mercredi 29 décembre 2010

2 janvier 1955 /The Doors - I looked at you


je regarde en arrière. J'avance l'esprit et non l'oeil dans le rétro. Combien de fois me fut-il fait ce reproche "de vivre dans le passé" dans une vaine nostalgie. Je ne tins jamais compte de ces remarques.
Me suis toujours inscrit en faux à ces dires dont le bon-sens comme souvent plongeait dans une simplicité affligeante. Le passé est notre premier savoir, les failles de notre passé, notre seul étalonnage. Dans cet état d'ignorance dominante où glissent nos existences, le futur s'avère l'inconnu, le présent l'à peine palpable. Le passé, la trame parcellaire de souvenirs approximatifs.
Nous gardons les parfums qui nous font toujours cheminer sur tant d' "étaient", des séquences 24 images/sec dansent dans nos esprits comme autant de clignotements sur cette berge au loin que nos corps ont atteint et dont le reflux, lame marine du temps, nous déporte à jamais.
La nostalgie n'est pas forcément de l'ordre du larmoiement, de la plainte.
Elle vous vaccine du doute sur "ce qui a été", de ce qui ne sera jamais soustrait. Elle vous murmure ce dont vous êtes capable, ce dont vous avez été capable dans ces temps d'innocence.
Elle vertèbre votre savoir de l'expérience de cette traversée, elle vous parle de la haine, de la vengeance, de ces blessures ontologiques qui balafrent votre être et terrorisent votre pensée. Elle vous guide vers la résilience caminando sur le long précipice de la folie.
La nostalgie a la vertu du blues, elle vous prend corps et âme, ne livre nulle vérité, seules des bribes, ces pointillés salutaires qui vous aideront à vivre un jour de plus.
Elle sera menteuse si vous n'y prenez garde ou si vous préférez vous épargner. Et là dans le marécage du refoulé, ne restez pas seul pour en réchapper
.
Le 2 janvier, elle naquit. Je regarde parfois une photo de ses premières années, dans cet espace familier où je la vis grandir de loin. Dans ces temps de l'enfance, le mot amour n'existe pas. Je la voyais passer tenant la main de sa jeune mère, l'une enjouée, l'autre radieuse. Nous vécumes à portée de regard dans des familles écorchées. Moi dans le mensonge, elle, dans la fureur de conflits parentaux irrigués par l'alcool. J'étais naïf, elle était pressée. J'étais craintif, elle, déterminée. Nos révoltes étaient aux antipodes, la mienne livresque, la sienne existentielle. Ce ne fut pas qu'un temps idyllique, ce fut souvent pour elle, souffrances et larmes et ce souffle aléatoire qui jouait avec sa vie. Eûmes des apogées et des certitudes de fin. Des nuits sans sommeil dans l'extase et l'angoisse. Ne parlâmes jamais de futur et nos enfants ne purent naître d'un commun accord. Elles rencontra d'autres hommes et femmes aussi qui l'aimèrent aussi et peut être mieux.
Il me laisse sans repos. De quel droit, invoques tu ma mémoire! De quel droit témoignes tu de mon passage. De quel droit , joues tu avec le trouble de ma si brève existence. Pourquoi ces ressassées? Je n'ai jamais eu le temps de goutter à l'amertume des échecs, des glissements, des fins. Osais tu me prendre pour une minette quand je glissais de boîtes en boites sur ces airs rock and roll? Je n'avais ni le temps de provoquer, ni celui d'expliquer. Nuit et jour, la quête du souffle m'imposait l'essentiel. Toi qui fus si près, n'oublie jamais la voie lactée nous séparant quand ma respiration haletait. Que crois tu révéler, qu'as tu pu saisir, je ris de ces images que tu dessines de moi. Mes yeux bridés sans Orient, l'asthme, un yoga pour nul nirvana. Tu n'as rien retenu de mon enseignement. Si pesant était ton corps-fantôme. J'ai lu la terreur dans tes yeux, tant de choses étaient m^lées. Je voyais ma mort dans tes yeux, je voyais ta peur. J'attendais de toi l'énergie de la vie, tu savais combien mon temps était compté. Je suis partie à Paris, tu ignoreras toujours combien je t'aimais, tu ne sauras rien de l'amour, n'ayant vu ce que mon être condamné était prêt à donner. Tu me fuyais et tu fuyais la vie. Tu as oublié tous les secrets qui nous liaient, tous les chemins parcourus, tu as laissé la peur te posséder.
Je suis revenue vers toi, tu as pleuré, il t'a toujours fallu trop de temps pour comprendre. Ce lent travail de l'intellect à sous peser toute chose.
Les regrets, les remords, toutes ces larmes d'aquarelles m'ont toujours fait injure"

vendredi 17 décembre 2010

29 avril/Bruce Springsteen - Hungry Heart 1995


je me demandais quel cadeau faire à une jeune adolescente et restais sans voie devant l’immensité de ce choix dans notre univers consumériste.
C’était ma fille et le peu que je savais d’elle ne me livrait pas de réponse satisfaisante.
Il faut dire que mon questionnement tournait autour d’un présent qui fasse sens ou ouvre un sens ou dise un encouragement, une reconnaissance à sa jeune existence.
Je me sentais toujours surpris par sa personnalité en construction, ces dimensions qui allaient s’étoffant et qui pointaient déjà dans ses premiers pas. Sa tenacité, cette façon d’avoir saisi très rapidement combien la répétion était la base de toute acquisition : essai-épreuve-parfois-échec-essai. Ainsi est elle devenue une cavalière émérite mais sa personnalité est émérite. Son mental même fragile, en formation, en quête de tant de questionnements, de doute mais curieux, ouvert même si encombrés d’a-priori est un “cogito” dynamique, affranchi de biens des peurs et affamé et curieux.
Curieuse, oui je crois en sa curiosité. N’est on pas forcément curieux à l’aube de la vie? Je crains que non. Je crains que les vérités assénées aux enfants comme autant de slogans -mode de vie les cloître dans des postures qui assèchent leurs esprits.
Je me suis toujours dit dans mes premiers temps de père que la première transmission à percevoir, à intégrer comme fondement à la vie était le manque.
Non pas un manque frustrant mais une dimension stimulante qui taraude notre esprit trop facilement en jachère. Je n’épiloguerais pas sur mes états de service en tant que père. Je laisse à d’autres et aux enfants le dernier mot. L’idée qui me guide toujours n’est pas de programmer dans leurs esprits une ressemblance, une continuité mais de bricoler leur singularité à l’aune de ce qu’elles perçoivent. Enfant, j’ai eu droit à une grande liberté par indifférence, par cette “origine de bâtard à cacher” et mon ingénuité fut mon chemin de résilience et de survie. Je ne reproche pas aux adultes de ma famille leurs incapacités à parler. Il n’y a que la méchanceté et la volonté de nuire que je n’absoudrais jamais!
Cette liberté peut être guidée tout autant en conscience, prévention, attention et finalement cette ligne partagée avec leur mère me la rendra toujours aimable, séduisante même à cette croisée de chemins qui nous éloigne.
Ne pas assainer de vérités sur ce monde complexe pour qu’elles cherchent l’une et l’autre, leur voie, leurs valeurs, leurs savoir à parfaire , leur éthique à vivre, leur personnalité à embellir et à aimer pour aller vers les autres car ainsi est la vie.
Sur ce je vais chercher un cadeau à l’intuition comme d’hab!

mardi 14 décembre 2010

14 décembre 2010/The Clash - London Calling


De la vie, me plaîsent les rencontres.
Cet inattendu de la rencontre où l’autre vous apparait, surgissement d’une île dans l’immensité d’un océan.
J’ai souvent eu ce plaisir de croiser sur ma route des êtres dont les traits,
la voix, la vitalité ont alimenté le fil ténu de mon être au monde,
puisant inopinément là où mes racines asséchées n’avaient su trouver.
Suis un rhizome, gingembre, plus que chêne, bambou pour le coup plus que cèdre.
Je m’avance, me suis toujours avancé dans ces connections de rencontres du hasard où celui-celle qui surgit vous apprend de la vie plus qu’une généalogie aurait pu vous donner.
Être attentif à ces surgissements, observer, regarder, écouter, la cueillette vient toujours, savoureuse.
J’ai toujours intuitivement perçu ces rencontres comme les seules “terres promises”,
les seuls eden à partager.
L’autre comme un ravissement et un enrichissement de par sa seule et simple existence. Que ses mots, sa musique, son ardeur ou son désespoir vous livrent. Humain simplement humain, sans masque, sans jeu de séduction comme dans le coup de foudre amoureux : par sa seule et simple existence.
Souvent en l’ignorant même, des êtres croisés dans ces flux de l’existence
ont glissé dans mon âme inexperte du sens, dans une transfusion immédiate,
un don du sens.
Par leur dynamisme ou leur joie, leurs engouements ou cette humilité en bandoulière à leur grand savoir.
Ma mémoire a un panthéon particulier de héros vivants et morts qui sur la vie vont me guidant.
Ils font partie de moi, sont ma culture et mes valeurs, anges tutélaires, scintillements stellaires dans mon obscurité. Livres vivants de ce savoir si particulier que chaque être engrange dans son continuum naissance-mort.
Il est des êtres qui m’enseignent le courage dans un simple regard
Il est des êtres qui sèment en moi leur épopée de joies et de souffrances
et il ne faut rien retrancher
Jamais une question d’âge, aubes ou crépuscule et cette faim constante de découvrir,
de partager, de ne pas se soumettre.

samedi 11 décembre 2010

19 fevrier 1993/Pink Floyd-Wish You Were Here





R.I.P.
Repose,
repose pour ces siècles sans repos que les métastases t'ont imposé.
Repose, pour cette torsade du temps sur ton corps choisi :
Fémur gauche, clavicule droite, vertèbre d7, pancréas : sablier de la douleur
& tes yeux visionnant le fléau de l'intérieur.

Père,
je prononce ces deux syllabes anodines,
ta respiration saccadée me répond.
Père,
leur écho & ton souffle refondent l'essence du mot.
Père, mon murmure s'élève comme un mantra chambre 203-

Corps d'Abraham sur l'autel
dans un scénario inversé qui t'ôte/todt à ma vue & je ne suis pas Isaac & tu n'es pasAbraham-


Dans les méandres hermétiques de la phrase, le sens caché.
Père,
en mon esprit des visions m'agenouillent.
Père,
j'ai vu tes larmes, mille fois saintes,
emporter tes rêves sans retour.
Tes lèvres asséchées
s'insurger contre le sort & l'impuissance de tous
dans des prêches muets & sans illusion.

Je t'ai vu m'accueillir à ton chevet
& tu savais que je ne te tirerai pas de ce mauvais pas
& tu me souriais quand même.
Père,
saurai-je aimer ainsi?

REQUIEM : j'ai vu la mort conquérir son mental qui résistait à la frayeur/inventant des parades magiques
pour surseoir ou conjurer l'inéluctable.
J'ai vu avec quelle attention il plaçait près de son lit une statuette en plastique, inattendue Vierge Marie
qu'il ne voulait pas perdre du regard & j'ignorais la vertu de l'objet mais devinais qu'une femme priait pour lui
& qu'il priait avec elle. J'ai vu plus tard un bout de ficelle en écharpe sur la statuette, un inexplicable bout de ficelle revenu avec un pyjama prêté à un voisin : -lien entre deux êtres noués dans la souffrance-
J'ai vu la photo d'identité d'une "grande-petite-fille" qui lui avait écrit & il cherchait à la placer dans la montre à gousset de grand -mère, histoire de préserver l'inaltérable. Elle se prénommait Laetitia & Gainsbourg chantait -L/A e dans l'A T I T I A!
J'ai vu la mort coloniser son corps amaigri & fragile.
J'ai vu la morphine broder son imaginaire de fil de péche que ses mains embobinaient avec soin
jusqu'à ce qu'un éclair rémanent de lucidité le fasse sursauter & le rende définitivement perplexe sur son état.

J'ai vu la douleur se rire des cocktails antalgiques & le traquer sans répit, tordant son corps en quête d'une position de moindre souffrance.
J'ai vu ses yeux fixer la porte dans l'attente de l'ange blanc
qui le délivrerait : un moment.
Et sa prière montait quand la sainte à la seringue entrait
"ô faites moi dormir"
& l'ange pâlissait en répandant la délivrance.

J'ai vu un homme courir les routes à 5 h du matin, le 25 décembre pour trouver un médecin.
Et ce même homme vint 55 jours durant par ce qu'il se disait son ami.
J'ai vu un autre faire plusieurs milliers de kms pour assister sa soeur dans cette épreuve & c'était aussi son ami. J'ai vu un troisième chercher un roi crétois dans le dictionnaire pour compléter sa grille de mots croisés : c'était son médecin de famille, il se tenait en retrait tandis que sa femme parlait à Marcel. C'était un dimanche.

J'ai vu son corps lutter, armé de sa seule patience, de l'amour de sa compagne,
d'un espoir insensé en un Eden en Corrèze.
J'ai vu son corps s'imposer des marches jusqu'à la salle de détente,
transpirer & fier de piètiner les termites qui le minaient.
Et il disait son espoir pour qu'on aît de l'espoir.
J'ai vu un ange blanc passer chaque jour dans sa chambre à la fin de son job.
Elle venait du Nord, aimait parler italien & chantonnait dans la journée.
Pour lui un rayon de soleil dans sa nuit!

J'ai vu comment les métastases le travaillaient
dans des harcèlements asymétriques l'acculant sur la couche.
Et il se redressait grimaçant, refusant la défaite,
se levait, passait son peignoir
dans un geste de torero blessé mais debout.
J'ai vu sa volonté inventer une dernière parade pour se déplacer.
Positionnant sa béquille
à équidistance de ses jambes & grappiller les centimètres
dans une translation isocèle.
J'ai vu son corps jaunir comme un antique papyrus
& il n'était pas nécessaire de décrypter le sens.

J'ai vu la faim le déserter tandis que de saintes femmes lui préparaient
du gratin de courge, des tartes à la courge
par ce que c'était saison & tradition
par ce que c'était ce qu'il aimait : avant!
J'ai vu son appétit reprendre
& sa femme coupait fin un faux filet & il en mâchait trois bouchées
interrogeant d'un "Ai-je-bien mangé aujourd'hui?"
J'ai vu son odorat lire à distance le plateau-repas avec précision
& parier avec humour que c'était immangeable & c'était immangeable!
J'ai vu trois mages lui apporter des mandarines, du nougat, de la tisane
& c'étaient de saintes femmes!
J'ai vu un de ses amis, désemparé devant son corps alité.
Demander ce qu'il aimerait & la voix déjà lointaine murmura "des mandarines"
& l'homme revint avec des mandarines.
J'ai entendu ce même homme pleurer au téléphone.
Lui aussi, mille fois Saint!
J'ai vu une femme venir s'enquérir de son état
parce que "les amis de la forêt" ne le voyaient plus promener sa chienne.
Elle ignorait son nom, l'appelait "Monsieur Celia" & il fut heureux & surpris du témoignage!
J'ai vu un de ses complices lui rappeler d'homériques parties de pêche
& son enthousiasme cherchait à faire des miracles
tandis que Marcel entre douleur & morphine
écoutait le conteur sans mordre à l'hameçon
mais heureux d'avoir vécu ces moments!

J'ai vu son regard en arrêt sur image lors d'un téléfilm US.
"Achève moi" criait un marine, corps scié par une mine
& je ne pouvais pas zapper car il tenait la télécommande!
Je l'ai vu répondre brillamment à "Questions pour un champion".
Il riait de sa vivacité & de notre stupéfaction
& je l'ai disqualifié pour prise abusive de produits dopants.
Ce fut notre dernier rire partagé!

J'ai vu sa femme lui adresser des messages du regard & il cherchait sa main
& je les ai laissés à leur dialogue secret!
J'ai entendu sa voix approximative
faire la chronologie de sa maladie à des médecins plus ou moins attentifs
& leur diagnostic sans appel! Et je me souvins des marches qu'il s'imposait
sur le conseil d'un cancérologue qui lui diagnostiquait une arthrose.
Je l'ai vu vouloir croire en la compétence d'un autre & il l'attendait tandis que le susdit téléphonait qu'il ne pouvait pas se déplacer, qu'il travaillait 16 h par jour, qu'il ne pouvait plus rien faire!
J'ai vu son visage convaincu d'avoir été abandonné dans un parking mal aseptisé
& il n'avait pas tort!
J'ai vu un médecin anesthésiste faire 15 kms pour le soulager des douleurs à la clavicule & au fémur
mais il ne put rien faire quand les métastases flambèrent le pancréas.
Pour lui, il fut le seul messie!
J'ai tenu sa verge dans l'urinal tandis qu'il s'efforçait de rester assis au bord du lit
& sa pudeur aussi l'écartelait. J'ai vu ses jambes le trahir tandis qu'un coup de fil chaleureux le rappelait à la vie
& sa voix eût la force de remercier.
J'ai tenu sa verge dans l'urinal 48 h plus tard, la douleur l'immobilisait & j'enfonçais le réceptacle dans le matelas pour éviter qu'il ne déborde.
J'ai vu son visage au matin , tatoué par la frayeur d'être tombé
& dans l'hallali il implorait mon regard fixé sur les ridelles du lit,
la boucle se bouclait & mon désarroi à dix mille lieux du sien!

Je l'ai vu demander la date & l'heure & le moment d'après tout semblait effacé.
Il refusait le moscantin, certain de l'avoir pris & il était inutile d'insister!
J'ai vu lors d'un soin, son corps endormi se réveiller sous la douleur d'un geste malheureux d'une assistante & son corps martyr criait "au secours, au secours" frappant de sesderniéres forces d'innocentes jeunes -femmes, tandis que l'infirmière en chef veillait à ce qu'il n'arrache pas sa perfusion & je pleurais en tenant sa main, de désespoir, de rage, d'impuissance & sa femme pleurait aussi!
J'ai vu sa bouche happer l'air sur un tempo d'enfer & j'imaginais que son coeur allait exploser & la nuit fut martelée de l'insoutenable pulsation jusqu'à ce que le médecin de garde modifie le traitement.
J'ai entendu un médecin lâcher à 2 m de son lit : "dur, dur ", son dernier diagnostic. Un autre , le soir jouer du stéthoscopepour se donner une contenance & apostropher l'infirmière qui aspirait les glaires du mourant d'un "bon courage" & : sortir. Cette jeune femme mille fois sainte!
J'ai vu un soir un médecin que j'avais tancé, venir l'ausculter. Le corps endormi respirait avec difficulté.
Il nous demanda de rester assis tandis que la tête penchée près de celle de Marcel, il psalmodia le "confiteor".
Nous étions sans voix & les poumons de Marcel reprirent leur oxygénation.
Puis il vint vers nous, nous expliqua qu'il n'avait pas d'explications, qu'il avait pensé que nous étions catholiques & qu'il aurait dit une sourate si nous avions été musulmans. Il était juif tunisien.
Lui aussi, mille fois saint!
J'ai vu l'aube du cinquante cinquième jour se lever comme un crépuscule
tandis que son dernier poumon oxygénait le corps symbolique.
Je reçus son dernier courrier, une carte postale calligraphiée de tendresse.
Il avait depuis longtemps anticipé ce contenu que ses yeux ne liraient pas
& les larmes de la jeune fille qui avait écrit.
J'ai vu deux aides soignantes laver son corps avec délicatesse, le parfumer, le raser, enduire ses jambes de biafine, nettoyer sa bouche encombrée & il était dans un sommeil profond.
Ces deux femmes mille fois sainte!

J'ai entendu son souffle syncopé comme un kaddish singulier fredonner son attachement à la vie qui le fuyait!

J'ai vu sa respiration ralentir , se suspendre
tandis qu'une jeune femme essuyait la transpiration sur son torse
j'ai entendu la respiration repartir d'un râle bruyant
& la jeune femme surprise, cria, recula, sortit, revint, prit le pouls
& son regard dans mon regard déposa l'essentiel.

J'ai vu son cercueil de bois passer
sous l'immense croix en béton de l'église Saint Charles de Rocheville
dont il avait fait le ferraillage
& je pensais à tous les bâtisseurs de cathédrale
partis comme lui dans l'anonymat de l'éternité
& le prêtre ignorant l'anecdote poursuivit son oraison.
REPOSE!
tandis que notre mémoire veille & raconte
ton passage trop furtif!
R.I.P.

vendredi 10 décembre 2010

10 decembre10 /Polly - Nirvana (Paramount theather)


suis allé à la sortie du service, l'esprit un peu désenchanté, oh pas tant d'avoir buriné
contre un mur, histoire de retaper un portail mais avec l'esprit encombré de constats paradoxaux.
Je délaissais celles qui m'aimaient et restais entiché de celles qui ne m'aimaient pas :
historiquement , tel était le constat.
C'est drôle combien une activité manuelle peut aussi vous propulser dans des réflexions sans fin.
Je burinais sur mon échelle mangeant poussière et ressassant le fait.
Ainsi suis-je, ainsi étais je, ainsi avais je été.
Quand au futur mon esprit ne vagabondait pas si loin.
En mettant une méche de trente sur le perforateur, je fus éjecté subitement de l'échelle : la mèche se bloquant entre deux pierres.
L'instant du saut me revint à l'esprit un cas semblable qui avait séjourné
la semaine précédente dans le service et que j'avais accueilli d'un commentaire muet style "ah ces bricolos"! Lui au moins semblait être aimé. Quoique quand un mec me sort "ma femme va me faire la toilette", j'ai quelques suspicions!
Soyons pros, je récite toujours le credo : "pas de jugement de valeurs".
La soirée avait été sympa, les chirurgiens la marquaient de leur présence et de leur générosité.
Nous pouvions nous sentir honorés ou du moins apprécier qu'ils reconnaissent le travail de l'équipe dans les drôles-pas-drôles conditions de notre quotidien. Mais il y avait eu moins de délires que l'année précédente : tracas, fatigues, absences pour cause de fatigue et ce spleen bizarre qui m'étreignait.
Je devenais vieux, m'essoufflais vite sur le dancefloor, m'essouflais vite tout cours, 1500 mots maxis et les trois quart à élaguer, lectures jamais finies à peine commencées.
Je rajoutais une lichette de gin dans le thé vert au miel qui abreuvait ces lignes. J'étais un garçon qui avait de la chance, je voyais toujours les verres à moitié plein et l'idéet de les vider satisfaisait déjà ma soif. Demain krykry reprendrait son tour à 6 h 45, elle était là after midnight à danser sans y penser. Delph qui allait accoucher bientôt, initiait la "future princesse " à son premier nightclubbing, elle aussi était là.
Etre là, le principe de l'ange, assurer la continuité sans compter le temps, les heures de repas différées, effacées: être là : une équipe. Même un peu las, j'étais heureux d'être avec "celles qui donnent sans compter".
Et dire que Nirvana, je ne connaissais pas!

lundi 6 décembre 2010

Natasha Atlas - Mon amie la rose

http://www.youtube.com/watch?v=94f2exI6yF4&feature=related

24 h en deux jours, un week end en chir D : call me jaquou beau erre
Soyez rassurés je ne vais lever aucun secret professionnel et ceux et celles
qui savent, sauront que ce fut comme d’hab : un petit enfer!
Avons terminé les toilettes matinales à 14 h passées mais dans ce temps métronome
où la plainte est le credo compréhensible et le silence, une suspicion potentielle je naviguais pensant par instant à des flashes de mon existence, de ma présence en ce “lieu médicalisé”. J’étais un gonze de 58 balais, l’oeil narquois avec son carquois d’illusions toujours bien acérées, ayant trop souvent joué à baiser et être baisé au propre et au figuré et gardant vive curiosité sur les choses de la vie.
Je ne me considérais pas comme un soignant plus comme un aidant.
Cela me permettait d’entrer dans une chambre et de m’entendre dire à la vingt quatrième heure “qu’est ce que tu viens me casser les burnes , je te chie à la raie” sans considérer que c’était là une agression délibérée à mon encontre mais une mise en tangence avec la vie de M. Robert, toute aspirée dans les rets d’un passé hasardeux et agité. La chambre était toute enneigée des restes d’une protection somme toute trop contraignante et le lit un front de bataille plus qu’humide et “boueux”.
Nous aurons tous nos tranchées pensais je en mon for intérieur mais je serrais un peu les dents tant faire la toilette de Monsieur Robert trois à quatre fois par jour saturait mon “cogito”.
“Je ne viens que pour vous laver Monsieur Robert murmurais-je force dix à son oreille” et le nonagénaire vigoureux me répliqua “je paierais, je paierais, je n’ai pas l’habitude de ne pas payer”.
Cette idée me fit sourire. Je me mis à penser au patron de cette “étape-hotel”, c’est ainsi que j’appelle cette structure de soins le week-end, allongé à la place comme un roi-nu balbutier la tirade! J’étais crevé mais avec le sourire. Monsieur Robert m’aida tant bien que mal à le sortir de ce bourbier, il était à J 8 de son opération et le miracle était qu’il ait évité jusque là : la luxation.
Nous sommes “peu de choses et mon amie la rose me l’a dit ce matin”. La beauté de ce métier mais aussi sa complexité tient aux rencontres offertes, à cette soudaine intimité, à ce partage parfois direct, sans masque avec l’autre : allité. Ce possible ne surgit généralement que dans la rencontre amoureuse, dans cette mise à nue des consciences vers la confidence de l’amour. Il est perceptible dans notre quotidien, avec des êtres sur lesquels nos regards ne se seraient pas arrêtés tant nous discriminons les visages dans cette vitesse de nos vies.
Celle à qui je pense avait rejoint l’armée d’Afrique dès l’appel du 18 juin, en pleine jeunesse, à des risques et périls. Il y a des engagements peu commun que nul cv ne résumeront. Ses enfants autourd’elle : gardes du corps, la coiffant, l’encourageant avant l’épreuve.
Je crois en cette beauté pérenne des jeunesses rebelles!

mercredi 1 décembre 2010

27 novembre-Melanie Pain - Love will tear us apart cover live au 3 Baudets Paris 2009



mes pensées comme des cométes traversent mon sommeil jusqu’à m’éveiller quand leur “queue” se fait incandescente. Il devait être 3 h 30 et la perspective d’une journée au taquet
me fit tirer la couette par dessus ma chauve tête. Las les brûlures des cométes incendiaient mon sommeil sous la toile -refuge. Me levais brusquement. Faire contre mauvaise fortune bon coeur” disait ma grand mère. N’ai jamais apprécié l’éphéméride de ce bon sens.
Les cométes n’étaient pas sans visage ou du moins leurs traits-traces dessinaient visages familiés. Je venais de retrouver un manuscrit envoyé 15 ans auparavant par une amie très chère. Elle y avait joint un mot “je t’envoie ce manuscrit de ce “Tour du jardin” en souvenir de ces temps de détours et retours avant l’Avancée. Je t’embrasse. Muriel
Je n’avais pas lu le mot ni relu le manuscrit que j’avais vu naître dans autres nuits sans sommeil. Mon esprit était dans l’émerveillement d’une autre naissance qui allait me faire “père”.Les négligences se payent souvent cash. Non que je ne mesurais pas la délicatesse et le sens caché de ce présent mais tout à cette nouvelle vie, à cet amour nouveau, radicalement nouveau puisqu’à l’épreuve de la paternité, je balayais avec cet irrespect vingt années d’un amour non feint. Ainsi étais-je, ainsi suis-je. Le dire n’est pas une contrition et c’est là que l’incandescence des cométes interrompit mon sommeil. Roméo opportuniste, la boussole rivée aux tripes et gilet de sauvetage quand la barque coule. Triste sire! UNFUCKED.
J’étais à n’en point douter un spécialiste des naufrages. Some are born for sweet desire, some are born for the endless night chantait morrison et d’autres rêvent de doux désirs dans des nuits sans fin en évitant l’ennui sans fin.
Je ne sais pourquoi mais une phrase me taraude comme une vis sans fin. “Veux pas payer le prix”. Je veux sans l’effort, sans cette énergie à consummer pour l’entreprise. D’où ma fascination pour le jeu faute d’un je enraciné. Le jeu et la perte. Dans l’amour, j’ai toujours été captivé par le déréglement des sens dans ces moments de découverte de l’autre et dans la menace de la fin, d’un rejet. J’ai toujours opté pour des êtres qui me promettaient les deux. Bizarrement le paroxysme me fut offert très tot par la perte réelle et plus tard, bien plus tard dans le basculement dans l’indifférence, dans-un-je-ne-t’aime d’une vie côte à côte aux antipodes. Le rejet n’est pas sans intérêt. Il dessine le périmétre de votre être par une soustraction non approximative. Un être frontière, certains iraient jusqu’à dire “borderline”. Pourquoi pas. Savoir le possible de sa folie quand d’autres cultivent jusqu’à la folie leur normalité dans des postures multiformes amants-époux-maris-professionnels de la profession-hétéros-membres du club-gentils-homos-revant-d’un-mariage-et-chose-nuptiale et le tout pourrait être tourné au féminin.
Dans cette nuit la cométe m’interrogeait sur ce qui me faisait faillir après avoir défailli.
Ou plutôt me faisait buter sur ce terme du message “avant l’Avancée”. Parlait-elle de son avancée, de la mienne, de la notre a-paralléle et non ensemble.
Va-t-on vers un meilleur, la notion de progrès baignait dans son océan de relativité? J’avais survécu si longtemps dans une trajectoire à tatons, comme si l’excés d’évidence m’était insoutenable. Esclave et sa caverne, esclave dans sa caverne, esclave de sa caverne ; l’architecture de la phrase livre tant de possibles.
Si tu n’es pas un cadeau, si on te le dit et le répéte: dis toi et je me le suis souvent dit, alors le devenir en se soustrayant. Acquitter la dette, supprimer le dû. Dans cette économie amoureuse,
où soustraire devient le plus. Pour l’autre et pour soi.
Il n’y a que la mort qui étalonne la réalité de ce que l’on éprouve pour l’autre.
Si l’on pensait les notions de “jalousie”, de “fidélité” à l’aune de la mort de l’autre, seraient déblayés bien des dèlires, des péccadilles et des enfantillages.
J’avais dormi peut être quatre heure et me sentais étonnament léger pour accueillir le jour nouveau dans ces “couloirs de la souffrance”.