mardi 25 octobre 2011

23 OCTOBRE 2011/Paolo Conte - Eden




c’était un de ces dimanches qui me ramenait dans “les couloirs de la souffrance” avec cette inquiètude sur ce que j’allais trouver. Le dilemne qui n’hésite pas à se faufiler dans mon sommeil comme une équation insoluble trouve toujours moyen de me réveiller au milieu de la nuit vers 2 h 30. Dans ce moment de déplaisir profond, la possibilité de se rendormir pendant encore trois heures devient un ravissement quasi jouissif, je retrouvais donc le sommeil oubliant la perspective de ces courses éperdues d’une sonnette à l’autre, d’une exigence rationnelle évidente à des délires bizarres, des désorientations sans fin.
Le hic de ce type de nuit se déguste au réveil. L’esprit enregistre la sonnerie et en boomerang l’interruption impromptue qui libére alors plus que des toxines mais une lassitude de cet inexorable.
Je m’habillais sans entrain sans envie d’écouter un morceau de musique énergisante, de feuilleter qqs pages d’anaïs nin (mon livre de chevet du moment) pour ce plaisir si fugitif d’être vivant à soi même.
J’arrivais à la bourre devant l’ascenseur et de voir une collégue imprévue ce we me fit un instant douter du jour, de mon emploi du temps, de la finale de l’eden park!
S...... souriait m’invitant à me dépécher. Travailler avec des êtres que vous appréciez pour leurs compétences, leur simple joie de vivre, leur faconde à résoudre les quadratures de ces journées galéres avec leur humour, leur savoir-faire de tous les instants qui trouve le bon tempo pour calmer l’emballement de tous ces désarrois derrière cette vingtaine de portes qui nous attendent chaque jour, me convainc toujours plus que nos managers ne craignent en fait que notre plaisir d’être ensemble, efficaces et solidaires dans une coopération constructive.
La gestion par le stress ne vise que cela : monter les uns contre les autres, créer des bouc émissaires. L’enjeu n’est jamais la pertinence, l’efficacité, l’excellence d’un travail mais cette prédominance à protéger des prérogatives dont les finalités s’appellent pouvoir et profit.
Nous n’avons pas attendu le temps des transmissions pour commencer les toilettes des patients à J 1.2 ou 3 . En orthopédie le jour post op, l’âge du patient, la liste des antécédents chirurgicaux, le type d’anesthésie réalisée vous en apprennent suffisamment pour savoir comment procéder quand vous ouvrez la porte. Pour l’aide soignant(e) la liste de sa charge de travail se comptabilise rapidement et quand S...... vous invite à ne pas suivre les transmissions c’est qu’il y a plus de quinze toilettes au lit qui vous attendent avec des patients en souffrance, inquiets, parfois perdus, retranchés dans citadelle sans pont levis (quitte à faire ds la métaphore).
Nous avons commencé avec la signorina de la 67. Entrer dans une chambre reste tjs pour moi un geste violent . Bien sûr cette affirmation ne reléve que de ma seule subjectivité, de cette hypothése à se dire qu’à 7 h du matin on peut désirer dormir, prolonger un repos entre douleurs, insomnie, inquiètudes tout ce stress des corps vieillissants qui mascère dans le silence de ces visages qui s’emmurent pudiquement. J’avais la conviction en croisant des congénéres d’outre alpes que la langue, sa musicalité nous rapprochaient immanquablement. J’avais ce rappel intérieur des leçons della mia nonna maddalena qui pour m’enseigner “la loi et ses menus devoirs” glissait du français à l’italien : “prima il dovere poï il divertimento”.
La signora della spezzia le savait aussi. Travailler avec S...... reste un ballet intuitif, on libére l’espace étroit de la chambre, elle parle, je reste en retrait. L’habitude que le soin soit fait par des femmes m’invite à cet effacement. Solange dirige, je fais la ponctuation. Souvent nous glissons dans une complicité un peu délirante où le soin passe dans un jeu théatral et le soin devient soluble dans le rire et la dérision voire le bel canto. On n’imagine pas combien parfois la dureté du moment s’adoucit dans un rire partagé. Parfois la situation ne s’y prête pas. Nous avons laissé la patiente devant l’émission religieuse qu’elle souhaitait suivre et dans la chambre voisine d’autres étaient déjà à l’Eden Park.