vendredi 15 mai 2015

la veille de demain , écrit le 16. 05.2015






Jade dort dans sa chambre. Récupération d'une "nouba" de la veille. Suis revenu un week-end à la roseraie de façon impromptue. Clash.
Nous sommes des parents "pragmatiques". 
Nos enfants ont happé nos existences, comme des aimants capteurs focalisant nos préoccupations. La parentalité prit rapidement le pas sur notre vie de couple. Manque de lucidité, fascination devant ce merveilleux : la vie d'un enfant et cette étrange anesthésie de l'amour qui l'a créé.
Le prosaïsme du quotidien fit le reste jusqu'au désert du désir, jusqu'aux blessures narcissiques, aux mots de trop où l'aimer s'érode et le couple se désagrège.
J'ai une petite idée sur la faillite d’une histoire qui de mon point de vue avait commencé si bien. Peu d’hommes ont été « sage-femme » pour leur enfant. Peu d’hommes ont vécu ces moments où l’amour apparaît grimaçant, exigeant le passage, l’irruption que vos mains en forceps favorisent. Et mon orgueil de ces moments ont assoupi mon intelligence intuitive des choses de la vie.
Les pages se tournent. L’expression me révolte. Je ne tourne pas uniquement de la gauche vers la droite. L’hypertexte me nourrit images/sons/fragrances/effleurements. Dans ce temps-mille feuilles, je laisse mon inconscient trouver le chemin à suivre, nourri d’hier et d’aujourd’hui. Ma boussole a pour Nord magnétique et repères cardinaux des verbes d’action : être présent/ Ne pas Nuire. Les deux autres points cardinaux dessinent mon questionnement et l’aire de mon désir.
Mon mode d’emploi garde un hermétisme certain qui lasse. Je n’en change point. Le rejet me constitue. Parfois j’organise le rejet comme unique principe d’existence. –Être aimé- m’est difficilement perceptible- Aimer m’est plus facile et le mot garde un spectre élargi de couleurs à l’aura de l’être rencontré.
Je ne dénigre jamais un être aimé. Je ne confonds pas amour et appropriation. Je n’ai jamais pensé être «  tout » pour l’autre. Et réciproquement. 

Je suis d’un naturel monogame, ayant pratiqué quelques lâchetés
Ma passion « dévorante » s’est rationnalisée à l’aune des épreuves de vie et de mort. Quand tu sais la perte imminente de l’autre, tu redimensionnes la pulsion de jalousie à ce réel, tu n’imposes pas le diktat de ce credo infantile. Le verbe Aimer s’élague de ces scories mais parfois tu es rattrapé par l’inéluctable de la perte et la frayeur de la mort de l’autre t’entraîne dans les mêmes aveuglements.

La peur est un cancer aussi.
Sévérine en d’autres bras. Ainsi est la vie.
Suis ni lâche ni masochiste. Eusses aimé être aimé d’Elle.
Ma passion a le prisme du raisonnable. Mon prisme perceptif est moulé au deuil réel de l'être aimé.
Etrange est la vie qui met sur ma route une femme née un 26 juin, au doux prénom de Patricia. L’obsessionnel en moi semblerait être caressé dans le sens du poil. 
Je mets Pile.
Les histoires de Cœur : épiques. 
De port en port. 
Il fut un temps où je déambulais dans les rues de Nice, « le marin de Gibraltar » de Marguerite Duras dans la poche arrière de mon jeans. Les beaux jours. Entre deux lavages j’alternais avec « le vice-consul » et le « ravissement de LOL. V. Stein » pas de quoi être mort de rire mais de puiser aux circonvolutions de l’amour conté. C’est ce qui compte.
Un livre de Paul Auster m’accompagne -Excursions Dans la zone intérieure- Je le butine Plus que je ne le lis.
Ceux sont des écrivains nord-Américains qui piquent ma curiosité.
Lui et Nancy Huston. Ils élargissent mon champ de conscience, ma connaissance du monde et ils sont de ma génération.
Jade voulait m'entrainait voir "connasse" mais j’ai refusé. Elle argumente un, "Ceux Sont des gens de Canal Plus", c’est une comédie, regarde la bande -annonce "J’ai regardé et j’ ai répété : "Non ».
Je n’avais pas le temps de développer.  De dire tout le mal que je  pensais de ce miroir aux alouettes- qu'avait été Canal pour verser et promouvoir la vulgarité, le copinage, la fausse outrecuidance, la pseudo radicalité, ce clanisme des happy-few, sorte de communautarisme des gens des médias.
Et puis je n’aime pas le mot "connasse" et le mot con pris dans un vocable injurieux. En quoi le sexe féminin est-il matière à injure. Tout comme NTM et tout ce qui est sous jacent à ce machisme primesautier ancré dans les vulgates religieuses. 
Ne me dites pas que les religions respectent la femme et encore moins l’islam. 
Je m’emporte.
"Alors TARNAGAS, On se fait remuer par sa fille" aurait dit Solange.
Et nous étions la veille de ce foutu 17 mai 2014. »
Mon amie, tu me manques.


dimanche 3 mai 2015

pour Jade qui a 15 ans en 2015




tu es née à 5 h 10, c’est l’heure que j’ai noté, Le travail a commencé une heure avant quand ta mère a rejoint la clinique Kennedy. C’est une habituée de l’urgence. Quand je repense à ta naissance, je ne peux te dissocier de ta mère, de son désir de t’avoir, de cet irrépressible désir de te mettre au monde.Ta mère est insensée et cette force intérieure, sa force intérieure, cette sorte d’exigence à ce que tu existes m’a au début fait violence par son irrationalité. Je raisonnais avec cette algèbre des besoins qui incite à soupeser toute chose en termes de « bénéfices-risques ». Etymologiquement -algèbre vient de l’arabe et signifie « réduction ». J’ai toujours eu ce goût à revenir sur l’origine des mots et des maux. Une manière de traquer le caché. J’ai voulu pour toi et pour ta soeur des prénoms « secrets ». Enfin pas vraiment puisque je vous prénommais de leurs sonorités, vous le murmurant à votre oreille de nouvelles nées.
Je voulais pour chacune des noms de ville, des enceintes ouvertes non des saintes. Je voulais pour vous des liens symboliques à ce que l’humanité des temps premiers avait créé, histoire de vous enraciner à la mémoire humaine sans discriminer à l’aune d’une religion mais en vous proposant un miroir de l’humain, une géographie qui vous raconte des possibles à vivre, rencontres, édification, créations, échanges. Je voulais vous éloigner de l’enfermement où j’avais été parqué. C’était là mon seul programme parental pour vous deux. 
Ta naissance a été aussi périlleuse que celle de ta soeur et tu dois la vie à la dextérité de la sage-femme qui t’a dégagée du cordon ombilical qui était près de t’étouffer. 
Cette femme mille fois Sainte. 
Quand je pense à ces moments à la clinique, je reste admiratif de Venezia et ses 5 ans prise dans ce mouvement intempestif de se lever aux aurores, voyant sa mère entre douleur et inquiétude, sauter dans la voiture et patienter entre salle d’attente et couloirs vides, drôle de ponctuation de ces neuf mois où elle suivait ce qui allait être ta naissance.
Tu n’aimes pas ton prénom secret. 
Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit un mauvais choix. Il a des sonorités inhabituelles à notre langue française. Mais tu sais désormais qu’une langue est un flux sémantique métissé. 
Ton prénom est lié bizarrement à l’année de ta naissance cet an 2000 et à un film d’Alain Tanner « Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 », un film qui conte des histoires individuelles et qui parle de l’Histoire. En 1976, j’étais un être sans futur, imparfait et mon langage s’appauvrissait dans une usine de la société Legrand. Ouvrier Spécialisé sur des presses plastiques, à faire des interrupteurs. Il faut être précis quand on s’exprime. J’étais ce que l’on appelait alors « un établi », un étudiant inserré en usine rêvant de révolution. Je ne rêvais plus. J’étais dans l’aporie et le film d’Alain Tanner m’offrait un goutte à goutte salvateur.
Je ne sais pourquoi mais entre toi et moi, le cinéma joue un entre deux nourricier. 
« Remember ».
Il a fallu que je me sépare de ta mère pour te trouver. Pour prendre conscience de toi, de ta personnalité en éclosion, de l’enfant spontané, à vif, bouillonnante que tu étais. Par expérience je sais que l’enfance révèle nos personnalités. J’ai le souvenir d’enfants si philosophes à la dizaine d’années forgés dans l’adversité. Il n’est pas sûr que j’ai été suffisamment attentif à votre faim de vie et à votre précocité, je ne l’ai pas suffisamment stimulée. Certes je ne l’ai pas occultée. Ce film de Tanner n’est nullement un lien direct à ce prénom. Mais à cette époque de ma vie je me suis intéressé à la Bible, ce livre premier du monothéisme comme l’on va à la source. Par humilité intellectuelle , je ne crois pas en un dieu et par humilité de père, je n’ai jamais cherché à vous guider vers une religion. La Bible est une lecture particulière. C’est un temps tellement loin de nous. Toutefois elle nous permet de déceler combien fondamentalement les problèmes, les questions, les ambitions et les bassesses des hommes ne sont pas radicalement différents des nôtres. Le livre de Jonas a une trame riche et intrigante mais c’est sur un autre versant de la Mésopotamie que mon choix s’est guidé pour ton prénom. Un lieu qui énonce l’origine de l’action humaine et qui fasse écho à cet imprévu en mon esprit qui est : toi. Donner un prénom correspondait en mon esprit à guetter un sens, non pas une explication, un rationnel mais une « poétique », un frottement de silex, une étincelle. Il y a en mon esprit cette volonté de ta mère et toi, cette résultante lancée dans le flot de la vie. Je dis poétique dans son acception originelle de « création ». 
« Le nombril est un noeud qui suture la naissance » écrit Erri De Luca « le monde en a possédé quelques uns le long des latitudes habitables. L’un d’entre eux est la Mésopotamie… ».

Dans ce mouvement migratoire d’alors de l’Orient vers l’Occident certains construisirent une ville et édifierent une tour élevée pour défier le ciel. Elle est communément appelée « la tour de Babel ». Bien sûr ce prénom n’est pas Babel, nom de la tour.
L’histoire de cette tour est l’histoire de la multiplicité des langues, du « don des langues » que fit ce dieu quand les hommes le bravèrent. Tu es née à une époque où connaître sa langue et les langues des autres s’avèrent un atout précieux et nécessaire pour tes rencontres et tes « créations » et je sais déjà que tu es prête.
Je t’aime
longue vie