samedi 23 avril 2016

23 avril 2016 Un goût de myrtilles








Me suis réveillais avec un besoin de myrtilles, de ces tartines avec du bon pain que j'avalais dans une pension à Allos, emmené par ma tante dans ces vacances d'été où ma génitrice allait filer "parfait amour avec "son homme". Ma tante-elle ne me quittait jamais à tel point que la certitude s'était incrustée qu'elle fut "ma mère".
Pierrette était veuve de Claude et j'en avais déduit que mort était mon père. J'en étais fier.
En silence. Quand nous passions devant le monument aux morts où son nom était inscrit. Gendarme, tombé En mission au Maroc en 1955. Pierrette faisait une halte, brève et muette, je lisais les noms et revoyais cette photo d'un homme jeune aux cheveux bouclés comme : moi.
Un enfant a besoin de "croire" ou du moins d'une parole énonçant du sens. Devant ce monument aux morts sans rien dire je pris pour nom "Mahé", imaginant que dans ce "monde de femmes", ma grand-mère et ses deux filles, j'étais tellement aimé que les deux sœurs ayant épousé les deux frères, j'avais été basculé sur le couple existant : sécréte ment.
Pour m'épargner du deuil du père.
Elles avaient leur secret, je gardais le mien et serrais plus fort la main de ma mère quand les larmes affluaient à ses yeux et nous décollaient de la statue.
Quelques années plus tard, Pierrette se fiança et l'homme vint dans la maisonnée. Il comprit très vite qu'entre la mère et les filles régnaient rancunes, amertumes et enjeux. J'entrais dans ma treizième année quand je surpris une discussion entre ma grand-mère et lui autour d'un verre de rhum. Entendant  "le bâtard de marie-jeanne" , j'empoignais le balai en paille qui trônait devant la porte de la cave et dès qu'il sortit je le frappai au visage l'empêchant de gravir les trois marches tandis que la nonna gridava "mascalzone ".
Ce n'était jamais bon quand elle injuriait en italien.
Le soir j'eus droit au procès de "famille". Pierrette prit la parole. En ce temps, un enfant ne parlait pas à table sans être sollicité.
Elle me regarda et dit "pourquoi as tu frappé "Henri", c'est ainsi que le gonze se prénommait.
Je la fixais et éructais "il a dit "le bâtard de marie-jeanne". Ma colère rencontra un silence glacial. Les adultes se regardaient surpris et sans voix-e. Pierrette reprit la parole me demandant de m'excuser pour mon geste. Henri ne fanfaronnait plus, Ma grand mère regardait Marie-Jeanne d'un regard noir. Marcel fixait le ragoût dans son assiette, il n'était jamais très à l'aise quand l'électricité zébrait l'atmosphère. Je soutenais le regard de Pierrette ne comprenant plus pourquoi "ma mère" pouvait me blâmer devant une expression dont je ne saisissais pas tous les sens mais qui était une injure.
Je répondis tout de go "pourquoi a-t-il-dit "le bâtard de Marie-Jeanne"? Le silence devenait insupportable. Grand-mère trancha d'un "sors de table, va dans ta chambre". Je répétais en la regardant : "pourquoi a-t-il dit" , Pierrette se leva, exigeant que je la suive. Marie-Jeanne se taisait, Marcel se taisait, Henri se taisait. Je me levais. J'étais en taire ennemi. Je répétais "il a dit le..." Pierrette me tira par le poignet dans la chambre. Elle me demanda de m'asseoir sur la chaise du bureau. "Je te demande de t'excuser, Jami et tout rentrera dans l'ordre" ajouta-t-elle. Je la fixais et rétorquais "pourquoi a-t-il injurié Marie-Jeanne"?. Une grimace se forma à son visage, j'insistais "je m'excuserai quand vous me direz pourquoi il a dit -le bâtard de Marie-Jeanne". Elle vacilla. "Je vais aller habiter ailleurs" énonça-t-elle. Je ne comprenais pas. "Henri et moi, allons habiter ailleurs", la phrase me choqua comme un uppercut. Je la regardais, ma bouche émit " et moi?". "Toi, tu restes ici avec Madeleine, Marie-Jeanne et Marcel". La sanction résonnait en moi comme un chaos définitif. Elle ouvrit la porte pour annoncer sa décision à la tablée. Je restais cloué sur la chaise. Il n'était plus question ni d'explication ni d'excuses. La haine prit possession de moi, elle pellicula tout mon être. Ma tante fit ce qu'elle dit et alla vivre un kilométré plus loin. Ses problèmes dermatologiques furent diagnostiqués "cancer de la peau". Ma grand-mère alla la voir tous les jours et tous les jours elle vint me demander de l'accompagner. Je répétais comme une litanie : "pourquoi a-t-il dit "le bâtard de Marie-Jeanne". Sa réponse restait des larmes. Je refusais de l'accompagner. Quand elle devint une plaie ouverte nourrit de morphine, Madeleine me supplia de la suivre à son chevet, ma réponse fut "dimmi  perchè". Elle garda le silence, tous gardérent le silence. Quand son corps descendit dans le caveau Maddalena me murmura "un' giorno sapraï".
Le jour vint par hasard 10 ans plus tard. Ma tante n'était pas ma mère, Marcel n'était pas mon père.Henri était décédé,  Maddalena était morte avec ses secrets. "Le bâtard de Marie-Jeanne" n'était que moi.
Mon vrai nom ou du moins celui qui me sied le mieux fut prononcé dans les couloirs de la souffrance par ma philosophe préférée, 30 ans plus tard.
Tarnagas. etymologie-occitane.fr/?s=Tarnagas
Jean rit encore.
Le gôut de la myrtille ne m'a jamais abandonné.
Quand au plaisir on a goutté, il est vain d'y renoncer.
Je garde en mon esprit ce temps des guerres picrocholines où je me suis invité sans y être désiré. À ma manière, ai su y être cruel et naÏf autant que nigaud dans ce nid de faux-semblant.
La page est tournée.
 Médée ne m'aida point mais m'aima à sa manière.
Que j'eusse aimé être moins aimé.
Mon nom ne sera jamais "la chose nommée".
Prénommer ses enfants reste pour moi "un veux" pieux et un gôut de myrtille retrouvé.