mardi 22 juillet 2014

22 juillet 2014 "the times they are changing"

je n'écris jamais le soir. Pas une question de principe mais de fatigue oculaire. Ceci dit la fatigue dans le genre de boulot que j'exerce, aide -soignant en orthopédie,  n'est jamais très loin après 7 ou 8 ou 11 ou 12 heures de travail. 
N'ENTENDEZ PAS  CES MOTS COMME UNE PLAINTE OU UNE REVENDICATION (pas présentement). 
Moins un diagnostic qu'un constat. Mon être bascule dans une phase que je caractérise d'obsolescence. L'écriture restant pour moi une pulsation sinusoÏdale complétant les constantes affichées T 140/90, temp 
tjs 37°2, pulsation : variable selon le 
moment de la journée. Mon écriture reste un monologue intérieur, sincère et menteur tant on peut se mentir à soi-même, tant notre inconscient travaille nos actes nous livrant à des lapsi, à des actes manqués mais aussi à des élans spontanés qui ont parfois du merveilleux. 
Je ne sais pas raconter des histoires où du moins cela n'a jamais été un moteur intérieur, je ne sais pas non plus écrire à un ou une tiers. Le silence généré en retour m'a depuis longtemps dissuadé. 
Je m'écris donc à moi-même sans savoir ce que les mots vont me livrer. 
Je suis un garçon ouvert mais en réalité très misanthrope. J'aime bien les gens mais en tant qu'acteurs de films tant de fois visionnés. 
Je pourrais être cynique, je suis catalogué "gentil". 
Ma philosophe favorite dit souvent"gentil n'a qu'un oeil". J'utilise délibérément le présent non pas comme un déni du réel mais dans cette volonté d'irriguer mon être de ces souvenirs qui en six années ont induit ma personnalité dans des zones où je n'osais seul m'avancer. 
Dans ce job d'aide-soignant-es, nous sommes immergés dans la relation à l'autre, dans l'humain. Nous nous déterminons, nous agissons avec notre vécu. Je me souviens d'un directeur qui montait parfois dans le service, jeter un coup d'oeil, m'interpeller surpris au cours d'un échange d'un "vous avez du vocabulaire". Quand il revint comme patient, je n'eus pas besoin de lui rappeler la prophétie "vous finirez tous dans nos bras". Il passa son séjour à recevoir des gens de son monde et à sucer des bonbons de "la pie qui chante". En partant, restaient trois bonbons dans le tiroir, il me les indiqua du regard franchissant la porte, j'ajoutais spontanément "je ne suce pas entre les repas".
Les années d'études font des êtres brillants, parfois. Souvent des prisonniers de la citadelle dorée de la condescendance. UNFUCKED.


Mon amie philosophe n'appréciait pas mes divagations écrites et chaque fois me le faisait savoir. Il y avait là une sorte de narcissisme qu'elle jugeait détestable. Je prenais la remarque comme un coup de fouet qui tant de fois avait sifflé à mes oreilles. Ce principe utilitariste du "mais à quoi cela sert?", "encore de la branlette!". Ma peau durcit à la caresse de la lanière, pourquoi le nier.
J'eusses pu lui dire "je ne suis que cela" ou une version plus hermétique "je rassemble les membres d'Osiris" paraphrasant Ezra Pound, immense poète au savoir encyclopédique et fieffé tifoso de Mussolini. 
Comme moi, ma philosophe avait été une enfant blessée et probablement d'une blessure plus lacérante, qu'elle taisait. Elle avait fait le choix ou s'était-il imposé de s'endurcir. 
J'accueillais les blessures pour les questionner. A la trilogie de mes mères j'avais eu l'indécence de dire "pourquoi cette étrange faculté à, sur votre autel, me sacrifier". 
A ce "je" l'écrit opte pour une poétique distanciée et non cicatrisante. Bouc-émissaire. Le statut d'une enfance. Ai toujours cherché à comprendre la propension des adultes à s'exonérer de ce fatras intime de leurs ego blessés. La plainte de mes mères victimaires, flux sonore morbide. Dans le microcosme familial ou dans la sphère historique ce choix des adultes à fuir les responsabilités, les leurs, les leurrent et les glissent bien vite dans un agir criminel, ce "je n'ai fait qu'obéir". J'ai une méfiance épidermique pour cette hypocrisie endémique à se dédouaner de ses actes.
Devant l'écran j'ai collé des photos qui me sont précieuses, qui sont chargées de sens. -Je rassemble les membres d'Osiris-; je rassemble ces parts de mon histoire qui me constituent. Je rassemble ce qui est éclaté, dispersé. Je cherche du sens plus qu'à raccommoder. J'accepte les échecs. Je n'accepte pas les faux-témoignages


Les enfants ont toujours été en mon esprit des figures philosophiques. Si la vieillesse ouvre des digressions sur la sagesse, la figure de l'enfant reste pour moi l'état questionnant. Je suis moulé à des figures philosophiques d'enfants blessés, démunis, qui puisent en eux des quêtes en des issues possibles. Je regarde des photos d'enfants qui me sont proches, je leur parle en secret, je les questionne, je cherche dans leur visage-paysage moins des réponses que cette énergie vivifiante des temps premiers, cette spontanéité du ressenti, de la perception. J'ai joint une photo où mère et enfants sont assemblés. Cette photo de mai 2000 reste mon regard interrogatif. Quelle est ma place de père? Quelle est ma place d'amant?
S'il y a un désir de "maternité" pour la femme, il n'y a pour un père qu'un désir d'amour de la compagne. L'extinction de l'amour ouvre le domaine du "lutto", du deuil de l'amour. Je conçois que l'amour se gangrène. Il ne me vient pas à l'esprit de dénigrer celle qui est la mère de mes enfants.
Chacun se démène avec son ego. Etre capable de paroles n'est pas donné à tous. Je m'avance seul. Un retour à l'origine. Que ma pensée soit jugée  m'importe peu. Je peux aussi présenter le miroir à l'autre pour qu'il se regarde un instant par de là, la frime.