardait à prendre et le mec avait du mal à faire "son deuil" de la perdre. J'étais intrigué. Du deuil d'oeil, il y avait quelque chose de redondant. 
Tout se passa très vite. Je remarquais chaque matin que l'oeil gauche visionnait du brouillard et parfois comme des souvenirs d'images puis rien, c'est à dire une obscurité qui obère le mot oeil. Reste une douleur variable me rappelant ce qui s'était passé, me rappelant que j'étais toujours vivant. 
Vint la peur. La peur de perdre l'autre dont l'acuité relative me faisait baliser. 
Le problème de la vue questionne votre indépendance ou votre soudaine dépendance. La peur là n'est pas loin. A posteriori je ris. Bizarrement le handicap me fit observer une réalité que je n'osais regarder. Je vis toute la fragilité de mes relations et je vis l'enfer dans le regard de ma compagne à voir l'handicapé à se farcir. Discourir du handicap est une chose, sauf quand vous êtes l'handicapé. Là il ne faut pas se mentir, faut pas embellir et se borner à un réel état des lieux surtout quand tout atteste que ce sera "chacun pour soi". 
L'obsolescence traverse tout organisme vivant et en relation. 
Cette idée traversait mon esprit quand la "chef" me convoqua un peu mystérieuse dans son bureau annexe, un boui boui où nous avalons notre pitance en 25 mn. La chef, c'est un peu notre "Henrietta" de NCIS L.A, en plus caractérielle, je veux dire avec un caractère plein d'inattendus (mais aussi caractérielle, rire 120db, et célèbre réplique -JE M'EN FOUS-).
 Le tête à tête entre 3 yeux m'incita à lister toutes les conneries que j'avais pu faire mais je n'injuriais plus le directeur des soins depuis désormais 3 ans (qui avait pris d'ailleurs la porte) et je venais de passer mon brevet de bientraitance avec le nouveau donc tout semblait ok. 
Henrietta qui s'occupe tjs bien de moi me sortit mon compte horaire pour faire le point de mes congés avant mon congé sabbatique  homologué. Fine psychologue, elle avait préparé la lettre -type que je m'empressais de signer, sachant ma nausée à toute littérature administrative, feuille de paye comprise. Puis d'un geste furtif et délicat, elle me tendit un petit objet en peluche sur lequel était mentionné "l'amitié c'est sacré". Bien sûr par déférence et cette sobriété qui me caractérise, je me retins de l'embrasser et de l'étreindre et je laissai couler des larmes à l'intérieur de mes orbites (oui mon oeil borgne peut pleurer la beauté qu'il ne voie pas).


Ce n'était pas la première femme aux idées adroites et à droite à m'émouvoir. 
La première ayant été ma grand-mère fascinée par le Duce et qui éméchée mais solide sur ses jambes cria un jour de Mai 1974 à des policiers qui me menottaient "mon petit fils est un terroriste". La deuxième, femme merveilleuse, sexy et compliquée mit au monde deux adorables filles qui portent à ce jour le même nom que moi.
Cela bien sûr n'atteste aucunement de mon oecuménisme, de ma tolérance ou de mon ouverture d'esprit mais plutôt de cette ingénuité à laisser à chacun la responsabilité de ses croyances sans tenter d'outrepasser le seuil de ma fragilité.
Car comme dit Solange "gentil n'a qu'un oeil" et comme je le répétais ce jour à un opéré plein d'humour qui me tendant "sa perche" affirmait  : "à tous les deux on en a trois". -Hélas non : seulement deux d'yeux"


jeudi 22 janvier 2015

ici e/st Ailleurs





ici e/st ailleurs.
pourrait être un titre.

Il s'agit d'un flux.

initier la greffe au mot.
L'hermétisme mais pas que.
-je n'écrivais plus.-
Glissant dans un entre deux. Cherchant des mots, d'autres mots ou peut -être plus justement, réajustant les mots d'hier à un autre rythme, une autre scansion.

Jade m'avait offert un livre intitulé "éloge de la faiblesse"
Etonnamment mon esprit flottait dans ces ondes songeant à l'image que je donnais à voir.
j'avais écrit :
 -je suis un être faible. C'est ainsi que les membres du premier cercle de mon entourage me percevaient. J'utilise cette périphrase plutôt que le mot famille. La distanciation souligne l'extranéité.
 Je suis un être faible, foetus délié de la matrice, mis au monde et placé à distance.
Cette faiblesse comme un éclair de conscience scintillant rappel.
Enfant, je passais des soirées sur un balcon et le ciel étoilé miroitait en moi une définitive incompréhension de l'immensité de ce monde.
La faiblesse  est un constat d'un rapport entre soi et le monde.
Je suis un être faible et sans le savoir j'ai cultivé ce statut pour vivre un jour de plus dans une stratégie de gentil garçon, un peu naïf, toujours disponible navigant dans les croyances des uns et des autres sans trop m'y attarder.
Je suis né à une époque intéressante dans cet après-guerre du second conflit mondial. Le pays avait tremblé et les pensées de l'époque restaient traversées de l'écho du séisme. Plein de choses allaient se fissurer. L'école passait de la séparation des sexes à la mixité (milieu années 60). La télévision émergeait essaimant ses messages sur fond noir et blanc et comme l'affirmait Mac Luhan "le village devenait planétaire".
Ce monde était devenu bipolaire ouest/est dans un post-yalta ensemencé d'autres espoirs.
Mon esprit a toujours fait de constants mouvements entre soi et les autres dans ce drôle de constats de tout ce qui me différenciait et de cette étrange besoin de conformisme.
Dans ce sentiment premier d'extranéité, il s'est toujours glissé un besoin de lien ou au moins de liant et dans ce récit muet, intériorisé des mots qui m'accrochent faute de m'authentifier .
Enfant, j'étais aux aguets. Ma vue déjà floue sur le réel et l'ouïe affinée livraient les mots à une polysémie intempestive. Oui, j'entendais un besoin d'assentiment à un petit monde qui organisait mon re-j'ai.

Je n'ai pas encore ouvert le livre d'Alexandre Jollien. Sans offenser Jade. Je laisse le livre à distance pour écrire mon cheminement vers lui. Viendra le moment de la rencontre, son besoin, cette exigence, un peu comme dans la rencontre amoureuse quand le choc des corps devient incontournable. Il est posé sur un bureau à Cannes dans ce capharnaüm que je vais habiter dans ce temps singulier que je m'offre pour revisiter mon histoire, ma venue hanse-monde, désormais un désert.
-j'ai épousé les mots non les dire-
mon attrait pour les livres relève de ce silence dans lequel les mots viennent à vous. ce silence si particulier qu'offre la lecture comme un respect d'une pensée qui se dévoile sans tenter de s'imposer à vous.
L'oralité reste une transmission coercitive, univoque, un canal imposé chargé des fantasmes de l'autre.
j'écris ces mots avec ces visions en moi du corps de ma mère entre mes bras, mes mains dans ces moments de l'ultime toilette, son corps froid, amaigri, parchemin d'un voyage de quatre dix années et notre étrange tête à tête, dès l'origine privé de sein et d'un lait nourricier et cet intervalle de soixante et une années à dénier à l'autre l'origine de son histoire, l'origine du rejet, de cette cigüe savamment inoculée à l'a mère gout de haine. Le silence est aussi une transmission orale à visée totali-taire.

etais-je donc devenu aide soignant pour accomplir cet ultime geste d'accompagner l'autre jusqu'après sa mort dans un rituel institué et improvisé qui lui reconnaisse son humanité dans cette dernière attention de gestes déférents.
-je suis un être faible- c'est ainsi qu'elle me voyait!
Elle ne me voit plus.