mardi 10 juillet 2012

11 août 2002

11/08/2012 


Nouvel hosto, nouvelle opération. La tension oculaire passe de 40 à 3. Je ne sais plus ce que je viens de traverser. Je n'ai plus de souvenir de ces états comme si dans l'acmé de la douleur tout s'était fait fossile. Restent des bribes, le diamox et les vomissements , la douleur inquisitrice comme un torquemada inassouvi. La peur d'une fenêtre ouverte. Mon œil droit parcourt Thomas Mann, "les histoires de Jacob". Au téléphone quelqu'un me dit "je l'ai lu dans mon adolescence". L'assertion me livre cette assurance du lecteur à s'approprier d'une œuvre faute de l'avoir produite. Je découvre versant dans mon œil unique les tribulations de Jacob-Israël à ce père Isaac, aveugle. Je ne me confronte à aucun père, ma généalogie s'accroche à branche caduque, mes enfants sont rhizomes.Je lis la bible et monologue en secret avec mon ignorance.J'accepte ce qui advient. J'aimerai être capable de penser l'advenu. Comment me constituer un être au monde qui intègre ce nouvel etat? 
Il y a la diminution, ces difficultés à se mouvoir, à saisir, cette distorsion de la profondeur, de la perspective. Il y a peu je m'aventurais à écrire "je ne suis plus de ce monde" traçant par là l'écart entre mes pensées et une actualité tamisée toujours plus par les continues de l'écran-Tv. Ironiquement une vision mononucléaire me recentre sur un essentiel, recomposer une perception de ce qui m'entoure. La douleur, la vue, la possibilité et le vertige de sa perte, la solitude, mes proches. Je me souviens combien enfant, de voir la souffrance, le désarroi, la mort me précipitaient dans des questionnements muets et fondateurs. 


 23/08/02 
La douleur s'est estompée, demeure une fatigue du corps accentuée par les vertiges de mes déambulations approximatives. Mon esprit découvre les dimensions de son autre monde. Je suis comme un enfant qui se hisse sur ses jambes à la conquête de l'immensité et de lui même. J'observe Jade et ses deux ans. Nous sommes dans des trajectoires analogues elle, dans ses premiers pas, moi dans cette autre géométrie. Elle m'encourage, le sait-elle quand nos regards se croisent. Severine gère la maisonnée et la vie des enfants avec ardeur et réussite. Notre relation affective flotte dans un nulle part zen que je ne cherche plus à dénouer. Si la frustration était source créative à mon être, je serai dans une situation optimale. Mais il n'en est rien.