jeudi 29 avril 2010

29 avril 1995

anna venezia a eu 15 ans ce 29 avril. 
Une bague scintillait à sa main. Anna est amoureuse.
Il me plaît de savoir cette enfant découvrir cette facette de la vie et tisser des liens amoureux
en connaissance de son corps, de ses désirs, hors du moralisme étroit et du sexe sans amour.
Il me plait de me dire :  cette enfant est précoce, d'une précocité raisonnée qui lui fait se confronter avec la complexité de l'existence sans trop d'angélisme, en tissant les valeurs qui la fondent dans ses relations aux autres, dans sa quête de la découverte de ses aspirations à une vie intense et intéressante. Puisse-t-elle avoir une vie à la mesure de ses aspirations.

Dans mes flashes back sur ma jeunesse, je revois l'amour au rendez-vous.
Je l'avais vue grandir, de trois ans ma cadette, rayonnante et affamée à l'aube d'une vie et à son crépuscule
Je sens encore la saveur de ses baisers, son ironie devant ma pusillanimité.
Le tatouage qu'elle dessina en moi brula mes a priori, mes certitudes pour ne laisser qu'un alphabet questionnant le vide de sa D/isparition.
Nous eûmes la fulgurance de l'amour, la surprise de la création, nous eûmes ces longues nuits sans sommeil et ses crises d'asthme, nous eûmes l'épreuve de l'avortement en des temps d'illégalité, le sans gêne d'un corps médical, nous eûmes l'ouverture d'esprit de ses parents, nous eûmes son besoin de vivre à cent à l'heure, de sortir de goutter d'aimer, nous eûmes la peur, la jalousie et sa redimension à l'aune de l'épreuve, nous eûmes le partage d'autres corps, nous eûmes la trahison et le pardon, nous eûmes rendez vous ce jour torride d'aout devant sa tombe dans sa vingtième année.
Mon être de père a ce capital inestimable.
Je peux écouter les discours de tout un chacun sur l'éducation. Je paye encore le prix d'une formation accélérée sur la vie sur la mort,  pour faciliter l'existence de ces êtres qui vont prolongeant mon existence par leur propre existence et qui sont mes enfants.

Ce 29 avril à 250 kms de Nîmes, une jeune fille prénommée Marie a aussi eu 15 ans,
 à toi que je ne connais pas mais dont la virtuosité des mains sur un clavier résonne encore dans ma mémoire : longue vie!

mercredi 28 avril 2010

28 04

la poésie a été longtemps un refuge, un chemin de traverse quand l'impasse
et son vertige abyssal me cueillirent un matin d'août 1975. 
à rebours je devine que la perte du sens ne s'accommode d'aucune raison.
Le fou ne fait pas rire , il fait peur car il trace en soi le devenir qu'il arpente , seul

lundi 26 avril 2010

26 avril

16 h 05
je grignotais nerveusement un mauvais toblerone, buvant une nouvelle tasse de café,
tentant d'effacer la journée d'hier sans vouloir diagnostiquer pour la éniéme fois si cette gestion financière de la sphère médicale relevait de l'incompétence ou de la maltraitance délibérée du personnel, essayant de trouver un rayon de beauté quelque part, de satisfaction à l'orée de ma mémoire mais rien ne s'offrait à mon esprit chagrin.
Dans ces moments de désolations, je savais par expérience que le shoot nécessaire
tenait en deux mots "Blues Brothers". Tempo, énergie , dérision.


Me connectais illico sur moteur de recherche et d'un copier/coller
je m'offrais mon salut. Las!
Je tombais sur le morceau à éviter, celui qui me renvoyait cette image de mauvais plan B, bad Guy, Bad number et défilais les sourires ironiques de celles que je n'avais su suffisamment chèrir radicalement aimer certainement pas faire rêver!
Les premières notes résonnérent, les lunettes fumées glissérent au sol, la branche se cassa, les pixels de l'écran me rappelèrent combien j'étais photophobe, je repris sans ambage "stand by your man" mais pas homophobe!

25 avril

retour au boulot, journée de dingues :
en parler avec plus de recul.



La ballade à Cannes m'apprend à connaître ma cadette.
Ai toujours aimé les road movies initiatiques.
L'amitié est une trame qui m'a souvent intrigué.
Chercher le fil conducteur entre deux êtres.
Jade cherche à comprendre le bonhomme que je suis.
Je la laisse découvrir, réfléchir, buter, dénouer. Sa curiosité
contient de la maturité. Un enfant est aussi un être philosophant.
Elle s'avance ferraillant avec la complexité, tentant de trouver
le sens qui la fondera. Je suis ému que ce jeune être soit ma fille
tant elle m'aide à me souvenir de l'enfant que je fus et je mesure combien sur le réel,sa perception est plus aguerrie.
Le temps avec, voilà ce qui nourrit notre mémoire, ce terreau de notre quête.
Quand je passe devant le lycée Carnot me revient l'image d'un prof de français
dont ce devait être la première année d'enseignement. Il nous lisait clément marot, du bellay et ronsard, engoncé dans des costards noirs et cravate itou et les blues brothers étaient encore des teenagers. Mon esprit était ailleurs mais demeure en rémanence la figure d'un être passionné (s'appelait-il Maisonneuve ou Maisonnoble) et la scansion du poème me traverse toujours quand je vois une rose, je cherche "la mignonne"

22 avril

Virée à Cannes avec Jade
sans nécessité particuliére
si ce n'est l'idée de ce road movie
avec celle que je veux mieux connaître.
Cette enfant m'étonne, me surprend, me donne à comprendre
cette part de moi dans ces premiers moments de la vie
où la conscience de soi se constitue.
Son affection m'est perceptible
et entendre le mot "je t'aime"
n'est pas évident dans mon mental.
Jade aurait préféré le train mais en ces temps de grève
j'ai opté pour la zafira.
Aller à Cannes est un pélerinage délicat pour moi.
Un face à face à tant d'amertumes
et de joies si fugitives et commence à poindre cette idée que la présence de Jade
dessine dans mon âme la résultante optimiste
de ces anciennes tribulations.
Comment arpenter un lieu où le faux témoignage
a préfiguré votre existence et tissé cet a-racinement
qui vous harasse. Comment être face à sa mère
sans se sentir en danger, dans ce vertige de la manipulation
qui me rend définitivement enragé
et savoir
que tout cela n'a plus d'importance


que la mort, la non-vie dirai-je, recouvre
déjà tout cela

21 avril

être aimé
cette idée demeure un énoncé complexe.
Le rejet me semble plus compréhensible.

Aimer
infini infinitif
De l'ordre de la prière
de l'invocation.
Ce qui me rend "aimable" autrui
tient souvent à l'infinitésimal.
N'ai jamais eu à regretter
la rencontre
L'El/ue
li/e/sible

Une amie me disait que la lecture d'edmond Jabés
l'avait sauvée d'une perdition
Voilà l'infinitésimal
qui me révéle
autrui "aimable.

Fus souvent aimé
mais les déclarations
comme en ébullition dans mon être
sait vaporée.

A au début Acollé à bandon sans S
De la résilience,
n'ai su
me résilier à l'A bonnement,
Ni m'y résoudre
trop mes dits sourdent



Serge Gainsbourg
Evguénie Sokolov
ou vice versa
Comme entrée en matière
par le roman
dans la sphère Méd'i call
Laisse sphère
je voudrais bien dormir
now

13 a

2010

Depuis le début du mois, j'ai quelques difficultés à dater le jour présent lors de nos quotidiennes transmissions dans ce service d'orthopédie. Je suis d'équerre sur le chiffre et reste crispé sur le mois de Mars. Pire j'ai beau entendre Avril, je chiffre 3.
Le déni du réel.
ou la superposition de deux séquences
cet avant cet après fondu enchainé dans un bloc mémoire.

23 avril

j'ai la propension à croire que je ne suis pas de ce monde. J'ai ce sentiment qui m'envahit quand je vois le retour de ces idées d'un autre temps (je ne dis pas moyennâgeuses car ce serait offenser le moyen âge). Pas uniquement la prégnance du religieux et autres superstitions mais le consumérisme tout azymut qui mitraille "way of life imposé". Le monde contemporain en quadrichromie a succédé au monde gris de l'après guerre. Le "tout est permis du moment que tu achètes" a succédé à l'interdit d'hier.
Je déteste l'expression "pensée unique" et tous les conformistes qui se targuent de penser différemment lovés dans les niches douillettes d'un systéme dont ils ne sont que les contempteurs au mieux, les parasites assurément. Je déteste les mondes grégaires qui ne sont mêmes pas des meutes de loups ou de rats.
Toutefois je sais combien il est ardu de ne se définir que comme simple individu.
De regarder sa propre dimension à l'aune de l'infini d'un ciel étoilé.
De se dire comment moi quidam patenté avec ma seule faim de vivre, mon savoir parcellaire, mes peurs conscientes et inconscientes comment pourrais je raisonnablement penser combler pour une vie entière un autre être
par la simple formulation de lui dire un "je t'aime" qui ressemble plus à une capture symbolique qu'à un é/t moi désintéressé.
Nous discutions de cela avec Sylvia , ce vendredi à Vallauris dans ce moment miraculeux qui nous translatait 35 ans auparavant et redimensionnait nos existences
avec l'intensité pérenne de nos jeunes et très jeunes (pour toi Sylvia) et je ne sais pourquoi ta présence, l'écheveau de ta vie là devant moi, ton énergie implacable et sereine me suggéra que cette planète était bien la mienne aussi chaotique qu'elle soit ou plutôt pour son chaos, ce questionnement sans fin qu'il pose à chaque génération.En m'éloignant me suis mis à fredonner une vieille chanson de Léo et Jade écoutait mon cantique.

dimanche 25 avril 2010

12 avril

remembering him
la vie nous surprend sans les épices de la narration.
La vie et donc la mort ne nous sont pas contées.
La chronologie impose la déclinaison passé présent : au de là le futur est un temps hypothétique.
Ce que nous savons sur nous mêmes, de nous mêmes reste succint.
La richesse des romans, des films tient à ces dimensions de focales multiples.

Je suis toujours surpris quand dans des conversations, des échanges, je constate
que le sujet s'avére moins important pour les interlocuteurs
que "cette finalité" d'avoir raison contre l'autre.
C'est à ces moments que tu me manques, Michel!

Ah le besoin d'avoir raison!, j'écoutais brièvement M. Onfray dernièrement
parler de son nouvel opus sur "Freud" et fus surpris de sentir une telle animosité
de la part d'un philosophe.
Il avait lu toute l'oeuvre disait-il en 5 moi/s, poussé l'enquête sur l'auteur dans les moindre interstices de son existence pour en conclure que le sus dit Freud était un grand pervers et son oeuvre une imposture.
Il ne lui restait plus qu'à pondre une "fatwa-laïque" pour dissuader les quidam à s'intéresser à l'inconscient et à la psychanalyse".
Ceci dit l'engagement d'Onfray à ouvrir le champ culturel à tout un chacun sans passeport restrictif me plaît bien, que des hommes et femmes de savoir s'avancent ainsi est plus que méritoire dans ce temps où l'obsession du retour sur investissement hypothèque la gratuité.
Je ne partage pas les idées d'Onfray, serais bien en mal, si peu hédoniste, à prendre mon pied à l'opposé de mon être dans une souffrance "calculée".
Je crois encore en des phrases cardinales comme "l'existence détermine la conscience" et suis certain qu'à fouiller un peu on pourrait trouver quelques motivations dans cette crucifixion de Freud par l'ana/r/théme.
Bon de cela, je ne peux plus en parler à Barco ou du moins à la nuit sur quelques trottoirs de cette ville romaine quand me vient l'idée de déambuler, fredonnant "i am a lonesome hobo" et
interpelant le clair obscur "tu te rends compte Michel, la soupe qu'on nous ressert".

11 avril

11 avril

sommes allés au ciné avec Jade voir "Remember me". Depuis qqs temps, elle semble préoccupée par le choix de film qui ne soit pas seulement pour des "enfants".

J'ai du faire qqs remarques sur ma saturation du package "Disney" et autres dessins animés. Ne savais où j'allais mettre les pieds. Elle tenta de me rassurer en précisant ; "il y a l'acteur de Twilight", sauf que mon inquiétude passa un autre seuil, me demandant où elle avait vu ces films de vampires dont se régalent mes jeunes collègues de chir D. L'entrée en matière me confirma ma crainte : vol à l'arraché et meurtre gratuit dans le subway new yorkais. Jade ne bronchait pas. Murmurais "tout va bien", elle avalait ses "nachos" hyper pimentés aspirant deux gorgées de plus d'ice tea : tout baignait. la narration allait son chemin dans la ville "Pomme", moments de violences exacerbées et portraits de jeunes en conflits avec leurs aînés, figures de père symétriques l'un présent l'autre en pointillés, hommes de poigne (flic), de pouvoir (avocat). Me demandais ce qui pouvait bien se passer comme questionnement dans le cerveau de "ma princesse". Demeurais séduit par les personnages de jeunes marqués par l'épreuve du choc (la mort du frère, la mort de la mére). Par cette maturité qui s'aiguise, mêlée à quelques raccourcis, des approximations mais ainsi est la vie.
Pris la main de Jade pour lui dire mon plaisir d'être là et de partager le tumulte que nous contait l'écran THX, elle serra ma main en retour.

9 avril 2010

quand j'étais petit (le suis tjs 1 M 69 Max)
j'écoutais avec plaisir non feint "man of constant sorrow"
voix lancinante de bob en écho avec ces larmes constantes de grand-mère
"voglio morire". Ma compréhension devait me faire entendre more rire.
Je n'ai pas le moindre souvenir d'une blague de la nonna, dans cette famille, les sujets de moquerie étaient les autres, à rebours je sais que je faisais aussi partie de cet ensemble. mâter ma tic que ment.

Bob Dylan - Man of Constant Sorrow (1963) WBC-TV

Kern ( I Want to Be Dylan ) Little | MySpace Vidéo


Severine me reproche d'être dur avec m'amer,
Thierry me convie à la sollicitude. Intellectuellement , je sais qu'ils ont raison. Viscéralement qqs stigmates m'en empêchent.
L'obscurité gagne tranquillement mon eil unique, ma trouille augmente, je tiens là le sujet d'une sacrée nouvelle "Had/rénaline".
J'utilise beaucoup le mot folie.
Dans mon glossaire il s'agit d'un état originel où le réel est perçu comme lors d'une méga aspiration de beuh, tes poumons reçoivent la baffe, tes yeux dégoulinent, tu craches les reliquats, tu regardes les copains et tu bafouilles combien tu es bien.
Au tréfonds de ma mémoire cette perception était inscrite à la première su ccion. Ce qu'occulte ma mémoire demeure ce que je suçais sein ou artefact.
Ma "folie" est cet état paradoxal de perception.
Ma compréhension du réel est filtrée par cet état. Enfant, les promenades dominicales au cimetierre ne me pesaient pas. Nous allions dans le village de" ceux qui étaient partis". C'était avant tout une sacrée partie de cache cache. Grand mère semblait avoir d'autres régles, elle pleurait.
Moi je courais de tombes en tombes, je cherchais et quand j'en avais marre, je me cachais, criant "je suis parti". Grand mère s'énervait : "viens ici", "reviens", quand je sentais son impatience, faisant mine de sortir du campo santo sans m'attendre, je la rejoignais prestement, hurlant "ils sont partis, je n'ai trouvé personne", l'état de nervosité de la nonna augmentait comme une locomotive au démarrage "chut, chut, chut", les gens nous regardaient, "vergogna", vergogna" murmurait elle et ce n'était pas un compliment qui m'était adressé.
Le "qu'en dira-t-on" dans mon esprit dyslexique travaillait mes zygomatiques entendant "quand rira -t- on.' N'ai jamais attendu et rire de soi devint un plaisir sans limite, une philosophie!
J'ai un profond respect pour les femmes qui ne réclament pas à tous prix le qualificatif de mère. J'ai une profonde considération pour ces femmes qui ne fixent pas dans la maternité, leur féminité et pour qui la création commence par leur propre existence.
En même temps quand je vois Séverine avec Anna V ou Jade et les regards en retour des filles pour leur mère, suis convaincu d'avoir raté quelque chose.

6 avril 2010

"putain de mort"
j'ai longtemps lu ce livre de michael herr
dans les années 80. Il m'accompagnait comme un fétiche ou une boussole.
Saisir la déflagration quand la mort vous assaille.
La guerre du viet nam était terminée depuis qqs années, nous avions assisté à ce conflit de loin.


Bob Dylan 1978 - Masters of War (Live)

Kern ( I Want to Be Dylan ) Little | MySpace Vidéo

Organisant meetings et manifestations multiples et les épreuves de la vie
nous avaient entrainé chacun dans des trajectoires solitaires sous latitudes diverses.
Mon esprit chétif et lacunaire n'avait trouvé que l'usine pour tenir, subsister avec
abnégation à cette folie qui l'assiégeait. L'usine laminait le langage et toute forme de pensée
le corps s'acclimatait à des mouvements répétitifs aussi obnibulant que le questionnement sans réponse : cette aporie.
Parlais peu
lisais plus.

"Putain de mort"
à prononcer les quatre syllabes vous permet d'entendre qu'il ne s'agit pas déjà de la vôtre mais que la vôtre se dessine en pointillés et qu'il est surtout temps de penser à cette chance d'exister et de tenter de vivre un peu plus éveillé.
Quand j'entends un proviseur de lycée privilégier la nouveauté que serait la déclinaison des mât!ères économiques (format macro et micro bien sûr) (le glandu serait bien en peine de chiffrer ou simplement d'énoncer ces nouveaux métiers surgis dans cette sphère) au détriment
de ce qui est communément appelé "matières littéraires" sans mesurer combien notre humanité notre pensée passe par le langage donc notre langue et l'exercice de la pensée.
Un pays où l'analphabétisme perdure et où la langue se désagrége non seulement est mal barré
mais ses générations en gestation ont du souci à se faire.
Passe mon temps libre à réécouter bob dylan
besoin de cette poèsie, de cette scansion vitale
de ses paraboles du temps présent
La poèsie face à la mort.
Penser
se laisser envahir par la présence de l'absent
accepter cette greffe
cet advenu.
Mon ami, je pense à ton courage
Mon ami guide moi encore
Mon ami aide moi à discerner
Mon ami je te rejoindrai aguerri
Mon ami frappe à la porte de mes pensées
tu es le bienvenu
j'aime ta présence en moi
j'aime les contreforts de cette musique que tu arpentais
elle n'est pas facile, pas immédiate pour mon esprit béotien
mais je la sens salutaire et je pense à tes derniers matins
quand je te voyais sourire
et tu savais que la vie te fuyaiT
apprends moi à ne pas avoir peur de cette "putain de mort".

26 avril

la datation du temps scande mon existence. Plus que le nom, les dates sont abscisses et ordonnées de ma vie sur cette étendue non définissable que je nomme existence.
Le relief de ces chiffres gardent les sonorités qui me vertébrent.
La phrase musicale enveloppe ce qui m'est cher. Ma connaissance d'autrui s'agrémente
de tempi musicaux du moment de la rencontre ou de ce qu'il fredonnait. Je ne sais pas encore pourquoi mais j'écoute Billie Holyday en pensant à toi Michel en pensant au temps sans toi. Un besoin de gravité, de suavité d'intemporalité, un besoin au présent de ta présence.

samedi 3 avril 2010

26 mars 2010 - 10 novembre 1954

26 mars 2010
ai dormi à la roseraie, jade à mes côtés.
Cet enfant me protège, elle devine la peine,
câline, se soucie de l'autre. Avoir des êtres aussi précieux près de soi
un sourire de la vie devant le vide.
Séverine est auprès de sa mère ; dans l'épreuve.
Serrer les rangs dans les épreuves :
être auprès.
Ainsi sont les êtres que j'aime.

J'écris par nécessité
forant dans l'abstrait
écoutant antony and the johnstons



Faut-il rayer des agendas
les coordonnées de nos disparus?

Hier Isabelle C. m'a téléphoné, ignorant, s'excusant
et elle ne mesurait pas la joie qu'elle irriguait en moi
entendant la musicalité de la vie.

Il est des êtres dont la seule existence m'offre
des rayons régénérant tant ce qu'ils m'ont montré
reste inscrit en moi.

Ô mon ami sans toi ma parole s'étiole
Ô mon ami il faudra que je puise dans ma folie
pour renouer notre dialogue
et rire et ne pas maudire
l'inanité des temps
ö mon ami
mais nous sommes ensemble
et nul ne me fera douter que nous n'avons pas existé.

29/3

mon ami,
voici venu le temps de l'adieu.

Quand enfant, tu portais l'aube et officiais
derrière le prêtre, jouant de la clochette
sur un registre parfois improvisé, rythmant nos génuflexions.
Tu pimentais ma religiosité de ton humour salutaire.
Le catholicisme chantait une vulgate chrétienne
qui n'étanchait ni notre curiosité ni notre force vitale,
les lendemains du conflit mondial avaient révélé les collusions
de l'église et des nazis-fascistes, nous n'allions pas passer notre jeunesse à genoux.
Dans nos familles, l'enfant n'était pas roi ni les animaux de compagnie.
Pâssames notre enfance à observer les adultes et leurs lois, ces manières d'élever la voix , faute d'arguments. Fûmes sources des secrets et autres balivernes.
Notre critique de ce temps s'aiguisa dans l'observation de leurs contradictions.
Nous n'étions pas de leur monde.
Mais gardâmes entre nous la valeur de la parole donnée.

Mon ami, tu ne m'as jamais blessé ni humilié même par une parole inconsidérée.
Mon ami, nos chemins ont pu se dissocier,
la parole entre nous fut toujours immédiate,
directe, essentielle.
Mon ami, je t'appelle mon ami car nous savons combien les frères se trahissent.
Mon ami, je me suis préparé à venir vers toi
pour clore notre alliance
et la sertir dans les larmes
Nous sommes poussières et eau
Nous n'avons besoin d'aucune espé-rance.
Nous avons fait nos choix
nous pouvons mourir dans cette conscience
de l'éphémére
et retourner à la poussière.



Rueil-Malmaison 13 h

Suis sorti du RER A pour aller à la clinique Notre Dame
comme un automate revenant sur les pas inaugurés trois semaines plutôt.
Le bus 467 était à l'arrêt. Choisis de faire le trajet à pieds. Suivant le balisage des arrêts qui me menait vers toi dans cette chambre mortuaire. Sans idée préconçue, sans idée, happé par le vide, dans un état si proche d'un mois d'aout 75 quand j'allais vers la tombe de Pat.
Marcher et accepter ces questionnements qui vous assaillent devant la perte de l'aimé/e.
Marcher et savoir qu'il n'y aura pas de réponse si ce n'est cette vis sans fin forant dans le mystère.
Marcher nimbé dans la présence devenue diaphane de l'être cher.
Arrivé au centre ville devant l'église, ce lieu de mémoire pour reprendre
l'expression des nouveaux historiens qui me font bien rire, me mis à lire
le frontispice disant "Deo Optimo Maximo". Anna Venezia pourrait traduire désormais!
Tournais le dos au plaidoyer pro deo et entrais dans un "Quick" (autre nouveau lieu de mémoire), histoire de ralentir ma translation. Pris un "long fish" réminiscence chrétienne et nous étions lundi, bus la boisson US et là je compris que ces moments aux terrasses des cafés, (le "Cristal bar" de notre jeunesse devant la mairie de Cannes) étaient finis.
Finis nos quêtes d'un monde meilleur,
finis nos études comparées des anges cotoyées,
finis notre rage ironique sur les faiseurs de roi,
finis la joie simple d'un solo de guitare.
Ce vieux monde devenait d'un coup sacrément plus vieux!
Ai repris chemin vers toi.

14 h 05
Clinique Notre Dame
Ai demandé à la personne de l'accueil, la possibilité de te voir.
Un homme m'a conduit dans le couloir des chambres mortuaires,
a ouvert une porte murmuré des mots bienveillants.
Me suis avancé
Tu reposais sur un lit, allongé
les yeux fermés, visage presque serein
des fleurs blanches entre tes mains.
Me suis assis
la clim s'est enclenchée,
le drap a légérement bougé
mon imagination t'a presque vu respirer
je regardais à tes pieds les dessins de tes petits enfants
des photos de famille sur ta gauche, une guitare sur ta droite, ta guitare jazz
habillée d'une chemise à fleurs et d'un panama
Suis resté assis
mon regard mononucléaire fixé sur ton visage
sur tes mains
me suis rappelé une scène d'enfance :
ta mère criant, t'appelant, descendant votre escalier,
j'étais sur le trottoir d'en face
quelques voitures passaient
l'absence de réponse semblait l'agacer
elle se dirigea vers le garage, je n'entendais que sa voix
Elle ouvrit la grande porte
un monticule de sacs de pomme de terre
apparu dans mon champ de vision
sa voix à nouveau "je sais que tu es là"
Du sommet tu apparus, tu étais le fils du patatier
comme disaient les familles italiennes de notre quartier,
envieuses et craintives devant celui qui avait "réussi"
Tu étais l'un des fils
Ce n'est qu'à l'adolescence que je commençais
à t'appeler "Michel".


En ces temps là, la musique irriguait tes artères de bien des messages



je n'écoutais que bob dylan, l'esprit tiraillé
par des problèmes familiaux, une haine du catholiscisme,
une sexualité balbutiant entre attirance pour le corps d'un autre garçon
et amour platonique pour très jeune et jolie voisine.
Ni révolté ni rebelle, le rouge, le rouge et noir demeuraient
les couleurs d'équipes de foot (A s Cannes, ogc Nice que je n'affectionnais pas : je
restais fidèle au vert de l'équipe du village et
au mieux à la grande équipe stéphanoise.
Toi, tu n'avais jamais mis les pieds
sur le moindre gazon et pourtant dans ce septembre 68
nous commençâmes à parler, la musique cautérisait les sujets de discussions
qui faisaient conflits.
Je ne connaissais rien de la vie comme bien des gosses mal dans leur peau, je lisais et assénais ce que je croyais retenir de mes lectures. Tu encaissais
mes uppercuts et revenais sur le ring égarant de petits livres que tu ne voulais pas ouvrir
"les théses sur feurbach", le manifeste du parti communiste". Ma curiosité fit le reste, aiguisée par quelques maximes convaincantes : "les philosophes n'ont fait qu'interprêter l'histoire, il est temps de la transformer".
Au début de l'année 69, un jeune étudiant tchèque Jan Palach s'immolait par le feu pour protester contre l'occupation de son pays par l'armée rouge. Compris ce jour que le communisme n'avait rien à voir avec l'urss et les partis dits communistes. Il y avait probablement mieux à faire que d'écouter uniquement les "protests songs". En Avril De Gaulle était déstabilisé par la conjuration des ambitieux de son camp. En juin le soldat Krivine harangait sur les écrans en noir et blanc prophétisant les temps nouveaux annoncés par la grève générale de Mai 68, nous étions désormais côte à côte dans la même entreprise.

Il était 15 h
Tu n'avais pas dit un mot
Indubitablement tu étais bien mort
à bientôt mon Ami.



17 h 18 éme arrondissement

Ai retrouvé thierry dans un troquet rue caulaincourt.
Tu étais le témoin de mes années -lycées, il le fut de mes années de fac.
Autres années militantes dont nous ne discutons plus.
Thierry à l'amitié constante
Thierry qui répond tjs présent.
Thierry désormais parrain de Jade et dernier témoin de ma vie d'avant,
de ce temps où Pat était vivante!
Si nous avons été trostkystes, demeurâmes francs-tireurs ou plutôt inadaptés
aux temps nouveaux du chacun pour soi.
Quand je vois ces ex de la LCR abonnés au sénat,
affidés des caciques du PS, carrièristes de tous poils,
je comprends le peu de souci à venir te saluer dans ton épreuve.
Les babies boomers comme un mauvais whisky!
Te cacherai pas que le borgne et l'éclopé ont beaucoup ri,
revisitant ces temps fondateurs de folie pure. Qui dira le bureaucratisme
ambiant, le caporalisme, le machisme des groupuscules d'extrème gauche.
Tu parles d'un "monde nouveau", "d'une contre culture" .

30 mars
fûmes au rendez-vous
Christine, Jean Pierre, Roland, Lisa, Thierry et moi
Ceux de ta vie d'avant!
Dans cette église du Douzième arrondissement,
ironie de la vie, retour à la case départ
Tu acceptas le deal par amour pour Catherine,
pour vos enfants.



No comment!

Nous étions près de toi
avec chacun nos souvenirs,
ultimes présents,
seules certitudes
et l'intensité rémanente
de ce que tu insufflais.

écoutâmes le prêtre
et l'oraison
Priâmes avec nos mots, nos larmes
nous inclinâmes

L'assistance était nombreuse
et recueillie et marquée
par ta vie soudain soustraite.

Regardâmes fourgon mortuaire
s'éloigner
et ta présence vertébre déjà
ma mémoire.

Me reviens
un des premiers morceaux de john mayall
que nous écoutions en d'autres temps



R.I.P.