jeudi 28 avril 2011

29 avril 1995/0 h 25 /Jeanne Moreau sings India Song



"son nom de Venise dans Calcutta désert"


ô mon enfant, que ta vie est précieuse
que sa trépidation pulse mon être
d’émois non envisagés

Le seul trésor qui vaille
est fait de chair et d’esprit
il brille aussi solaire que fut la rencontre
et croît en moi comme une nova
me révélant sa brillance et son ardeur.

Ce peut être un ami(e), un amour, un enfant.
Cet autre qui scelle un tu et un je

et qui permet à mon esprit de penser ce monde vivable.
par ce que cet autre existe.

Tu es aussi cet autre Anna . V.
Je suis fier de tes quinze premières années,
de la jeune femme que tu deviens, je suis fier de ton savoir,
de tes hésitations, de ta curiosité, de ta passion, de tes engouements.
je suis fier des êtres que tu te choisis pour amis, qui t’ont choisie pour amie
par ce que je sais qui tu es.
Je sais ton courage et je sais ta persévérance.
Je t’ai vue enfant accueillir la naissance de ta soeur avec ta douceur et ta vitalité.
Je t’ai vue dans l’épreuve du deuil, dans cette présence les derniers temps auprès de ta grand mère,
j’ai vu ta délicatesse, ta sollicitude à lui préparer des repas, à l’écouter, à être présente au moment de son épreuve, de votre épreuve.
Et ces extrèmes de la vie, ces moments cardinaux,
me font te dire, ce jour de ton anniversaire que tu es un être entier, profondément humain, une jeune femme dans cette galaxie complexe que j’aimerais toujours. 
Non pas par nos liens de sang mais par ces liens de nos esprits : i shin den shin :
de ton âme à mon âme comme dit la sagesse zen
que ta vie soit un continuel printemps, je t’aime

je t’appelle Anna. V, Anna Venezia pour que tu te rappelles que de ton prénom à ton nom
coule l’histoire de plusieurs, de multiples générations d’hommes et de femmes qui ont voyagé, bâti, fait évoluer les idées et la vie est cela :
oser nos passions quand nos passions nous portent.
Tu es venezia, ville libre comme une nouvelle athènes et mahé ce comptoir de l’inde.Tu es multiple et ta jeune existence à maitriser ton destrier, à aimer l’animal, l’entraîner à se dépasser
me montre chaque jour combien tu fus précoce combien tu es entreprenante. Tu as enrichi nos êtres-parents, tu as cette part de ta mère qui est sa beauté et sa lucidité et tu vas ton chemin, armée de ton jeune savoir, poursuis ton oeuvre
ma douce enfant, deviens ce que tu es.


samedi 16 avril 2011

15 avril 2011/Massive Attack - karmacoma (live)



en faisant un carton de livres, ai mis la main sur un titre dont je ne me rappelais plus “près du coeur sauvage” de clarice lispector. Une phrase zébrée la page intérieure “au père de ma filleule, de votre suèdois préféré, imor.”
Je me mis à lire les première pages et compris assez vite qu’en escamotant sa lecture en 1999, je ne m’étais pas facilité ma tâche de père. 
Certains récits, certains romans à mille lieux des modes d’emploi et autres essais de psychologie primaire sont des pépites pour enrichir sa propre perception du monde.


“je vivrai plus grande que dans l’enfance, je serai brutale et mal faitecomme une pierre, je serai légére et vague comme ce que l’on sent et ne comprend pas, je me dépasserai en ondes ; ah Dieu et que tout vienne et tombe sur moi jusqu’à l’incompréhension de moi même en certains moments blancs par ce qu’il suffit de m’accomplir et alors rien n’empéchera mon chemin jusqu’à la mort sans peur, de toute lutte ou repos, je me léverai forte et belle comme un jeune cheval.


narrait la quatrième de couverture : assez pour savoir que le livre serait remis à anna Venezia sa jeune filleule qui allait à la fin de ce mois vers ses 16 ans.


Jade, qui a aussi pâti de mes limites de “Pater”, au jeu du -père idéal- auquel je la conviais récemment me répondit :
*j’aimerai qu’il soit jeune, 40 ans, et qu’il soit noir!”.
Attendant ma réaction d’un regard dubitatif tandis que mon neurone chauffait ardemment : sur l’âge, je percevais, -comme les pères de ses copines, l’énergie, la joie de vivre, les attentes affichées de sa mère mais “noir”?
Je pensais à la danse à la musique, à l’esthétique de ces corps si musclés, je devais trouver une réponse tout aussi colorée sinon mon ego serait encore plus écorné à ses yeux!


J’émis avec un j mais peut être dans la sonorité de la voix un g,-" mais alors tu serais noire! 
L’enfant ne sembla pas outrement inquiète.
*”non café au lait, métisse répondit elle car ma mére est blanche”.
C’est sur sa mère était bien blanche et d’ailleurs ne rêvait-elle pas d’un beau corps noir à ses côtés.


Je grimaçais intérieurement voyant la berge “familiale s’éloignait à chaque vague de mots.
-”Et que ferait-il dans la vie, ce père jeune et noir? continuais-je
*”il serait médecin, et nous irions en vacances en guadeloupe, chez nos grands-parents”


Là c’était clair, limpide et somme toute revigorant. Cet enfant n’avait pas cette étrange peur de l’autre, différent par la couleur, par la culture, elle aspirait même au partage et aux voyages et je me dis que viendrait le temps où je lui offrirai les “cahiers du retour au pays natal” d’aimé césaire, né un 26 juin comme sa mére.
Poursuivant je demandais -”et ta mère?”
*” ben, elle est blanche (là il s’agissait de la réelle) et elle serait biologiste (d’où connaissait-elle la profession, ah peut être “les experts miami-amiami”) mais elle serait en congé parental ponctua-telle.


Je lui fit aussitot remarquer qu’un congé de dix ans ne figurait pas dans le code du travail mais elle n’en avait que faire * “c’est comme çà “.
Je n’ajoutais plus rien, nous passions devant “grand frais” le magasin écoutant NRJ, j’avais envie d’écouter massive attack “karmacoma” mais jade gérait le programme et le bolide glissait étrangement au ralenti

jeudi 14 avril 2011

1993 agost'oh /Abd Al Malik - Mon amour feat Wallen (clip officiel)



à 5 h du matin la voix d’abdel malik m’a cueilli et je me suis immédiatement demandé quel était l’esprit malin, qui, de si bonne heur/ bonheur torturait mon âme inéveillée.
“my baby is a heroe”.
L’idée ne m’aurait pas effleuré qu’une lady puisse ainsi lancer au tout venant son ode à l’amour me concernant! 
Ces deux dernières décennies furent à dominante récriminations. Pas assez ceci, trop cela. 
Je me souviens d’avoir écrit un plaidoyer de près de 200 pages à la princesse qui me licencia de sa couche sans préavis sous l’évidence d’un contrat à durée qu'elle déterminait, signant le même jour un cdi à “un ami de toujours” dont elle se gaussait quelques années auparavant.
Le trauma fut tel que je perdis 10 kgs en l’espace d’un mois. Brûlant mes calories dans des errances sans but entre la mairie du 18 éme et les buttes chaumont et déjà de jeunes impertinents me criaient “allez papy”, tiens bon! Papy tint. 
Mais je savais au fond de moi que la belle avait raison, mon côté looser que je semblais cultiver devenait lassant avec le temps d’autant que mes vélléités d’écrivain s’étirait en deux mots. 
Elle eut cet égard de ne point m’éxécuter d’un, par exemple :
“quant au pieux tu n’es pas un épieu, ce qui vous en conviendrez est différent du né pieux. 


Et dire qu’une révolution s’opérait en moi au point de lui avouer sine die combien j’étais prêt à avoir un enfant d’elle. Mais ailes déployées se mit illico à décoller vers son prince charmant aux vertus certainement plus attractives.
Le paradigme amoureux n’est parfois pas éloigné des lois du marché. Je ne faisais pas partie des valeurs refuges et j’avais eu l’impertinence de déclarer quelques mois auparavant que nous ne vieillirions pas ensemble. 
Elle me rappela ma prophétie, me félicitant de l’anticipation et de ce savoir à peaufiner. 
En ce mois d’aout 1993, j’eus le temps de gamberger sur la devise jusqu’au détour imposé vers un divan psychanalytique qui n’exorcisa pas radicalement le dit vain.


Mais cela je ne le compris qu’une quinzaine d’années plus tard.


mardi 12 avril 2011

14 nissan 5753 :Antony and the Johnsons - Hope there's someone, live




13 avril 1993

“je roule à trés grande vitesse, à je ne sais quelle vitesse et c’est insuffisant. Je me rapproche et ne peux rattraper son temps de vie qui ralentit à l’approche de l’inéluctable. J’appelle inéluctable : la mort. Non pour la métonymie, mais pour ces souvenirs de ces dimanches al campo santo, accompagnant ma grand mère : initiation paradoxale à la vie. 

Et je ne comprenais pas ce que mourir signifiait, ni pourquoi il fallait mourir ni pourquoi il fallait accepter et ...pleurer. Et je m’étais mis en tête de refuser la mort.
Je ne sus que nommer autrement ces effets qui s’insinuaient dans ma vie, forçant comme un coin, écartant sur un vide.
L’inéluctable comme une vis vrille mon esprit de son travail implacable et les souvenirs en copeaux attestent de son indifférente constante à torsader le temps sur les corps, brisant le choisi, agenouillant le survivant.
Et sa musique me murmurait l’inutilité de lutter : résonnance italienne : “il lutto” : le temps du deuil et des larmes des femmes égrenant le rosaire.

Des mots sur un carnet, phrases-balancier sur mon propre vide m’accompagnent et tressent une fiction de filet. Mental effondré. Sur la vie ne voir que l’ultime devenir et dans les yeux des êtres chers : leur perte.
Le temps dans mes veines : congelé
Je ne posséde aucun savoir sur l’existence. Toujours étais démuni. Trou noir, notant les éclats, la brillance, l’énergie, la présence d’étoiles au loin sans nostalgie.”
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Imor a de grandes mains qui s’agitent au rythme de sa voix quand il parle en français. Imor ne parle pas. Il orchestre des mots de son index droit, bagué d’une pierre noire. A l’écouter je découvre une langue, ma langue et en viens à l’aimer. 
Son français a une dominante littéraire, comme le parlent seuls les francophones d’origine africaine. Cette syntaxe a la vertu de m’intimider tant on sent le souci de l’accord des temps de la justesse des mots.
Etrangement Imor y greffe une gestuelle très italienne du discours. Ses phrases se font amples et ses anecdotes, des odyssées. Parfois quand dans ce flot se glisse un contresens, Claude s’en amuse et joue au précepteur en le charriant. C’est entre eux le signal d’un jeu convenu dans leur langage amoureux. Comme si l’oriental devenu silencieux attendait ce signal pour revenir sur une scéne , temporairement prêtée.
Mon regard s’est fait attentif quand claude m’a presenté Imor à son retour de Stokholm.J’ai écrit “présenté” sur mon carnet tant j’étais surpris de l’importance que cela revêtait pour lui, d’autant que je n’étais pas parmi ses plus proches. 
Je vivais alors avec une jeune femme qu’il avait aimé avant qu’elle ne s’éprenne du garçon qu’il lui avait présenté. Le garçon s’était détourné de l’une et de l’autre. La jeune femme avait trouvé une compensation momentanée : moi. 
Et claude frappait de temps à autre à sa porte, reprenant le fil de leur amitié singulière. 
Nos corps s’étaient retrouvés sur la couche de “l’aimée” avant qu’un traducteur aît pu me préciser ce que je faisais entre eux deux. Je ne m’étais pas senti trahi. Non par le fait d’avoir déjà goutter des situations analogues mais par ce qu’il n’y avait pas de rivalité entre lui et moi. Je le ressentais intuitivement. Claude ne calculait pas. Il était enveloppant quand il éprouvait de l’affection, pouvait se tenir en retrait ou vous faire partager sa passion pour un film, des idées, une exposition ou un être qui avait traversé sa vie à un moment. 
Sa relation à J gardait connivences et secrets de couple, dérivant comme souvent vers de mutuelles récriminations. Je restais témoin muet de leur passé sans interférer.
Toute la personnalité de Claude me mettait en porte à faux dans un effet-miroir sur un vide que je cultivais. Il affichait un dandysme que lui permettait sa beauté, en jouait et ce qui d’ordinaire m’aurait courroucé, éloigné, semait des interrogations. J’avais nommé dés le début “dandysme” son besoin solaire de paraître et m’étais bien vite rendu compte qu’il n’y avait rien de superficiel en lui.
Claude était désir, là où j’étais renoncement et nos mondes m’étaient apparus d’emblée symétriques. L’épreuve des corps comme vases communiquants m’avait révélé le relief de ma vacuité. Je simulais quand lui aimait. L’ébat entre nous s’était révélé vain tant mon corps s’absentait à ses caresses et ma verge, coudrier impuissant, ne décelait pas source de vie.
Il ne s’en était pas offusqué. Le désir l’irradiait et je me demandais comment un garçon pouvait me désirer tant je n’avais rien d’un apollon laissant mon corps a volo sous prétexte d’autres impératifs. Et je n’en avais aucun. J’hibernais d’un hiver de quinze années. Dans une glaciale culpabilité. alibi pour ne pas penser, ne pas aimer. Végéter. Sous le soleil méditerranéen. Jusqu’à ce que cette fille délivre un sésame et m’entraina dans son repaire parisien.

Chaque fois que nous nous croisions, Claude me libérait de secrets que je ne voulais plus garder, au grand soulagement de J, lasse de ces mêmes confidences.
J’étais un marrant. Mon sujet favori était la mort. La peur de la mort.. La mort de l’autre. Comme un buvard Claude prenait les mots sous une autre perspective et les redéposaient asséchés de leurs maléfices. Ces moments se convertissaient en mon esprit dans une métaphysique qui me transcendait. Je sentais ce souci de l’autre, cette attention immédiate à investir la part humaine en partage, de s’en porter témoin comme dans un hommage à des moments de vie.

J’étais un incroyant par ce que ce monde sans dieu m’était plus compréhensible. Ma foi ne s’éveillait qu’au contact d’êtres livrant cette étincelle où s’embrase la joie d’exister.
J’étais en apprentissage et Claude qui était mon cadet de cinq ans m’enseignait.
Tuteur sans le savoir, il m’insufflait son regard sur le beau, sur son gout d’une vie sous le sceau de l’esthétique. J’étais un mauvais éléve, trop d’inhibitions. Seule ma curiosité lézardait ces handicaps et m’avait fait remarquer son engouement pour les vêtements de grandes marques, ce soin, quasi maniaque à enfiler des embauchoirs dans ses chaussures dès qu’il les otait. Tant de gestes empreints de cohérence. Claude était bien la première personne dont je pouvais penser qu’elle avait un art de vivre. J’étais impressionné. Comme je l’avais été vingt ans auparavant par une enfant qui brulait sa vie
“sans temps mort et sans entrave”, au de là du slogan et des images à la james dean pour s’éteindre dans un hôpital de province par ce que le seul poumon artificiel du département était déjà occupé.
Claude m’impressionnait et j’en avais déduit que nous ne jouins pas dans la même catégorie, non par ce qu’il préérait les garçons : il était aimé des filles aussi : mais par ce qu’il aimait la vie.

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“Je roule à très grande vitesse, les paysages dans cet accéléré ne captent pas mon attention. Je suis entre Paris et Lyon : immobile, sur un siège et déjà à son chevet. Dépouillé. 
Et le silence me traverse comme un signal lumineux. Je cherche dans mon carnet un passage recopiè du Livre de Samuel :
-”12. Or David était le fils de cet éphratien de bethléem de juda, nommé Isaie, qui avait huit fils, et qui du temps de Saul était avancé en âge.
-13 Les trois fils ainés d’Isaïe avaient suivi Saul à la guerre ; le premier né de ses trois fils qui étaient partis pour la guerre s’appelait Eliab, le second Abinabad et le troisième Schamma
-14. David était le plus jeune. Et lorsque les trois ainés eurent suivis Saul,
-15. David s’en alla de chez Saul et revint à Bethléem pour faire paître les brebis de son père...”
Les mots glissent sur ce temps devenu insensé, flux d’une autre durée.
Enfant, j’aimais les contes qui allaient accompagner l’épreuve de la nuit, projetant leurs images sur l’écran noir : redouté.

J’ai écrit ces mots de l’Ancien Testament, non par croyance mais par respect. Je cherche des mots pour Claude, des mots qui ne diront rien de lui, des mots qui ne seront jamais lui, des mots qui sément sa présence en mon esprit.. 
Je lis le Livre humblement pour Claude-Ruben, jeune juif qui m’a offert son amitié, son sourire, son affection et qui prenait le temps d’écouter mes impasses quand sa vie et sa durée étaient comptées : étaient sans prix. 
Je lis le Livre pour amorcer sa voix en moi, pour être éveillé à ce privilége de cette indéfectible rencontre qui me rend autre à moi même. 
Je lis le livre les yeux baissés devant son épreuve et il bravait le temps de son appareil photo toujours à portée de sa main, inscrivant son visage sur l’instant suspendu. 
Je lis le Livre pour honorer sa pudeur à s’avancer à découvert et son courage à ne rien brader. Je lis le Livre pour irriguer ma mémoire et ancrer sa vie comme un savoir vivifiant et Présent. 
Je lis le Livre cheminant sur des traces pour retrouver cette part de lui qui l’a conduit plus loin. Je lis le Livre tissant le lien de mes mots murmurés à son souffle soustrait et seuls mes mots ne sauraient pas lier, ne sauraient pas raccorder Claude-Ruben à l’histoire humaine que le Livre conte.>>

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Imor a de grandes mains, fortes et précises, délicates. La serviette qu’elles tiennent éponge la sueur perlant sur le frontde Ruben, sur son corps en souffrance. Toutes à leurs tâches, sans hésitation devant l’avenir, dans un langage entendu, porteuses de leur derniers messages.
A les voir, je découvre ce qu’aimer veut dire. A le voir je comprend la fierté de Ruben quand il le présentait<; Cette fierté devant l’Eldorado. Et sa surprise d’être captivé par cet autre qui vous ravit par ce qu’il a de plus intense. Ruben, intarissable sur ce jeune suédois plus dandy que lui, plus exigent que lui, plus passionné que lui, prêt à l’aimer, prêt à l’épreuve et chaque année je recevais en forme de carte postale, leur photo côte à côte, zébrée d’un <chana Tova> écrit à la hâte qui donnait à ce voeu une espérance renouvelée.
Me viens le souvenir de leur jubilation à se présenter mutuellement d’un <voici mon mari> livrant l’interlocuteur à un infini questionnement ponctué par leurs éclats de rire.

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Les mains d’Imor reposent la serviette. Près du lit, il se rassoie et reprend la main de Ruben, endormi.
Je me dis que la véritable passion est une vertu de vikings. Son visage de jeune page est celui d’un guerrier au combat. Depuis quatre ans il guerroie au côté de son élu, ce temps qui entame, la fatigue qui gagne, ils guerroient le cynisme, l’indifférence de la mécanique hospitalière.
Ils ont choisi le combat pour être ensemble. Leurs esprits habitent l’épreuve. Leurs esprits ont visité tous les recoins de l’épreuve jusqu’au passage plus étroit où l’un s’effacera.

Ce soir Imor veille, comme les soirs précédents depuis leur retour de Stockholm pour de nouveaux soins. Entouré par la famille de Ruben.
Sait-il, ce viking, qu’il ramène <<...vers le père, le coeur du fils et vers le fils, le coeur du père>>. Et ces mots venus de si loin sont plus qu’un destin. Ils portent le souffle de cet amour qui réunit en séparant et se projette en mon esprit <Pandora> ce film avec Ava Gardner et James mason et je croyais entendant << will you die for me?>> découvrir le principe de l’amour et j’ignorais combien la vie redimensionnerait la séquence me faisant témoin d’une passion qui demande à l’autre de lui survivre. Et mes yeux fixaient la main d’Imor serrant celle de Ruben et je n’osais les regarder, rappelé à des souvenirs qui m’ombraient d’indignité.
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<< Je roule à très grande vitesse et cela n’a plus d’importance. Les paysages semblent se rebobiner et chaque moment de ces vingt quatre heures s’empile, désordonnée. J’ai anticipé ces moments comme l’on prépare un voyage, décalquant sur ce carnet fétiche , le trajet.
Et je lis les mots qui m’ont guidé :
<<16. Le philistin s’avançait midi et soir et il se présenta pendant quarante jours...>>
Ruben aété vaincu. Cette fois Goliath s’est avancé silencieux, sur sa tête point de casque d’airain ; point de cuirasse à écailles sur son torse. Point de javelot n’armait son bras, non cette fois Goliath ne fut pas le géant de six coudées et un empan qui réclamait le combat singulier.
Et le combat inégal devint plus inégal.

Je lis le Livre pensant à Imor et je n'ai plus de mots. Mes mains accrochées au carnet , feuillettent pour retrouver ce cantique funébre que David composa pour Saul. et Jonathan.

Machinalement ma main a saisi le stylo suivant à la trace chaque ligne:

26. Je suis dans la douleur, à cause de toi, Jonathan, mon frère..
puis de manière appuyée a souligné :
Tu faisais tout mon plaisir... : ton amour pour moi était admirable au dessus de l’amourdes femmes.>>

et au point final a daté

14 nissan 5753


vendredi 1 avril 2011

1/04/Cendrillon après minuit - Stephan Eicher




fus assailli par des visions incendiaires, le type de visions qui deviennent incessantes questions au point de vous ouvrir les paupières, histoire de vous tirer du sommeil. L’avantage du borgne est de tenter de poursuivre la nuit côté aveugle, las de ce côté là l’écran de mes pensées est en 3 D. C’est étonnant d’ailleurs, je me souviens des premiers temps, cette privation d’un voir, jusqu’au moindre fil de clarté et en se concentrant sans trop paniquer, prendre conscience d’une rémanence d’images kaléidoscopiques, colorées, bigarrées et surtout non controlées comme un flux diffus délivrant son message incompréhensible.
Mais revenons à cette nuit d’insomnie. Les pensées étaient légions assaillant mon esprit d’images embryonnaires, surgissements d’instants, mitraillage de simples phrases. Mais les légions, cette fois encore ne se satisfaisaient pas d’attaquer la tête, elles pilonnaient l’estomac m’offrant des reflux oesophagiens, de ces bombes chlorydriques interdites par le traité de genéve ou de megéve : la douleur balafre ma mémoire à moins que ce ne soit un besoin de glace.
Je me levais, enfin, rampais jusqu’au frigo tt proche (avantage de vivre ds 40 m2) pour me saisir d’une bouteille de lait, à ces moments seul ce breuvage peut atténuer la brûlure. Bien sûr dès que je tiens la bouteille, un autre questionnement oblitére mon esprit, est ce un signe, un signifiant : ce lait? retour au sein? au sein de ces pensées malveillantes ou plutôt éveillantes. J’avais beau me dire que ramener tout à cette succion des premiers jours ou plutôt à cette absence, semblait bien réducteur mais le liquide me disait le contraire en répandant un premier soulagement. A cet instant j’étais presque heureux. Heureux d’avoir annihilé l’assaillant. Enfin son attaque intestinale. Mais les visions incendiaires demeuraient dévastant l’espace verdoyant de ces derniers jours.
Savoir que l’on ne va pas trouver le sommeil aurait tendance à me paniquer surtout si le lendemain, je dois m’agiter 8 h durant. Le fait d’en être dispenser me fit envisager l’énoncé autrement. Les blessures, les ruptures , les échecs de toutes sortes pouvaient être des origines renouvelées, des points de départ d’autres trajectoires. Dis ainsi tout semble simple, on s’allége des entailles dans les chairs, de ces mots meurtriers qui vous vrillent l’esprit comme une vis sans fin. J’étais de ces êtres dont la vie avait le cycle de la journée. J’en ignorai le pourquoi mais en ressentais la chronobiologie dans mon organisme. La crédulité y était pour beaucoup. Cet état jumeau de la croyance alimenta un moi en moi bien chétif.
Enfant je prenais les mots à la lettre. Quand la zia m’apprit la première prière, le fameux pater noster, j’eus un bien en latin mais ma version française laissait à désirer. La zia traduisait “notre père qui êtes aux cieux mais l’homme qui nous faisait face avec sa couronne d’épines n’était pas aux cieux et lui faire mensonge, il ne pouvait en être question, si bien que je récitais fiérement à ma tutrice un “notre père qui êtes dans l’arbre”! Ceci dit, ce n’était pas non plus un arbre mais comme la croix était en bois, La zia, je m’en souviens, sursauta, se signa et me reprit sans me convaincre, ce jour là, grand-mère dûe clore l’échange qui tournait au bras de fer.
La crédulité à la différence de la croyance a cette fragilité du friable là où la foi se veut acier trempé. Ma crédulité du jour s’est toujours laminée dans ce dévoilement d’un réel qui en me révélant le porte à faux m’invitait à ne pas m’y accrocher.
Mon ingénuité autre pan de l’être crédule est de chercher reconnaissance auprès de ceux qui sauront vous en priver. C’est surprenant l’énergie que vous dépensez dans cette impossible dialogue. Balle projetée à grande vitesse contre des murs qui vous renvoie la déshérence à chaque rebonds dans une partie d’un squash insensé. Le névrosé comme le camé revient mendier sa dose-moi-tjs-prêt- à- payer- miss miss : verset de la compulsion “ô ne nous délivrez pas du mal”. Et dans le “il n’y a rien pour toi” il s’inocule la mégadose, la seule dose à son jeu nécessaire : le manque. Ne fus jamais suicidaire, bien sûr la déprime mais là c’est plutôt de l’ordre de la lucidité sur l’ordre ou le désordre d’un monde. Ai eu sur ma route bien des âmes-corps dont la bienveillance répandit ses bienfaits momentanés sur mon être mutique ou délirant. Au sein de ma famille je demeurais aussi transparent que leur secret.