mardi 6 mai 2014

22 joins

je pourrais écrire des heures durant : certains jours. 
Mon oeil exploserait sous la clarté mutilante de l’écran. 
S’escrimer dans l’abstrait, d’autres l’ont fait. 
Je feuillette « le livre de l’intranquillité » de fernando pessoa et mon esprit voit s’afficher des titres qui l’on tatoué « retombée de sombrero », « La pêche à la truite en Amérique », Brautigan ou des phrases de burroughs : -panama collait à nos corps-.
Je n’ai jamais demandé à l’être aimé : »épouse-moi ». Je voulais croire que cela faisait partie de ma conception du monde « marxisante » et d’une certaine défiance du pronom possessif mais je dois convenir que c’était surtout par cette faille de l’origine, ce vide si particulier, cet indéfini qui m’emplit. 

Qui plus que moi se défie de moi. Et j’en ignore le pourquoi. 
Avec le temps quelques idées m’ont effleuré. 
J’ai longtemps cru que « ma famille » se défiait de moi. Je me trompais c’était pire, j’étais le miroir de leur dire, je leur renvoyais leur image déficiente à assumer, une histoire dont je n’étais qu’une excroissance. J’aurai pu tuer, les tuer pour cette blessure. Je fis pire par ma simple présence en leurs derniers instants. 
Ce ne furent pas des actes délibérés. Ce ne fut pas non plus une vengeance mais un contre feu de mots aux maux. Une naïveté de plus. Je n’avais pas la crédulité d’en sortir indemne mais l’avais-je été, l’étions-nous si tôt que nous entrons en scène.

Il me plaît de rire de moi, de prendre cette distance et d’anticiper sur ces surprises de la vie qui nous glissent peau de banane et autres vertiges sur nos abysses. Je crois en notre solitude : définitive. 
Même les hommes en meute sont des flux de solitude, ils en puisent de l’arrogance et mourront seul.
Cet état de solitude ne nous réduit pas à l’isolement ou à l’indifférence. Elle invite et incite chacun à une empathie non feinte. Etre présent à autrui n’est pas un vain mot et peut être un acte de parole et une solidarité effective. L’amour plus qu’un vain mot, un mot chair. J’ai sur le silence plus que des réticences quand il n’est que silence. 
Que chacun soupèse ses silences et ses actes.
Je veux bien passer pour un bisounours, un gentil garçon. Je suis ce que mes forces d’être.


Rassurez vous, je me défie aussi de vous. Je regarde évoluer autrui avec la même ironie que je suis mes tribulations. Mais je ne fais nul commentaire sur les fiers à bras, les réponses-à-tout, les professionnels de la profession au masculin ou au féminin. Je regarde sans acrimonie celui-celle qui pourfend autrui et s’exonère à bon compte de ses entrechats, tous ces petits accommodements de notre médiocrité

La voix de Dylan charmait mon adolescence plus que le sens de ses contines où je ne décelais qu’une fragilité si ce n’est semblable du moins faisant résonance.
Dylan me fit écrire des lettres d’amour, me glissa ce plaisir de chanter l’autre, le possible d’une rencontre.
A ce jour
Il faudrait afficher son mode d’emploi. Pour ne pas dire son cv.
Je ne lis pas les modes d’emploi. C’est un tort. Pros bla bla ment
Ils procèdent d’une rigueur somme toute logique, un de ces pas à pas qui vous évite les faux.
Please to meat yu
Euh Darling

Je garde un faible pour
-LOVE MINUS ZERO/NO LIMIT





6 mai 2014










je glissais vers le nulle part zen avec cette inquiétude qu'offre l'incompréhension.
Le besoin de sens et le doute ficellent l'obsessionnel.

La psy de mon service m'avait glissé deux adresses où aller consulter. Je lui avais raconté mon rêve de ce dimanche 4 mai que j’avais retranscrit dans Facebook :
« me retrouvais à bosser pour un institut de sondage. Le boss m'avait accueilli d'un "votre profil m'intéresse", le genre de phrase qui lui épargnait toute négociation salariale et m'irriguait d'un esprit de winner. 
A 62 balais, se lancer dans un « nouveau challenge », vous transforme vieil homme en jeune. 
La psy m’offrait son sourire -je-suis-captivée-, 
je poursuivais:
Le boss sortit un dossier et ajouta "là, nous innovons dans le sur mesure, vous allez interviewer des personnes selon le desiderata du client, vous ferez un descriptif précis de l'interviewé, cadre de vie, habillement, jusqu'à la manière dont on vous ouvre la porte". 
La dame opinait de la tête. J'avouais :
-Tout était limpide, je n'entendrais plus gémir-
Je continuais
"Ah, ajouta-t-il vous avez un véhicule de fonction. 
A observer mon ravissement, il ponctua "prenez en bien soin, c'est un prototype". Il me tendit une pochette que j'ouvris croyant découvrir l'assurance. Il s'agissait du mode d’emploi d'une sorte de navette spatio-temporelle et là il précisa "c'est cela, vous allez interviewer des personnes du passé avant de songer au présent. »
Comme j’entrais là dans une autre dimension je glissais à ma bienveillante collègue que
le cancer (moi) est un individu casanier qui s'éprend aussi de la nouveauté. Et bien sûr dans mon rêve, le recruteur l’avait deviné. 
L’aparté faite, je lui restituais la fin :
"Ah reprit le boss (Ah était son interjection favorite), votre client a choisi une seule question que vous prononcerez d'un ton le plus neutre possible et qui est : - Comment peux tu vivre sans moi?-« 

Elle avait écouté jusqu’au bout. La chef s’était même pointée vers la fin de ma narration, elle est très soucieuse de l’état de son équipe et nous convînmes (là je vérifie la conjugaison, je dis cela pour mes enfants qui n’osent pas)) d’un regard trois fois partagé que la consultation était terminée. J’en étais un peu frustré. La professionnelle le perçut et là me glissa les deux adresses qu’elle m’avait fourni un an auparavant. 
J’étais allé répondre à une sonnette avec le sentiment de l’inaccompli. 
J’avais en tête une fin qui complétait mon rêve et qui lui donnait une amplitude et une chute tragi-comique. J’étais un gros mytho
Il faut déontologiquement en rester au rêve, ne pas fabuler.
Les faits que les faits sinon tu altères le récit d’un faux témoignage et là tu pervertis non seulement la narration mais ton propre devenir. Je me parle ainsi à voix basse pour me recadrer. Avec un mec comme moi, c’est une nécessité.
J’en connaissais un bout sur cette notion de faux témoignage dans la manipulation des existences. La matinée se terminait et chaque sonnette résonnait comme une annotation de plus sur ce rêve intrigant qui pourrait être un récit avec une fin. 
Je voyais les personnages se succéder 20 ans, 30 ans 35, 40, elles n’avaient pas changé, leurs surprises semblaient moins la question que la physionomie de l’interviewer devant leurs yeux. Chaque fois je prononçais la question « comment peux tu vivre sans moi » et les visages se détendaient, rayonnaient. C’était , il est vrai,  le genre de question fermée terriblement ouverte à un aveu libérateur. Et je ne pouvais pas la modifier. J’étais télé transporté loin des couloirs de la souffrance dans des espaces-temps que des voix féminines jalonnaient d’immuables « mais très bien »




Dans un très bel essai intitulé "l'amour inconscient" Daniel Sibony note :
-l'obsessionnel croit en une certitude qui n'est autre que la coïncidence entre lui et l'autre, coïncidence où l'un dans l'autre s'abolit-