jeudi 25 septembre 2014

24/9/2014 Me, myself and Aïe

j’ai décapsulé la despé et allumé le cigare. Je sentais cette drôle de colère comme une ancienne ivresse et j’eusses pu détruire tout objet passant à ma portée. 
Je me suis mis au clavier pour me raisonner et canaliser ce flux vénéneux qui parcourait mes veines. 
J’étais encore en guerre contre moi et le constat me rappelait combien ma pensée était gangrenée. 
Il ne faut pas en vouloir à autrui d’être nié, répudié, ignoré, méprisé mais questionner ce noeud gordien en soi qui vous a invité à faire de l’autre la pierre philosophale de votre existence momentanée. « Cette voie métaphysique » vers le graal de son être.
 J’avais failli comme écrivain mais là n’était pas la source de ce courroux. Créer nécessite une prédisposition en une croyance, un message à asséner ou un univers intérieur à délivrer. 
Je n’avais ni sur moi ni sur l’existence la moindre certitude. En moi se lovait la broyeuse de mes illusions et de mes vaines croyances. Elle n’avait nul visage seules les serres de ces oiseaux de proie qui tournoient au dessus des charniers. Elle avait dépecé mon langage laissant à vif l’animal frileux que j’étais devenu. 
J’avais voulu survivre, à tout prix, j’avais choisi la fuite, plutôt que le combat et le bonus de ces quarante années avait le goût âpre du sable dans la bouche. 
Les épreuves offrent à chacun l’opportunité de s’amender mais encore faut-il dénouer le flux qui vous a fait défaut. 
Vers 18 h 30, ce jeudi 24 septembre, j’avais trouvé le qualificatif, ce juste au corps qui habillait au plus près mon être et ce qui me surprenait était que le mot à l’écart de mon glossaire habituel me taillait un costard inattendu et loin d’être saillant était seyant.
-j'étais : VEULE-

Les volutes du cigare délivraient des messages imprécis, la bière citronnée encrait des visions désespérantes de mon être. 
Je me voyais Ulysse loin d’une Ithaque perdue mais je n’étais point Ulysse ni même ce cyclope. 
Mon voyage m’avait entraîné à contre courant du parcours homérique. Je m’étais laissé porter par des alizés opportuns et dans les havres momentanés je bafouillais ma plainte à  des muses abusées, amusées, vîtes lasses de ces couplets. 


En allumant le second cigare, la fumée précisa les contours de ma pensée. Il était temps. Temps de questionner ces êtres bienveillantes qui avaient recueilli mon âme apeurée par la vie par l'amour. Oui dans les volutes se dessinaient comme un questionnaire tentant de circonscrire du mâle, le mal. J'inhalais et allais à l'essentiel. Tout est une question de souffle et de rondeurs de lèvres pour la formulation. Dans mon esprit j'épelais un énoncé synthétique et direct qui signifiait :
 -"mais qu'avez vous aimé, retenu de notre rencontre?"- 
J'orientais ma bouche pour balayer l'hexagone du Sud au Nord afin que le message parvienne à chacune. Je le vis s'élever, vaillant et prometteur lourd comme un de ces cumulonimbus annonciateur d'orages. il disparut de mon champ visuel mais comme un tarpé moqueur me vint en boomerang un pressentiment de réponse qui me scotcha illico : "avons adoré la fin"!
La seconde Despé n'étancha pas ma soif. Et Elvis Perkins entonna "MAY DAY"
















mercredi 24 septembre 2014

round 1995 et faits de mémoire

du passé ne jamais faire table rase. L'invitation à l'oubli du passé dans "l'internationale" m'a toujours intrigué. J'occultais ce couplet. J'ai avec la photo une certaine distance. L'appareil m'embarrassait. Comme les lunettes, les focales devant mon oeil, m'insupportent.
J'observe avec plaisir les clichés que d'autres font me questionnant plus sur les motifs de leur choix, de cet instant t suspendu.
J'ai rarement pris de photos des êtres aimés.
Je suis plutôt tactile.
J'ai eu ce besoin de photographier à l'annonce de la venue de Venezia. Ce fut même une sorte de compulsion. Place jules guesde, je me fis un ami, le photographe à qui j'apportais mes pellicules hebdomadaires et sur mes épaules mon sujet favori.
En ce temps j'imposais à ma vue binoculaire cet exercice arbitraire de cligner d'un oeil et saisir de l'autre dans cet accord de l'index. Je vérifiais mon champ visuel. Et mon ravissement. Etre ravi par l'existence de l'autre. J'accumulais un trésor perceptif et l'enfant cheminait dans sa vie. Plus je cliquais plus je devinais que l'existence entrevue, vérifiée, attestait de mon dépassement.
Emancipé de mon passé.
Une évolution "copernicienne".
Tout acte technique offre son questionnement. Nous sculptons notre perception avec des outils qui nous travaillent. J'ai toujours ce marquage au fer rouge par cette litanie qui accompagnait la moindre de mes entreprises. "ne touche pas", "tu vas te blesser", "tu es trop maladroit", toutes ces petites mises à mort des adultes bien intentionnés. Et faute d'exercices devins et gourd et maladroit mais de l'idée d'essayer, jamais dissuadé.
Mon ami, place jules guesde a depuis fermé boutique.
La photo a changé d'époque





mardi 23 septembre 2014

Marseille début des années 50

parfois je ris en pensant à l'enfant que j'étais. Je ris à la pensée de ce que les tourments peuvent tresser dans la revisitation du réel. J'avais trouvé cette photo dans une valise de Pierrette, mal rangée. Elle avait dû glisser et le verso un peu jauni attira mon regard. Nous étions en 1959.
Je vivais avec Maddalena et une de ses filles, Pierrette, ma tante. Jours tranquilles à Rocheville. Pierrette, "petite Pierre" était la fille de Piètro. Les mots bâtissent leur évidence. Quoique.
Elle est veuve. Je ne connais pas trop le sens du mot. Maddalena aussi est veuve. Ce que je sais est que nous allons saluer chaque dimanche au cimetière Piètro et Claude. Elles me disent qu'ils sont "partis"et je ne comprends pas que l'on aille dans un lieu saluer les absents. Mon esprit simple ne dénoue pas les paradoxes.
Il y a des photos de Piètro a casa, pas de Claude. Pierrette n'en parle pas. Maddalena se tait aussi. Bartholomeo, son frère m'a dit qu'il était mort au Maroc. Enfin, j'ai surpris une discussion qu'il avait avec notre voisin. Ils parlaient de "leur guerre", la grande, la première, il parlait de moutarde, un gaz et Tonton Dinu, c'était ainsi que Maddalena le prénommait, a dit à un moment "cela fait trois ans que Claude est mort à casa..."et m'ayant aperçu, s'est tu.
Casa ? Les syllabes me sont familières mais Dinu les a prononcées différemment. Ce n'est pas la maison. Je pose souvent des questions à tonton Dinu, c'est le seul qui réponde. Le soir, il vient me voir, il m'appelle "Signorino Perchè". Dinu m'a expliqué que Claude avait été tué à Casablanca et qu'il était gendarme. C'est notre secret. En parler, fait de la peine à Pierrette. J'ai gardé notre secret.
Je regarde la photo, l'homme au bras de Pierrette, doit être Claude. Je ne peux pas poser la question à Dinu, il vient de mourir. Je caresse la photo entre pouce et index comme je le faisais avec les bacchantes de Dinu. Je ne peux pas lui dire que je ressemble à Claude. Je ne peux pas partager mon secret





mardi 9 septembre 2014

moi après X mois

nous naissons et blessures certaines.
Être entre les mains, dépendre, cette extrême vulnérabilité des premiers temps m'a toujours questionné.
Comment va se frayer notre liberté au regard de l'inscription de cet état premier de dépendance.
La voix des autres ou leur silence autant de diktats, leurs affects, leurs peurs, leurs phobies, leurs angoisses, tout ce micro-climat des premiers temps dictent aux sens de l'enfant son premier alphabet.
Est ce que je vois celle qui me tient, du moins j'entends sa voix et sa musique comme autant d'ondes me glisse un message bienveillant.
Je l'ignore alors mais cette femme va induire en mon être des pistes à ma liberté.
Je n'ai pas de lien direct avec elle.
Je n'en suis que plus débiteur et reconnaissant.
J'ignorerai ce qui porta cette femme à m'aimer, à être soucieuse de mes premiers temps, d'être là de temps en temps à ce seuil de l'enfance où langage et questionnement réclament la présence de l'autre. Je lui dois un éveil à la vie, je lui dois ce prisme du plaisir à sentir les rayons du soleil sur ma peau, le roulis des vagues en bord de mer, cette étendue marine comme un imaginaire offert à ma généalogie imprécise. Je lui dois ces chemins buissonniers qui défient l'autorité quand l'autorité n'est que prise de pouvoir sur l'autre. Et cette femme si croyante, si soumise à son dieu ne m'asséna jamais son catéchisme. Elle accepta mon athéisme sans retirer son affection.
Je ne reconnais pas ce lieu où entre ces mains, je suis. J'ai trouvé cette photo bien après son décès.
J'ai suivi ses pas dans l'Italie du début des années 60, Chapelle Sixtine et fontaine de Trevi, Firenze, Assisi. Ce qui devait me séduire m'émancipa du poids de la croix.
Je reste étonné au constat de mon esprit paradoxal érodant sa religiosité et restant inféodé aux non-dits de ses origines. Maria qui savait, se taisait. Elle, aussi. Elle m'expliqua que ce n'était pas à elle de parler. Je n'en étais pas convaincu.

Esposto, exposé je regarde cette photo dont le lieu me reste étranger. Je vois cette femme tenant un enfant, exposé entre ses mains. Esposto signifie aussi trouvé. Il fut un temps en Italie où Esposito était le prénom donné  à un enfant trouvé.
Je demeure un être sans nom. Avec ce sentiment de non-nommé-Esposito. Je date mon nom pour l'inscrire dans cette approximation d'une histoire et ressent cet affect brut de délitement : Pierre brisée.
L'idée ne me déplait pas, elle n'est pas infondée et cette brisure défie toute fondation. Etre alors un défi pour soi-même.
Le fait d'avoir des enfants me traverse comme un rire salutaire à cette folie mise en forme un jour de juin 1952 et à laquelle j'ai grandement contribué.





samedi 6 septembre 2014

nata il 23 maggio 1923




j'ai souvent regardé cette photo cherchant des réponses à l'immensité de ce silence où mon frêle "je" était immergé. Ces photos des années quarante ont ce charme du noir et blanc, cette construction d'ombres et de clartés offrant un relief " sculpturé".
Le temps de pause n'avait rien de l'immédiateté : on pausait et dans ce temps suspendu, le photographe construisait l'éclairage de ce qu'il saisissait, de ce qu'il valorisait. Visage-paysage.
Je suis happé par la tristesse, j'ai toujours été saisi par cette tristesse que je décelais dans ce visage où le regard concentrait mon attention. J'appelle tristesse ce que je saisis dans cette fixité guettant un ailleurs.
Il faut imaginer la longueur d'un temps de pause. Vous êtes assis dans une pièce, cerné des spots encombrant de l'époque, le photographe vous donne des indications pour réajuster ce qu'il voit et ce qu'il veut montrer. Vous jouez le jeu et ce que vous focalisez n'est plus alors le studio où vous êtes mais votre intériorité, ce que vous voyez de votre existence, ce que vous pensez de votre existence.
La jeune femme sur cette photo est l'aînée de deux enfants, de parents piémontais. Elle vit en France depuis sa naissance, elle a été scolarisée, ses parents, s'ils parlent entre eux leur dialecte, s'adressent à leurs filles en français. Depuis son plus jeune âge, elle connaît ce qu'est "travailler", non pas simplement le travail domestique mais ce salariat des "enfants" pour aller à l'aube cueillir "la fleur de jasmin" qui sera vendue aux usines de parfum de Grasse. Au jour de cette photo, elle est couturière  dans une maison de couture à Cannes.
Dans ce regard je lis ce que j'appelle une tristesse de "solitude". Je veux parler d'un état tout intérieur, très lié au vécu familial. Elle est l'aînée de six ans. Elle s'occupera de sa soeur et sera amenée à travailler alors que la cadette, portrait de la mère, fera des études. Les enfants de cette époque n'ont pas le droit à la parole, à exprimer désirs et sentiments. La famille est un univers clos, indépassable surtout pour des filles. Les enfants devinent les frictions parentales et se taisent, prises dans des rapports de force qui les dépassent. Les parents sont des émigrés économiques. Plus qu'économiques d'ailleurs puisque l'épouse non reconnue par sa belle famille a orienté leur vie vers cet exil. L'homme a obtempéré. Il a renoncé à son droit d'aînesse, aux terres sur les contreforts de Limone pour exister. Ils sont des "Roméo et Juliette" dont le fol amour vire à l'amour flou. Il faut survivre, c'est l'après première guerre mondiale, ils choisissent un territoire qu'ils ont connu dans leur enfance, tant les piémontais jeunes et moins jeunes venaient comme saisonniers proposer leur savoir-faire. Ils sont agriculteurs, il sera mineur dans les mines de bauxite, elle, Madeleine est d'ailleurs née à La Londe les Maures. La famille s'établira près de Cannes, les filles naîtront et le regard de l'homme cherchera toujours ses terres laissées par de là la ligne de crête des pré alpes qu'il devine.

Je lis une tristesse dite de "solitude" car ce visage ne me raconte pas cette époque de la fin des années trente et la guerre terrifiante. Il ne me raconte pas l'exil des "babi", des italiens "ennemis" en terre de France. Il ne me raconte pas la dureté de ses temps, l'occupation, les rafles, les bombardements, le marché noir. Je lis cette étrange sentiment à ne pas ressentir l'amour d'un parent, le regard d'un parent, l'assentiment d'un parent, la reconnaissance. Je lis un vide, une incompréhension de ce qu'aimer la vie peut signifier. Je lis cette inaptitude à ressentir autrui et symétrie, cet enfermement en soi, dans une citadelle de certitudes hâtives.
Nous ne connaissons jamais l'autre. Nous pouvons le voir vivre, s'exprimer, s'agiter devant soi. Nous pouvons être touché, flatté, atteint, meurtri par l'autre sans pour autant saisir ce noyau constitutif de langage, de mémoires de perçus qui l'incarne. Quelque soit le degrés de parenté. L'autre nous reste inatteignable, je dirais même incompréhensible. Qu'il soit un être aimé ou votre pire ennemi.
Je regarde mon pire ennemi. Sa jeunesse d'alors est séduisante, j'aime le front dégagé la ligne sourcils-nez, les pommettes, le sourire esquissé qui souligne la tristesse du regard. J'aime cette coiffure qui offre un entre deux adolescence-jeune femme et signe déjà en pointillés l'ébauche d'une séduction. Le diktat de l'image ne régit pas encore l'univers féminin. Je me dis que le photographe avait un savoir-faire émouvant, une réelle curiosité, une attention et un respect pour saisir sur son modèle l'expression d'une réelle profondeur par de là ce que je sais de cette personne,. Ce que cette photo, ces photos me racontent disent une grande fragilité, une sorte d'imploration qui me murmure : "regarde moi".


jeudi 4 septembre 2014

jesus died for somedy sins

"Confiteor" 
la religion fut longtemps mon liquide amniotique. 
Il y avait cette scansion désespérée dans la voix 
de grand-mère et ces christs surplombant chaque lit 
et en chaque pièce. 
Il y avait cette peine 
irradiante sur le visage
de Pierrette, sa fille cadette et 
les prières du soir comme 
d'incompréhensibles récitations 
et elle me reprenait 
quand j'entonnais "Notre père qui êtes dans l'arbre".
-"Aux cieux Jamie, aux cieux "- implorait-elle 
comme si elle se sentait fautive.
Un enfant aime à faire plaisir. Je rectifiais.
Le latin des prières avait des sonorités de voyage
à travers le temps, il m'affranchissait 
de cette culpabilité qui agenouillait 
le peuple des croyants. 
J'étais un enfant rêveur 
et crédule et avec entrain je suivais les deux femmes
au village de "ceux qui étaient partis".
Je suivais leur rituel devant le portail,
le signe de croix, la génuflexion et nous avancions
dans ce village déserté où déambulaient des gens en
pleurs, toujours en pleurs.
Nous restions de longs moments devant cette "maison de Pietro et de Claude" et les femmes attendaient leurs hommes qui étaient bien indifférents. Pierrette nettoyait le marbre et vidait l'eau des vases, Maddalena essuyait son visage noyé de larmes, je tenais les fleurs putrescentes et quand Maddalena faisait le signe de croix, je partais en courant dans les allées en chantant à tue tête "voglio morire, voglio morire" et les deux femmes tirées de leur torpeur me couraient après et j'entendais la nonna éructer "zitto mascalzone zitto" et j'étais aux anges.
Le monde "des adultes" offraient ses représentations lapidaires à mon esprit incrédule. Croyances, énoncés péremptoires garnis de bon sens et ces dits d'une histoire encensant les héros du moment. Le catholicisme de la nonna tout mêlé de superstitions invitait à la sujétion ou à cette résistance passive qui la poussait vers le campo santo plutôt que vers la chiesa. Elle était en guerre avec son Dieu comme elle avait du être en guerre avec son homme. Silence elle faisait sur les deux, les unissant devant le marbre froid du caveau familial. Je ne comprenais pas le fond de ce conte de l'homme mis en croix pour abjurer peccati mundi. Je ne me sentais pas en faute et mon attachement aux femmes qui s'occupaient de moi ne suffisait pas à m'immerger dans la croyance. Seuls les chants, les prières trouvaient quelques échos et dans une distorsion de sens, je faisais du Kyrie Eleisson, un chant guerrier et mon stabat mater devenaient un stabant matres, une ôde plurielle.

J'eus le privilège d'arpenter les églises de Rome et de Florence. Toutes. Et je ne vis pas la beauté de ces lieux, la grandeur de ces oeuvres. Pire Christ et Madonne m'oppressaient, gardiens muets d'une incompréhensible omnipotence. Regarder, s'incliner dans une infinie reproduction d'un rituel de soumission nommé amour.



-not mine-


cogito 3/9/14




la mémoire traumatique