mercredi 25 juin 2014

24 & 25 Juin 2014





je vais finir par réajuster mon avis sur ces « gosses », (généralement l’adulte ajoute « sales ») qui se gavent de tv-réalités. J’ignore jusqu’aux titres de ces émissions sur lesquels les yeux de Jade se fixent, enfin pas exactement tant son mobile réclame ses doigts agiles et donc aussi une partie de son attention. Plus que les dialogues dont elle se moque avec pertinence, ceux sont les mimiques, les postures des figurants qu’elle observe. Je dis « figurants » tant ces jeunes bodies buildés restent cantonnés à des dialogues minimalistes et dans un jargon où éclats de rire, injures et autres borborygmes scandent leurs émois. 
Ce n’est pas du Marivaux encore moins du Shakespeare mais pour autant cela lui permet aussi de réfléchir sur la nature humaine, toutes ces danses relationnelles d’une séduction approximative où tchache, possession pour ne pas dire prédation, soumission, révolte (là les révoltes restent des intonations) tissent les huis-clos pour reprendre le terme sartrien. 
Ces images-tv n’assoupissent pas pour autant un jeune esprit. Ses capacités de discernement saisissent toute les limites des éructations. 
J’étais le genre de père qui rêvait de voir ses enfants parler cinq langues dont l’allemand pour lire Hegel ou Freud dans le texte faute de quoi tu loose ta life. 
Très tôt Venezia puis Jade se gaussèrent en pointantdu doigt une étagère de bibliothèque alignant  une dizaine d’assimils du russe au chinois en passant par l’arabe et le portugais, l’italien, l’anglais, l’allemand et les dictionnaires de français latin (pas grec) que je tardais à ouvrir. 
On ne transmet que par l’exemple. 
J’aurai du le savoir. 
Suffit pas d’avoir des livres pour donner le goût de la lecture si soi-même on reste par trop dilettante. Quand je m’enhardissais à leur lire les contes de Perrault, elles s’apercevaient que je m’endormais avant elles.
J’étais un homme faible. Leur mère s’en rendit compte aussi. Le gars devint moins sexy. 
A la réflexion, je perçois quand même que du haut de ses 14 printemps, son intellect est assez musclé. Le mien à son âge se nourrissait des écrits de Slaughter, médecin-romancier qui disséquait sur le mode descente aux enfers, purgatoire, happy end. 
J’allais directo au dernier chapitre. Tu parles d’»un massacre ». Faut être exigeant avec soi même, hum j’avais très tôt renoncé.

« Tourne la page avec maman, tu l’assommes avec tes lettres, quand c’est fini c’est fini. » m’avait glissé Jade en entrant dans la cafétéria. Tout de go j’avais répliqué « elle t’a augmenté ton argent de poche ». Nous en rîmes en choisissant les hors d’oeuvre à profusion. Sans trop comprendre l’organisation du lieu, on trouva et la caisse et une table. 

Sa phrase allait son chemin. Il y avait du vrai. Il y a des seuils de non-retour dans une relation. Sans mot dire, elle nous avait observé. L’oeil d’un enfant est vif. Je m’en souvenais. 
Pour une fois tout absorbé à ma réflexion, je ne fis aucune remarque désobligeante sur les coudes sur la table ou les bouchées trop grosses. Nous la surnommions « l’avocate » au sein de notre famille tant elle se singularisait par ses prises de position intempestives à défendre tout accusé. Je m’en amusais souvent mais là je sentais une réelle justesse.

C’était sûr ma vieille carcasse avait atteint son seuil d’obsolescence. Rouler en Saab, un Stetson sur le crâne chauve, les poignets du désamour  : pas besoin du GPS pour deviner la trajectoire vers la casse.
J’étais de ceux qui avaient été marqué par  le film d’Arthur Penn « Little big man ». Cette revisitation de l’épopée américaine, de la défaite de Custer, un 25 juin 1876 à Little big horn et surtout ce passage où Jack Crabb-Dustin Hoffman accompagne sur la colline le vieux chef dans l’attente de la mort et le sage indien sentant la pluie s’abattre s’exclame « parfois la magie réussit et parfois cela ne donne rien ».
La magie n’avait rien donné. Il me fallait accueillir ce temps nouveau et la sagesse d’une enfant

dimanche 22 juin 2014

22juin, je joins non je geins : sans gène




To you,
en pensant à mon existence, je peux admettre que tu es l'être qui m'aura le plus donné en étant la mère de nos enfants.
C'est probablement le quartier de ma vie où j'ai senti que mon existence avait un dépassement. 
Cet amour que je te porte ne t'a probablement jamais été très perceptible et ne t'a pas irradiée comme il eut du. 
Je conçois que nous ne pouvons en rester aux regrets. 
Je n'ai jamais voulu te parasiter ou te brider. 
Que tu sois heureuse avec d'autres prouve que tu es une femme remarquée et précieuse.
Je sais combien tu peux être passionnée et vivante et joyeuse et accueillante,
 je sais l'enfant qui toujours pétille en toi.
Je sais les bienfaits que tu transmets aux filles et je devine les femmes qu'elles seront
et j'en suis heureux et apaisé.
Je n'ai jamais voulu la guerre entre nous. Mais je n'accepte pas le mépris, la condescendance, l'hypocrisie.
Je peux comprendre que mon côté vieux looser plein d'amertumes ait été pénible. Je regrette de t'avoir blessée dans des adultères non glorieuses. J'eusses du t'en parler et mettre un point d'honneur à ma lassitude d'une abstinence non programmée.
Je n'ai jamais voulu alourdir ton existence de ma cécité prévisible et n'ai jamais pensé que l'amour entre nous fut un pacte contre vents et marées. Certaines rencontres s'érigent sur des présupposés différents. La maternité te faisait femme et j'avais l'illusion de fonder une famille. Les quiproquos enfantent aussi des mutations prometteuses.
Notre séparation est bien un objectif atteint et irréversible.

La vita continua

samedi 21 juin 2014

21 juin 2014



me suis réveillé, l’esprit arrosé de soleil, j’ai listé tout ce que j’avais à faire en ce premier jour de congé, tâches administratives, mails aux êtres proches. Un muesli avalé, café à portée de ma main, j’ai lancé Elvis Perkins et j’ai balayé tout l’ordonnancement, poussé par ce « pourquoi « qui me poussait à écrire. 
J’ai senti monter en moi haine et révolte, j’ai senti toutes ces forces mortifères penchées sur le berceau, prêtes à organiser le dressage et je me suis mis à crier « je suis le fils bâtard de l’ennui », je suis l’acide de vos remugles, je ne veux ni de vos valeurs, ni de votre généalogie honteuse et tandis que les mots s’alignaient sur l’écran, je prenais conscience que ma guerre était finie depuis un an mais le terrain de bataille restait empli de poussières et de bruits en mon for intérieur, citadelle réduite, Jean -était marri-.
Mon esprit valétudinaire et immature n’a rien appris de ce monde ou plutôt ne veut pas s’accorder à passer sous les fourches caudines de l’efficience et de la rentabilité. Il écrit, se replie et sautille sur les aiguilles du temps d’une geste mineure. Ame inquiète que seul le chaos rassure, prête à monter sur l’autel sans en être sur mais gagné par la douce certitude que dans l’infinitésimal, il excelle.
Ai été aimé, parfois bien, qu’elles en soient remerciées. 
A ce jour je comptabilise deux âmes soeurs l’une en terre l’autre en taire. 
J’appelle âme soeur, ces êtres avec qui le silence de la nuit était aussi communication. 
J’appelle âme-soeur, celles qui savaient télépathiquement que le pacte entre nous resterait sacré. J’appelle âme-soeur, celles qui lisaient en moi plus que je ne discernais et qui ne m’ont jamais dissuadé. 
J’appelle âme-soeur celles que j’ai pu blesser et qui ne m’ont jamais mutilé.
J’appelle âme-soeur celles qui de leur vie m’ouvrirent les contours sans compter sachant que le chèque en blanc serait honoré
j’appelle âme-soeur, celles qui sans forfanterie ni clair obscur se mirent plus qu’à nue, versèrent larmes et cris et morsures conjurant l’éphémère sans tricher sans hésiter sans douter par ce que nos âmes étaient soeurs et que le simulacre était ôté.

Dans ce moment de vie privilégié que la ligne mélodique d’Elvis Perkins pulse, je pense à cette jubilation qui me tient debout pensant à elles, à ces moments qui sculptent mon être de leurs bienfaits qui ne sont pas soustraits : les avoir côtoyées, jeunes êtres perdues/blessées et si vivantes si solaires si affamées qu’à aucun moment ne m’a traversé l’idée que ma seule existence eut pu les rassasier.
Je vins vers elles dans dénuement certain, mu par de simples mots, ignorant ce qu’il adviendrait. Ni Apollon ni Hermés Trismégiste, jeune quidam post pubère prêt à dire « je t’aime » comme un Christophe Colomb s’écriant « terre ». Elle me prirent et m’apprirent à l’amour : le dire et l’être quant au faire c’est une conjugaison.
Dire à l’autre ce qui attire, Dire à l’autre, sa part singulière et qu’importe que le chant soit pusillanime s’il est authentique. Sur ce point n’ai pas varié. Après, chaque rencontre fixe sa limite ou son point d’ébullition. Bien sûr les quiproquos.

j’écris en quête d’une langue qui fasse écho à cette vibration que mes sens enregistrent qui est peut être la vie, qui est ce que-je-ne-sais-pas. 
Fus étrangement sevré de mots. Ceux qui fondent et j’ignorais la privation qui se love en soi. Ne laisser personne dire ce qui est le nécessaire pour soi.
J’écoute la voix d’Elvis Perkins, sa mère Berry Berenson mourut à l’âge de 53 ans, un 11 septembre 2001 dans le Lower east side de Manhattan, passagère du premier avion qui heurta la Tour et mon esprit se connecte à une séance au kinépolis où jade me tira. « REMEMBER Me» et l’enfant ignorait le cadeau qu’elle offrait à son père.
J’écris sans finalité. L’inutile et le dérisoire de ce temps sont mes biens les plus précieux. Rien ni personne désormais ne m’en dissuadent ou n’ont ce pouvoir de m’en dissuader. C’est une sorte de victoire sur soi-même quand on n’est pas atteint par le discours d’autrui : mis en doute. Cela n’a rien à voir avec une confiance soudain découverte mais à l’éruption d’un tempo sur un autre doute, qui serait le fruit de sa propre expérience. A ce jour j’ai ce sentiment naïf que c’est immense

"sweep up, little sweeper boy

It's you who's got the wig on here

sweep up, little sweeper boy, sweep up

yellow is the color of my true love's crossbow

yellow is the color of the sun

and black is the color of

a strangled rainbow

that's the color of my loss

black is the color of my true love's arrow

that's the color of human blood

you got a shot of shampoo 

though it was made thirty years ago

you got a shot of shampoo

though you were made twenty years ago

speak up, little sweeper boy

they are hard of hearing

anything that anyone has to say

o they say

yellow is the color of my true love's crossbow

yellow is the color of the sun

black is the color of 

a strangled rainbow

the color of my loss

and black is the color of my true love's arrow

that's the color of my blood"




dimanche 8 juin 2014

7 juin 2014



j’écrivais au jour le jour pour retisser des états de mémoire,
un travail quotidien entre éclairage et obscurité. 
La naissance m’avait lancé dans ce jeu aux règles mouvantes. 
Je jouais, vivotais découvrant chaque jour l’étendue d’une trame dont j’ignorais encore la finalité.

Avant le langage, dans ce temps du babillage, nous baignons dans cette animalité intuitive. L’enfant est hors du sens mais dans une faim d’essentiel dans cette excitation des sens livrés à la découverte. Le mot mère rencontre moins notre esprit que son odeur, la musicalité de sa voix. 
Le lien est un tissage de sons, d’intonations de voix, de chaleur de corps, de lait au sein donné. 
L’enfant n’est jamais dans un manque, il faudrait pour cela une expérience préalable, il est dans la découverte, dans tous les aspects de cette découverte. 
Caravelle-conquistador dans le flux temporel.
Le présent d’un enfant est une immédiateté où lui parviennent de nouvelles découvertes de lui et de l’autre. Son visage devient comme un langage plus que les cris, crêtes imprécises de tant d’orages plaisir-déplaisir. L’enfant baigne dans l’univers de son vis/e à vis/e. 
Dans le champ de ses névroses, de ses certitudes et de ses peurs. 
Le petit monde-adulte autour de lui, eden-purgatoire-enfer.

Je n’eus parait-il ni le sein ni le lait mais un parking pouponnière pour mes six premiers mois : en stand-by. Fis une chute du berceau? et bref séjour à l’hosto, revins à la pouponnière avec une cicatrice à l’arrière du crâne. Un jour, ma grand-mère se décida à me récupérer. 
Tout cela je l’appris par hasard dans ma trentième année. 
Ma tante et ma grand mère étaient décédées, mon beau-père et ma mère divorçaient. 
Mon esprit était à la dérive dans une autre tempête. 
Mon amie était morte dans sa vingtième année et j’avais si peu été à la hauteur de la rencontre que je ne cessais de me désagréger.
La culpabilité n’a pas le même gout quand elle est sans retour. 
Elle peut-être un alibi commode pour une litanie de la plainte. 
Elle exige la refonte des mots sur les maux. 
Je survécus sans résilience, mes neurones anonnant la faillite annoncée. 
Des êtres bienveillantes me tinrent,  tête hors de l’eau. 
N’en furent pas récompensées.

J’écris comme d’autres marchent. Je trébuche. Je reviens sur mes pas. 
Du 27 mars au 14 juin 2013 je restais au chevet de celle qui m’avait conçu. Ni par amour, ni par devoir peut être par curiosité. Il n’y a d’amour que dans la réciprocité et la re-connaissance. Là où il y a rejet reste la césure. La notion de pardon suggère une croyance. En l’occurrence la croyance était cet énoncé asséné avec la certitude plombée de l’adulte qui clame « je t’ai donné un nom ». Jeter-donner un nom : pas même pér-cuté. Dans cet économie d’un don, le donateur asservit le donataire. 
En refusais le jeu.
J’ai toujours eu en horreur cet édit mortifère. 
J’ai fermé ses paupières puis ai lavé son corps. 
Un ange m’a aidé à l’habiller. Un ange m’a aidé, de sa simple présence accompagnant mes gestes, les arrimant, à m’épargner effondrement et irréalité. 

De n’être pas seul à ce moment m’ancre que j’y étais.

juillet1996


Venezia,
 juillet 1996, letter never sent to Imor, son parrain





je me souviens de ce besoin de la photographier depuis le moment-naissance mais quand l'enfant impose son irruption, il est préférable de suspendre la photo et agir.
Il est fort possible que ce moment ancré dans ma mémoire ait inscrit un ravissement indélébile, une cicatrisation de toutes les blessures. Pas principalement pour en être le père mais "la sage-femme".
La mère eut crainte-souffrance-joie.
J'eus la joie, la jubilation d'une symbolique irradiante :
échange inégal.
Il y a beaucoup à apprendre dans cette observation des premiers mois, des premières années d'une enfant. Il y a cette définition au quotidien de la vie, sa découverte, cette curiosité affamée, ces expressions immédiates de quête et de plaisir-déplaisir, ce langage-visage, toutes ces mimiques en miroir à votre visage et puis l'envol des premiers pas.
Et dans l'observation, ce questionnement intempestif sur sa propre trajectoire.