dimanche 18 septembre 2011

26 aout 1880 / Antony and The Johnsons - Crazy In Love




près du marché saleya à nice côté opéra, une pierre gravée signe la présence en ce lieu de frédéric Nietzsche. le lieu a résisté aux années si bien que l’idée de voir surgir l’homme m’a souvent amusé en passant aux parages. J’aime ces clins d’oeil de l’histoire rendant perceptible la tranche d’un passé portée par un autre.
Hier dans une incursion à cultura pour commander des livres pour anna venezia ma main a saisi un livre de correspondances , “lettres à lou” de guillaume apollinaire et l’ouvrant négligement ai entrevu “nimes le 20 octobre 1914”. Cela m’a suffit pour l’acheter. Je suis dans cette “douce folie” de trouver un sens entre des mots et mon esprit aride.
La correspondance d’apollinaire parsemée de poèmes est une invitation à percevoir le travail de l’amour dans le corps, cette magie de nuits éveillés à chercher l’autre entrevu, rêvé, sans cesse espéré et l’écriture toujours vaine à combler son absence quand étreindre devient le verbe transitif de chacune de vos molécules.
L’amour, le désamour, le manque et le besoin, là entre mes mains. Je n’en ai rien dit à Jade toute à sa recherche des bons pinceaux pour son cours d’arts plastiques. Jade a ce rejet enfantin des livres mais aussi le goût de la récitation. Très tôt nous avons convenu que “réciter” réclamait une estrade. Ce fut donc la table massive de la cuisine où je la hissais. Père spectateur, j’écoutais. La voix devait porter, le visage et le corps exprimer. Une enfant apprend vite quand elle sent devoir convoquer toutes ses forces .
Rapidement elle excella, avec cette capacité de faire vivre la narration.
Je n’avais pas encore réussi à lui faire comprendre combien les livres recélent plus que de l’expérience, combien ils deviennent des confidents par ce qu’ils vous offrent de leurs secrets de page en page comme murmurés. J’étais un père naïf et j’avais face à moi la puissance de tf1 et des chaînes de la tnt. Secret story resterait plus captivant que “lettres à lou”. J’avais opté pour le non directif, marquant l’interdit pour la dilution devant cette émission vulgaire et insipide dans cet appartement et sachant qu’elle se précipiterait devant l’écran dès qu’elle serait chez sa mère. nous ne controlons rien ou si peu, de la vie , de nos vies. Ce que nous transmettons et ce que l’autre choisira, greffera, assimilera, détournera. J’ai lu dans la nuit par saccades m’endormant me réveillant, je pensais à ces correspondances qui jalonnaient mon existence, cette fébrilité à écrire à être auprès de l’autre, à tenter d’incarner, de dessiner sa prèsence au bout des doigts.
Sans souci de la performance, de l’efficience et de l’efficacité ; avec même ce sentiment laminant de l’inutilité mais poussé par cette nécessité intérieure et vitale de témoigner de ces instants d’une transcendance puisée à l’existence de l’autre qui vous tient éveillé et vivant, blessé et vivant , désespéré et vivant et cela peut se nommer “de l’amour”, de la folie (ou plutôt de l’a normalité si le mot normal convient à un état “dépassionné”). A lire le grand poète, à parcourir sa biographie, je sais que l’amour ne fut pas une constante ou du moins être aimé comme il l’eut souhaité ne fut point au rendez-vous.
Si le talent n’est pas une garantie d’attractivité, mon être imparfait n’en trouvait pas pour autant de soulagement. Que cherchais je vraiment? Longtemps je crus à quelque chose qui s’apparente à la reconnaissance puis après ma trahison je cherchais en l’amour une sorte de rédemption, la naissance de l’enfant me fit croire enfin à l’épiphanie las ce ne fut que le purgatoire. Comme un ressac, le vague à l’âme, corps dans le roulis et l’esprit dans ce vertige de l’inconfortable aspiration. Apollinaire dans ce long écrit entre nimes et nice des lieux si familiers et des séismes aussi. Rue de la biche/cours saleya, je feuillette porté par ces écrits enflammés et pondérés du quotidien du soldat apollinaire, nous sommes en 1915, blessé à la tête, un an plus tard, il ne survivra pas à cette guerre et son amour pour Lou ira s’effilochant, reste la volumineuse correspondance et des poèmes.
“L ‘amour est libre, il n’est jamais soumis au sort
O lou, le mien est plus fort encore que la mort
U n coeur, le mien te suit dans ton voyage au Nord
L ettres! Envoie aussi des lettres, ma chérie
On aime en recevoir dans notre artillerie
Une par jour au moins, une au moins, je t’en prie
Lentement la nuit noire est tombée à présent
On va rentrer après avoir acquis du zan
Une, deux, trois... A toi, ma vie! A toi mon sang!
La nuit mon coeur la nuit est très douce et très blonde
O Lou, le ciel est pur aujourd’hui comme une onde
Un coeur, le mien, te suit au bout du monde
L’heure est venue. Adieu! l’heure de ton départ
On va rentrer. Il est neuf heure moins le quart
Une...deux...trois Adieu de Nîmes dans le Gard
4 février 1915”
Sur cette pierre qui marque le passage de frédéric nietzsche est mentionnée (il me semble) sa rencontre avec Lou! Une autre Lou.
Lou Andrea Salomé, une rencontre de trois êtres (Lou, Paul Reé et Nietzsche) , un autre amour impossible, qui plongea le philosophe dans ses abysses