jeudi 11 décembre 2014

la mémoire et l'amer




j’écoute Ferré quand je sens trembler en moi cet indicible effroi du jet de dés originel.
Naitre ou ne pas naître et n’être. La poésie m’a toujours soutenu devant cet incompréhensible que l’on nomme « la vie ». 
La poésie offre cette tangence, ce frottement léger et vif des mots qui sans livrer un sens unique font sentir la complexité de la saveur. 
Je ne suis pas un être du contrôle. 
Je n’ai pas ce besoin fou d’assurer une image aux yeux des autres, je n’ai pas la naïveté non plus d’ériger le rationnel en loi d’airain. C’est peut-être cela qui suggère parfois que je suis un être faible et manipulable. Oui je suis faible, j’ai cultivé ma faiblesse non pas pour la comprendre. Pour en faire un outil. Ma faiblesse est devenue un merveilleux outil pour comprendre autrui, pour l’accompagner là où il n’ose pas souvent s’aventurer. 
Je reste un être manipulable pour saisir cette geste de l’autre à tenter de vous soumettre dans une forme d’aï ki do improvisé. 
Ma seule ambition a été de vivre un jour de plus et même là le mot « vivre » s’avère excessif, tant il s’agit pour moi de tenter de respirer. 
Tout enfant exerce d’emblée ses sens dans cette immédiateté brute, hors du langage. Il entend des bruits des tonalités, des sonorités et son potentiomètre interne étalonne l’état de vigilance. J’ai eu le privilège de mettre au monde un enfant, de voir sa petite tête forer l’étroit isthme vers la vie vers ce monde et ce qui étaient beauté et émerveillement pour moi restaient efforts et grimaces et effroi/et froid jusqu’à ce que reposée sur la peau et le sein de sa mère, elle crie, s’apaise et sente la chaleur voix et peau et mains et larmes de joie et d’épuisement.
Je n’ai pas eu ce parcours. Ignorant sa possibilité, je n’ai pas eu de regrets. Il serait erroné de conclure que l’ignorance vous épargne. L’ignorance est l’autre face de la violence, elle vient toujours inscrire en boomerang son entame.
J’ai une pensée adolescente, en état de néoténie. Elle n’a pas su dénouer les équations qu’elle énonçait. Je suis un vieil-homme qui anonne à ses filles des invitations incompréhensibles style « lisez, écrivez, il s’agit de votre liberté ». Elles imaginent que mon corps valétudinaire et ma feuille de salaire attestent des effets secondaires alors que mes murmures avouent mon indigence et mon refus de l’étude. Pour paraphraser René Char : - faut-il que leur héritage ne soit précédé de nul testament?-. 
J’ai vécu dans l’aporie du mensonge. Dans ce chaos où le sens des mots « polysémiquent ». Le mot « aimer » aiguisait un état d’alerte. J’étais un enfant méfiant au credo des adultes j’accordais nul crédit. Poétiquement je dirais ce jour que la mer m’a sauvé de l’amère mère. Ma mysoginie tatouait tout mon corps. 
Une femme venue d’Ombrie avec son dieu et ses onguents atténuait la blessure. Elle me hissait sur sa bicyclette et nous allions en bord de mer Palm beach, Croisette, la pantiero, le quai saint pierre, le boulevard du midi. Une femme m’a sauvé d’autres femmes sans m’imposer ses croyances me laissant entrevoir ce que je pouvais être et que je ne vois toujours pas. A sa peau parfois la rosée d’un parfum nommé « Je Reviens ».



mercredi 10 décembre 2014

8 décembre 2014



A 23 ans, dans la France occupée par les nazis, il fuit le STO,  fait le choix de prendre la mer vers l'Afrique du Nord et le Maroc. En ce début d'été 1943, il rejoint l'armée d'Afrique qui sous le commandement du général Leclerc va devenir la 2eme DB.
En ce dimanche matin du 8 décembre 2014, les drapeaux de son corps d'armée s'inclinent sur sa dépouille et son cercueil recouvert du drapeau tricolore. L'un des portes-drapeaux devient le dernier survivant de ces cannois qui ont suivi Leclerc.
Qui ont osé lutter quand tout s'effondrait.


Dans mon enfance, je ne l'ai jamais entendu  parler de cette épopée. J'ignorais dans ce clan familial qu'il était le seul "héros". Il ne faut pas se fier aux apparences. Ce grand gars, bonhomme, plus renommé pour son gout pour les échecs que pour ses faits d'armes a osé être un homme debout. Je regarde ses arrières petits fils, émus, en larmes, intimidés et cette timidité à faire l'ultime signe de croix avec l'encens m'apparaît comme la plus juste intuition pour que le sacré ne soit pas un geste machinal, un geste mimétique. Leurs larmes sont le salut, leurs larmes sont le partage, leurs larmes sont ce recueillement de la transmission. Dans cette pièce de l'Athanée s'associent en leurs jeunes esprits les trois couleurs d'un drapeau et le souvenir d'un homme qui a osé "être debout, en résistance".
Ce jour est jour de sa naissance, il se prénommait Félix

jeudi 27 novembre 2014

novembre pluvieux




j'étais dans le ressac, un état originel. Mon esprit valétudinaire, chahuté de pensées multiformes se laissait porter par les événements. J'avais le sentiment encré que l'intellect qui me faisait agir était tributaire de mon énergie et que cette énergie n'était pas la simple résultante des fonctionnements moléculaires et électriques de mon enveloppe charnelle mais dépendait tout autant de cette musique/poésie/perception du monde que mes sens enregistraient.
Était ce d'avoir été conçu dans une matrice tourmentée qui irriguait en moi le chaos comme un milieu propice? J'étais dans un état d'alerte. Ma vue s'obscurcissait et ce monde devenu moins obscur s'avérait tout autant incompréhensible. Je ne trouvais pas plus qu'hier ma place ni une légèreté à vivre. J'acceptais ma défaite et je sentais intuitivement que mon énergie glissait dans une hémorragie diffuse. Je ne trouvais pas de musique ni d'ancrages nourriciers. J'avais besoin d'eau, de mer, de ces froides baignades automnales qui apaisent toute fièvre.
Je ne sais pourquoi la liberté n'a jamais été ma quête, je ne sais pourquoi nulle ambition n'a vraiment vertébré mon être pourtant ma curiosité était vive. Mon ingénuité a constitué un sisyphe impénitent.
La connaissance eut pu stimuler mon existence si mes manques ontologiques ne m'avaient cantonné dans des chemins buissonniers. Même quand tu ne veux pas payer le prix de l'effort, tu le paies.
Dans cet entre deux, je découvrais un plaisir nouveau. Écrire en faisant de la cuisine. Deux façons de se sustenter. suis tenté. J'associais à la cuisine ce temps de la rêverie où l'esprit travaille l'aliment et la pensée, les souvenirs gustatifs, la vision de sa propre histoire nutritionnelle, ce savoir-faire révélé par des femmes, cet antre vu au travers des temps, cette ouverture sur le plaisir mais aussi le souci, cette générosité qui traverse l'acte de cuisiner pour autrui pour ses proches, pour ses prémices d'une sensualité naissante, à deviner. Je me sentais terriblement misogyne et profondément redevable à tous ces êtres qui avaient cuisiné pour moi, aussi.















aout 1975




les lois ne changent que portées par l'action des anonymes. Il en a été ainsi pour le droit à l'avortement. L'histoire immortalise la courageuse ministre de l'époque Simone Veil, moi je retiens l'aimée, je garde en mémoire les tribulations d'alors, cet été 1971 pour trouver un médecin qui accepte de faire ce geste nécessaire, je revois les portes qui se ferment, le cynisme et la vulgarité de ces médecins véreux et moralisateurs.
Une jeune fille de 17 ans participa dans ces années à l'action du mouvement pour la contraception et l'avortement au côtés de quelques médecins, d'infirmières et d'autres anonymes. Elle s'engagea dès la sortie de son épreuve avec ce savoir profond de ce que pouvez vivre une femme devant une gestation non souhaitée.
Pat était asthmatique. Une grossesse était hautement problématique. Elle avait fait un premier coma à dix ans, elle en fit un second de dix jours, six mois après l'avortement.
Elle décéda le 7 aout 1975 à l'hopital Pasteur de Nice où elle ne put être réanimée, elle avait 20 ans, 8 mois et six jours. Une vie intense et brève, une vie en alerte en quête de joies, de rencontres, de plaisir, une vie debout.




mardi 18 novembre 2014

vint Mai 1955

Reçu le corps 18 mai 1955 à 12h 50
Diagnostic : fracture du crâne par balle de revolver
Casablanca 20 mai 1955


j’ai trouvé cet automne l’annonce jaunie au dos de cette  photo d’un couple tout juste marié.
Vous héritez d’un lieu, vous héritez de son histoire ou plutôt de ces fragments d’histoire.
Je n’ai jamais connu Claude. J’ai longtemps vécu avec Pierrette. Elle fut avec ma grand-mère, ma seconde tutrice. J’appris très tôt le sens du mot veuve. Mes tutrices étaient veuves. Nous allions le dimanche au « campo santo » saluer leurs époux qui étaient « partis ».  
La photo de Piètro trônait sur la table de chevet dans la chambre de grand-mère. Nulle photo dans celle de Pierrette. Seul un Christ en bronze sur une croix de bois que je nommais « l’homme dans l’arbre". 
Pierrette murée dans son chagrin. 

Tonton Dinu, le frère de grand-mère, seul homme de la maisonnée qui gardait dans ses bronches les restes de la guerre de 14-18, me conviait à ne pas multiplier mes-mais pourquoi.

 « Zitto, signorino Perchè »


Un jour assis sur ses genoux jouant avec ses bacchantes, sous la tonnelle de vigne qui ombrageait la casa, nous vîmes avancer un militaire en uniforme. 
Dinu me le présenta comme le frère de Claude. 
« è il tuo zio, giami » ajouta-t-il « si chiama Marcello ». 

Dans ce monde de femmes, Dinu répondait à mes pourquoi, à mes « dis moi, Dinu » . 
A l’automne 1959, Dinu s’éteignit. 
Fus penché dans la boîte où il était allongé, je tendis la main pour tirer les bacchantes 
et sentis ce froid si particulier de la rigidité cadavérique.  

Je criai, me débattis et quittai le cercle des pleureuses pour me cacher derrière le noisetier . 
La mort, ce jour là, prit place dans mon vocabulaire. 
Il se peut que ce jour fonda et mon vocabulaire et ce que je ne voulais pas entendre. 
Comme Dinu, Claude et Piétro étaient morts. 
Ils n’étaient pas partis. 
Ils étaient froids.  
Froids comme le marbre de leur « maison nel campo santo». 
Dinu n’était plus là pour me dire « stai zitto Giami » 
et je compris aussi que je devais avoir mes secrets.








vendredi 10 octobre 2014

9 octobre 2014 modiano pour mémoire

Imor m'a adressé ce jour un sms m'annonçant que le prix Nobel de littérature de l'académie de Stockholm avait été décerné à Patrick Modiano. Il en était heureux et presque fier comme le sont souvent ces étrangers qui épousent les idées et la langue de notre pays. Une fierté probablement élevée au carré par cet effort tendu dans l'acquisition d'une langue ardue. Imor a payé le prix fort. Celui de la passion et celui de l'épreuve ultime : accompagner l'être aimé dans ses derniers moments, braver les qu'en dira-t-on. Être debout.
Le courage a pour moi la figure de cet homme.
Le français d'Imor a ce phrasé singulier de ceux qui épousent la langue littéraire. Précieux par ce que précis, élaboré, soucieux des difficultés de la syntaxe.
Les parcours dans une langue non originelle sont épreuves de vie. Les mots de la bouche de l'amant livrent plus que de nouvelles sonorités, un suc une matière, une lumière, tout un passage pour des conquistadores. La langue alors devient une saveur, un privilège en bouche.
Je ne connais pas Modiano. Je l'ai écouté mais je ne l'ai pas lu. Je ne suis pas entré dans son univers même si les circonvolutions de son obsession me touchent. Aller dans son monde serait désagréger le mien, perdre le fil dans mon labyrinthe. C'est mon choix.
Je ne doute pas qu'Imor le comprenne et je ne doute pas qu'il le critique. Entendons nous bien, je ne me compare pas à l'écrivain Modiano, je parle d'obsession autour de la mémoire, autour de la langue, autour de la fiction dans nos existences, je parle de lopins de taire. Je parle de corps à corps avec cet entourage qui vous a transmis les éléments d'un langage qui vont vous hisser à la station debout, la compléter, la stimuler dans vos découvertes ou la réduire.
Je ne suis ni un rebelle ni un créateur, je survis entre des langues qui m'échappent, ouvrier gourd, non professionnel, non soucieux de la perfection, toujours attaché à surtout ne pas payer le prix, ne pas faire l'effort, le choix, dans cette attente d'un signe de l'Hermès Trismégiste qui dénouerait l'équivoque.

J'ai à mes oreilles les sonorités du renoncement à la langue de mes origines. Un dit de rupture, incompréhensible à l'enfant que j'étais. Double lien qui vous strangule.

J'ai pour le français, une passion modérée. Il véhicule autant le discours des tyrans que l'hymne à la liberté. Il demeure pour moi une langue imposée dans l'enfance dont la rouerie ne me fait point rire.
J'ai pour le français une passion épidermique quand il fracasse son moule conformiste et de savoir que cette langue peut le faire me l'a définitivement rendue désirable.


vendredi 3 octobre 2014

épiphanie( litteralement) en ce début de siècle

Le récit commence par une ligne musicale 

qui détricote les circonvolutions 
de ma pensée. 
L’hypnose énonce Boris Cyrulnik, est 
une composante de notre être. 
La fascination que chaque être a au cours 
de son existence pour l’art, 
l’esthétique et tout ce qui 
est et vie, alimente notre machinerie imaginaire. 
J’appelle « imaginaire » cet ensemble patchwork chaotique, entrelacs d’expériences et de réflexions : mon vécu.
Je regarde cette photo cardinale. 
Un temps que j’ai suspendu d’un clic sans même que mon esprit ait exposé le moindre pourquoi. 
La photo développée est question et réponse. 
Elle ne dit pas ce qui a été. 
Elle offre le fugitif dans des lignes qui en mon esprit racontent tant de choses.
-La madone et l’enfant : les enfants- 
Dans le monde iconique de mon enfance l’image n’est pas télévisuelle. 
Elle demeure avant tout, photo, illustrations, tableaux, sculptures. 
Elle est d’abord religieuse sans le dire à l’oreille de l’enfant que j’étais déambulant en toute ignorance dans « les églises romaines ». 
Dans ce cheminement de lieu en lieu décidé par mes « accompagnatrices », le peuple de statues révéle des femmes figées dans des poses contrites, enfants des premiers jours dans les bras ou aux pieds. Parfois un corps sur sa croix, exposé les surplombe.
dans mon monde 
le mot -mère- et le mot -père- sont dédiés au religieux. 
Je n’ai pas le souvenir d’avoir prononcé le mot maman. Je ne suis pas un enfant blessé. Je suis un ingénu qui observe comme un « éthologue » improvisé un monde qui ne livre pas ses lois. 
L’univers familial est avant tout pour moi un lieu, un périmètre borné, peuplé par deux femmes. 
Je note les différences avec les autres « familles » mais je ne fais aucun commentaire
Mon esprit d’enfant opte pour être crédule et malléable, disponible à une poétique de l’existence à une indéfinition des choses. Il accepte et dissocie.
Mon monde n’est pas le votre est mon cri muet. Mon monde ne s'oppose pas à l'autre ni ne rivalise. Il ne s'étalonne pas, il se sait mineur. Mon monde est marri et ne se marie pas.
Son sentiment d’indéfinition ne s’oppose pas pour autant à l' importance du sens des mots, au poids de la parole. Il ne s'illusionne pas à une réciprocité.
Dans la vulgate chrétienne, l'homme a peu de place tel Joseph malheureux et la femme traverse la douleur avec l'enfantement, il n'est point question d'amour mais de chemins de souffrance. Visitez vos églises. Dans mon monde je cherchais cette épiphanie au sens littéral, cette apparition de l'enfant qui inaugure autre chose qui soit l'avénement d'autres possibles. J'appelais harmonie le corps recroquevillée de la cadette sur le sein nourricier et mémoire des premiers temps, la position foetale de l'ainée et dans mon regard naissait le possible envisagé.

jeudi 25 septembre 2014

24/9/2014 Me, myself and Aïe

j’ai décapsulé la despé et allumé le cigare. Je sentais cette drôle de colère comme une ancienne ivresse et j’eusses pu détruire tout objet passant à ma portée. 
Je me suis mis au clavier pour me raisonner et canaliser ce flux vénéneux qui parcourait mes veines. 
J’étais encore en guerre contre moi et le constat me rappelait combien ma pensée était gangrenée. 
Il ne faut pas en vouloir à autrui d’être nié, répudié, ignoré, méprisé mais questionner ce noeud gordien en soi qui vous a invité à faire de l’autre la pierre philosophale de votre existence momentanée. « Cette voie métaphysique » vers le graal de son être.
 J’avais failli comme écrivain mais là n’était pas la source de ce courroux. Créer nécessite une prédisposition en une croyance, un message à asséner ou un univers intérieur à délivrer. 
Je n’avais ni sur moi ni sur l’existence la moindre certitude. En moi se lovait la broyeuse de mes illusions et de mes vaines croyances. Elle n’avait nul visage seules les serres de ces oiseaux de proie qui tournoient au dessus des charniers. Elle avait dépecé mon langage laissant à vif l’animal frileux que j’étais devenu. 
J’avais voulu survivre, à tout prix, j’avais choisi la fuite, plutôt que le combat et le bonus de ces quarante années avait le goût âpre du sable dans la bouche. 
Les épreuves offrent à chacun l’opportunité de s’amender mais encore faut-il dénouer le flux qui vous a fait défaut. 
Vers 18 h 30, ce jeudi 24 septembre, j’avais trouvé le qualificatif, ce juste au corps qui habillait au plus près mon être et ce qui me surprenait était que le mot à l’écart de mon glossaire habituel me taillait un costard inattendu et loin d’être saillant était seyant.
-j'étais : VEULE-

Les volutes du cigare délivraient des messages imprécis, la bière citronnée encrait des visions désespérantes de mon être. 
Je me voyais Ulysse loin d’une Ithaque perdue mais je n’étais point Ulysse ni même ce cyclope. 
Mon voyage m’avait entraîné à contre courant du parcours homérique. Je m’étais laissé porter par des alizés opportuns et dans les havres momentanés je bafouillais ma plainte à  des muses abusées, amusées, vîtes lasses de ces couplets. 


En allumant le second cigare, la fumée précisa les contours de ma pensée. Il était temps. Temps de questionner ces êtres bienveillantes qui avaient recueilli mon âme apeurée par la vie par l'amour. Oui dans les volutes se dessinaient comme un questionnaire tentant de circonscrire du mâle, le mal. J'inhalais et allais à l'essentiel. Tout est une question de souffle et de rondeurs de lèvres pour la formulation. Dans mon esprit j'épelais un énoncé synthétique et direct qui signifiait :
 -"mais qu'avez vous aimé, retenu de notre rencontre?"- 
J'orientais ma bouche pour balayer l'hexagone du Sud au Nord afin que le message parvienne à chacune. Je le vis s'élever, vaillant et prometteur lourd comme un de ces cumulonimbus annonciateur d'orages. il disparut de mon champ visuel mais comme un tarpé moqueur me vint en boomerang un pressentiment de réponse qui me scotcha illico : "avons adoré la fin"!
La seconde Despé n'étancha pas ma soif. Et Elvis Perkins entonna "MAY DAY"
















mercredi 24 septembre 2014

round 1995 et faits de mémoire

du passé ne jamais faire table rase. L'invitation à l'oubli du passé dans "l'internationale" m'a toujours intrigué. J'occultais ce couplet. J'ai avec la photo une certaine distance. L'appareil m'embarrassait. Comme les lunettes, les focales devant mon oeil, m'insupportent.
J'observe avec plaisir les clichés que d'autres font me questionnant plus sur les motifs de leur choix, de cet instant t suspendu.
J'ai rarement pris de photos des êtres aimés.
Je suis plutôt tactile.
J'ai eu ce besoin de photographier à l'annonce de la venue de Venezia. Ce fut même une sorte de compulsion. Place jules guesde, je me fis un ami, le photographe à qui j'apportais mes pellicules hebdomadaires et sur mes épaules mon sujet favori.
En ce temps j'imposais à ma vue binoculaire cet exercice arbitraire de cligner d'un oeil et saisir de l'autre dans cet accord de l'index. Je vérifiais mon champ visuel. Et mon ravissement. Etre ravi par l'existence de l'autre. J'accumulais un trésor perceptif et l'enfant cheminait dans sa vie. Plus je cliquais plus je devinais que l'existence entrevue, vérifiée, attestait de mon dépassement.
Emancipé de mon passé.
Une évolution "copernicienne".
Tout acte technique offre son questionnement. Nous sculptons notre perception avec des outils qui nous travaillent. J'ai toujours ce marquage au fer rouge par cette litanie qui accompagnait la moindre de mes entreprises. "ne touche pas", "tu vas te blesser", "tu es trop maladroit", toutes ces petites mises à mort des adultes bien intentionnés. Et faute d'exercices devins et gourd et maladroit mais de l'idée d'essayer, jamais dissuadé.
Mon ami, place jules guesde a depuis fermé boutique.
La photo a changé d'époque





mardi 23 septembre 2014

Marseille début des années 50

parfois je ris en pensant à l'enfant que j'étais. Je ris à la pensée de ce que les tourments peuvent tresser dans la revisitation du réel. J'avais trouvé cette photo dans une valise de Pierrette, mal rangée. Elle avait dû glisser et le verso un peu jauni attira mon regard. Nous étions en 1959.
Je vivais avec Maddalena et une de ses filles, Pierrette, ma tante. Jours tranquilles à Rocheville. Pierrette, "petite Pierre" était la fille de Piètro. Les mots bâtissent leur évidence. Quoique.
Elle est veuve. Je ne connais pas trop le sens du mot. Maddalena aussi est veuve. Ce que je sais est que nous allons saluer chaque dimanche au cimetière Piètro et Claude. Elles me disent qu'ils sont "partis"et je ne comprends pas que l'on aille dans un lieu saluer les absents. Mon esprit simple ne dénoue pas les paradoxes.
Il y a des photos de Piètro a casa, pas de Claude. Pierrette n'en parle pas. Maddalena se tait aussi. Bartholomeo, son frère m'a dit qu'il était mort au Maroc. Enfin, j'ai surpris une discussion qu'il avait avec notre voisin. Ils parlaient de "leur guerre", la grande, la première, il parlait de moutarde, un gaz et Tonton Dinu, c'était ainsi que Maddalena le prénommait, a dit à un moment "cela fait trois ans que Claude est mort à casa..."et m'ayant aperçu, s'est tu.
Casa ? Les syllabes me sont familières mais Dinu les a prononcées différemment. Ce n'est pas la maison. Je pose souvent des questions à tonton Dinu, c'est le seul qui réponde. Le soir, il vient me voir, il m'appelle "Signorino Perchè". Dinu m'a expliqué que Claude avait été tué à Casablanca et qu'il était gendarme. C'est notre secret. En parler, fait de la peine à Pierrette. J'ai gardé notre secret.
Je regarde la photo, l'homme au bras de Pierrette, doit être Claude. Je ne peux pas poser la question à Dinu, il vient de mourir. Je caresse la photo entre pouce et index comme je le faisais avec les bacchantes de Dinu. Je ne peux pas lui dire que je ressemble à Claude. Je ne peux pas partager mon secret





mardi 9 septembre 2014

moi après X mois

nous naissons et blessures certaines.
Être entre les mains, dépendre, cette extrême vulnérabilité des premiers temps m'a toujours questionné.
Comment va se frayer notre liberté au regard de l'inscription de cet état premier de dépendance.
La voix des autres ou leur silence autant de diktats, leurs affects, leurs peurs, leurs phobies, leurs angoisses, tout ce micro-climat des premiers temps dictent aux sens de l'enfant son premier alphabet.
Est ce que je vois celle qui me tient, du moins j'entends sa voix et sa musique comme autant d'ondes me glisse un message bienveillant.
Je l'ignore alors mais cette femme va induire en mon être des pistes à ma liberté.
Je n'ai pas de lien direct avec elle.
Je n'en suis que plus débiteur et reconnaissant.
J'ignorerai ce qui porta cette femme à m'aimer, à être soucieuse de mes premiers temps, d'être là de temps en temps à ce seuil de l'enfance où langage et questionnement réclament la présence de l'autre. Je lui dois un éveil à la vie, je lui dois ce prisme du plaisir à sentir les rayons du soleil sur ma peau, le roulis des vagues en bord de mer, cette étendue marine comme un imaginaire offert à ma généalogie imprécise. Je lui dois ces chemins buissonniers qui défient l'autorité quand l'autorité n'est que prise de pouvoir sur l'autre. Et cette femme si croyante, si soumise à son dieu ne m'asséna jamais son catéchisme. Elle accepta mon athéisme sans retirer son affection.
Je ne reconnais pas ce lieu où entre ces mains, je suis. J'ai trouvé cette photo bien après son décès.
J'ai suivi ses pas dans l'Italie du début des années 60, Chapelle Sixtine et fontaine de Trevi, Firenze, Assisi. Ce qui devait me séduire m'émancipa du poids de la croix.
Je reste étonné au constat de mon esprit paradoxal érodant sa religiosité et restant inféodé aux non-dits de ses origines. Maria qui savait, se taisait. Elle, aussi. Elle m'expliqua que ce n'était pas à elle de parler. Je n'en étais pas convaincu.

Esposto, exposé je regarde cette photo dont le lieu me reste étranger. Je vois cette femme tenant un enfant, exposé entre ses mains. Esposto signifie aussi trouvé. Il fut un temps en Italie où Esposito était le prénom donné  à un enfant trouvé.
Je demeure un être sans nom. Avec ce sentiment de non-nommé-Esposito. Je date mon nom pour l'inscrire dans cette approximation d'une histoire et ressent cet affect brut de délitement : Pierre brisée.
L'idée ne me déplait pas, elle n'est pas infondée et cette brisure défie toute fondation. Etre alors un défi pour soi-même.
Le fait d'avoir des enfants me traverse comme un rire salutaire à cette folie mise en forme un jour de juin 1952 et à laquelle j'ai grandement contribué.





samedi 6 septembre 2014

nata il 23 maggio 1923




j'ai souvent regardé cette photo cherchant des réponses à l'immensité de ce silence où mon frêle "je" était immergé. Ces photos des années quarante ont ce charme du noir et blanc, cette construction d'ombres et de clartés offrant un relief " sculpturé".
Le temps de pause n'avait rien de l'immédiateté : on pausait et dans ce temps suspendu, le photographe construisait l'éclairage de ce qu'il saisissait, de ce qu'il valorisait. Visage-paysage.
Je suis happé par la tristesse, j'ai toujours été saisi par cette tristesse que je décelais dans ce visage où le regard concentrait mon attention. J'appelle tristesse ce que je saisis dans cette fixité guettant un ailleurs.
Il faut imaginer la longueur d'un temps de pause. Vous êtes assis dans une pièce, cerné des spots encombrant de l'époque, le photographe vous donne des indications pour réajuster ce qu'il voit et ce qu'il veut montrer. Vous jouez le jeu et ce que vous focalisez n'est plus alors le studio où vous êtes mais votre intériorité, ce que vous voyez de votre existence, ce que vous pensez de votre existence.
La jeune femme sur cette photo est l'aînée de deux enfants, de parents piémontais. Elle vit en France depuis sa naissance, elle a été scolarisée, ses parents, s'ils parlent entre eux leur dialecte, s'adressent à leurs filles en français. Depuis son plus jeune âge, elle connaît ce qu'est "travailler", non pas simplement le travail domestique mais ce salariat des "enfants" pour aller à l'aube cueillir "la fleur de jasmin" qui sera vendue aux usines de parfum de Grasse. Au jour de cette photo, elle est couturière  dans une maison de couture à Cannes.
Dans ce regard je lis ce que j'appelle une tristesse de "solitude". Je veux parler d'un état tout intérieur, très lié au vécu familial. Elle est l'aînée de six ans. Elle s'occupera de sa soeur et sera amenée à travailler alors que la cadette, portrait de la mère, fera des études. Les enfants de cette époque n'ont pas le droit à la parole, à exprimer désirs et sentiments. La famille est un univers clos, indépassable surtout pour des filles. Les enfants devinent les frictions parentales et se taisent, prises dans des rapports de force qui les dépassent. Les parents sont des émigrés économiques. Plus qu'économiques d'ailleurs puisque l'épouse non reconnue par sa belle famille a orienté leur vie vers cet exil. L'homme a obtempéré. Il a renoncé à son droit d'aînesse, aux terres sur les contreforts de Limone pour exister. Ils sont des "Roméo et Juliette" dont le fol amour vire à l'amour flou. Il faut survivre, c'est l'après première guerre mondiale, ils choisissent un territoire qu'ils ont connu dans leur enfance, tant les piémontais jeunes et moins jeunes venaient comme saisonniers proposer leur savoir-faire. Ils sont agriculteurs, il sera mineur dans les mines de bauxite, elle, Madeleine est d'ailleurs née à La Londe les Maures. La famille s'établira près de Cannes, les filles naîtront et le regard de l'homme cherchera toujours ses terres laissées par de là la ligne de crête des pré alpes qu'il devine.

Je lis une tristesse dite de "solitude" car ce visage ne me raconte pas cette époque de la fin des années trente et la guerre terrifiante. Il ne me raconte pas l'exil des "babi", des italiens "ennemis" en terre de France. Il ne me raconte pas la dureté de ses temps, l'occupation, les rafles, les bombardements, le marché noir. Je lis cette étrange sentiment à ne pas ressentir l'amour d'un parent, le regard d'un parent, l'assentiment d'un parent, la reconnaissance. Je lis un vide, une incompréhension de ce qu'aimer la vie peut signifier. Je lis cette inaptitude à ressentir autrui et symétrie, cet enfermement en soi, dans une citadelle de certitudes hâtives.
Nous ne connaissons jamais l'autre. Nous pouvons le voir vivre, s'exprimer, s'agiter devant soi. Nous pouvons être touché, flatté, atteint, meurtri par l'autre sans pour autant saisir ce noyau constitutif de langage, de mémoires de perçus qui l'incarne. Quelque soit le degrés de parenté. L'autre nous reste inatteignable, je dirais même incompréhensible. Qu'il soit un être aimé ou votre pire ennemi.
Je regarde mon pire ennemi. Sa jeunesse d'alors est séduisante, j'aime le front dégagé la ligne sourcils-nez, les pommettes, le sourire esquissé qui souligne la tristesse du regard. J'aime cette coiffure qui offre un entre deux adolescence-jeune femme et signe déjà en pointillés l'ébauche d'une séduction. Le diktat de l'image ne régit pas encore l'univers féminin. Je me dis que le photographe avait un savoir-faire émouvant, une réelle curiosité, une attention et un respect pour saisir sur son modèle l'expression d'une réelle profondeur par de là ce que je sais de cette personne,. Ce que cette photo, ces photos me racontent disent une grande fragilité, une sorte d'imploration qui me murmure : "regarde moi".


jeudi 4 septembre 2014

jesus died for somedy sins

"Confiteor" 
la religion fut longtemps mon liquide amniotique. 
Il y avait cette scansion désespérée dans la voix 
de grand-mère et ces christs surplombant chaque lit 
et en chaque pièce. 
Il y avait cette peine 
irradiante sur le visage
de Pierrette, sa fille cadette et 
les prières du soir comme 
d'incompréhensibles récitations 
et elle me reprenait 
quand j'entonnais "Notre père qui êtes dans l'arbre".
-"Aux cieux Jamie, aux cieux "- implorait-elle 
comme si elle se sentait fautive.
Un enfant aime à faire plaisir. Je rectifiais.
Le latin des prières avait des sonorités de voyage
à travers le temps, il m'affranchissait 
de cette culpabilité qui agenouillait 
le peuple des croyants. 
J'étais un enfant rêveur 
et crédule et avec entrain je suivais les deux femmes
au village de "ceux qui étaient partis".
Je suivais leur rituel devant le portail,
le signe de croix, la génuflexion et nous avancions
dans ce village déserté où déambulaient des gens en
pleurs, toujours en pleurs.
Nous restions de longs moments devant cette "maison de Pietro et de Claude" et les femmes attendaient leurs hommes qui étaient bien indifférents. Pierrette nettoyait le marbre et vidait l'eau des vases, Maddalena essuyait son visage noyé de larmes, je tenais les fleurs putrescentes et quand Maddalena faisait le signe de croix, je partais en courant dans les allées en chantant à tue tête "voglio morire, voglio morire" et les deux femmes tirées de leur torpeur me couraient après et j'entendais la nonna éructer "zitto mascalzone zitto" et j'étais aux anges.
Le monde "des adultes" offraient ses représentations lapidaires à mon esprit incrédule. Croyances, énoncés péremptoires garnis de bon sens et ces dits d'une histoire encensant les héros du moment. Le catholicisme de la nonna tout mêlé de superstitions invitait à la sujétion ou à cette résistance passive qui la poussait vers le campo santo plutôt que vers la chiesa. Elle était en guerre avec son Dieu comme elle avait du être en guerre avec son homme. Silence elle faisait sur les deux, les unissant devant le marbre froid du caveau familial. Je ne comprenais pas le fond de ce conte de l'homme mis en croix pour abjurer peccati mundi. Je ne me sentais pas en faute et mon attachement aux femmes qui s'occupaient de moi ne suffisait pas à m'immerger dans la croyance. Seuls les chants, les prières trouvaient quelques échos et dans une distorsion de sens, je faisais du Kyrie Eleisson, un chant guerrier et mon stabat mater devenaient un stabant matres, une ôde plurielle.

J'eus le privilège d'arpenter les églises de Rome et de Florence. Toutes. Et je ne vis pas la beauté de ces lieux, la grandeur de ces oeuvres. Pire Christ et Madonne m'oppressaient, gardiens muets d'une incompréhensible omnipotence. Regarder, s'incliner dans une infinie reproduction d'un rituel de soumission nommé amour.



-not mine-


cogito 3/9/14




la mémoire traumatique

mercredi 27 août 2014

27 aout 2014 /the house of the setting son

j'aime bien cette photo, la posture qu'elle saisit, le souvenir qu'elle trace en pointillés.
Etre inscrit dans un lieu et être exproprié de soi.

Ma barbe a poussé avec d'étranges idées. Un jour de mai 1979, dans leur résidence de Mougins, Marcel, mon père m'apprend qu'il est mon beau-père. Marie-Jeanne somnole dans la chambre à côté après avoir testé quelques barbituriques. Leur couple explose et Marie-Jeanne me reproche ma mauvaise influence sur son mari. Je ne vis pas dans leur parage depuis 10 ans. Elle ignore tout de ma vie, de ces dernières années à marner en usine, de la mort de Patricia, quatre ans auparavant, de ces années 76-77  à m'occuper de sa mère. Elle cherche des pourquoi aux fredaines de son mari et parmi les pourquoi ma vie "dissolue".
Ainsi est "ma famille".
Nous sommes un an plus tard à l'aube de l'été 1980, j'ai mon permis moto depuis avril, ma barbe pousse avec l'idée d'aller à la rencontre de mon géniteur qui est d'après les dires de Marie-Jeanne, coiffeur.
La déflagration a fait place à un étrange synopsis. Aller sur ses terres sur mon nouveau destrier, aller le défier,  mon visage barbu, masqué et lui maniant le rasoir pour se frayer le chemin jusqu'à ma peau.
Mon existence échafaudée comme un théâtre antique faute d'y puiser du sens. Il me plait de surprendre. De mettre l'autre en porte à faux, dans un déséquilibre qui le révéle et l'accouche de ce qu'il tente de cacher. Etre manipulé ouvre un champ de possible où "l'arroseur peut tout aussi bien être à rosser."

J'arpente ce lieu de mon enfance, tête inclinée, pensive, je suis le gardien. Marie-Jeanne le déteste, elle y a vécu trop d'humiliations. Je le chéris comme on porte sa croix. Dans un monologue muet. Le lieu est habité. Je ne parle pas de fantômes, je ne parle pas de délires. Je parle d'un état entre soi et un espace tissé de tant de faits en jachère dans sa mémoire.
Cette photo date de juin 1980, j'ai 28 ans et un synopsis en tête où prolifère une barbe de plusieurs jours. Je bricole sous la canicule avant de filer sur Nice en moto pour me joindre à une fête entre amis.
Muriel reçoit derrière le stade du Ray. Ses ami-e-s. Depuis quatre ans je n'ai plus d'amis, mon monde s'est désagrégé. Muriel est mon seul lien. amante-confidente-pan de mémoire- être cardinal, elle a tout juste 23 ans et cette lucidité qui fait tanguer une jeune femme entre nadir et zénith.
Les verres tintent, les conversations nouent et dénouent les tête à tête, les petits groupes d'une pièce à l'autre. Il fait chaud c'est l'été, les fenêtres sont ouvertes, une voix attire une petite assistance, le conteur est bel homme, plus âgé et savant, les bribes me parviennent, il est question d'une TS, une femme éconduite et blessée qui va s'ôter la vie, il est question de destop, les deux syllabes percutent mon esprit tandis que mes mains serrent le cou du gonze. Dans le mouvement, je l'entraîne vers la fenêtre, mes amis crient tentent de me retenir tandis que j'éructe au mec soudain rougeaud "le secret professionnel, tu connais, tu es son psy, je suis le fils". Je finis par être plaqué au sol tandis que l'autre tousse, tiens sa gorge. Je me dégage, me relève, je ne suis plus le bienvenu.
Muriel, seule a compris. Je connais la patiente : cette femme est ma génitrice.
Je suis furieux et je vois que personne dans l'assistance n'a une idée de cette fureur. Elle a peu à voir avec ce secret professionnel, elle porte sur le récit, sur ce détestable récit plein de certitudes où le spectaculaire escamote le fond, escamote l'histoire, escamote la folie et revient sur moi comme un boomerang dévastateur. J'ai envie de tuer; je me tire.
48 h après je partais vers Marseille, vers ce havre, un dessein.


 

samedi 16 août 2014

16 agosto burn baby burn


j’avais mis en fond d’écran ce message-clin d’oeil de ma philosophe préférée et j’étais prêt à jouir du jour nouveau. J’étais bien armé. 
J’avais à portée du regard un très beau livre de Joseph Boyden, une écriture terrifiante qui matérialise son message dans les tréfonds de votre être et des impératifs administratifs à résoudre, un plan des travaux à faire pour les mois à venir et une réflexion à poursuivre sur ce qu’ »aimer signifie ».
Je m’étais mis en tête de commencer par la réflexion, même sachant que je ne la mènerai pas à terme. 
J’étais à 62 balais, un vieil homme « fleur bleue ». 
Je n’avais pas attendu les « Rita Mitsouko » pour savoir que les « histoires d’amour finissent mal en général ». 
Mon ignorance avait été d’avoir eu peur de la perte avant qu’elle advienne. 
Je ne parle pas de la désagrégation d’une amourette. 
Je parle de la mort de l’être aimée. 
Cette peur élève la perte au carré tant elle m’avait rendu absent quand l’aimée avait le plus besoin de moi. 
Je porte toujours à ce jour cette indignité. Chacun fait avec sa conscience de ses actes. 
Je chante un ego désenchanté. Devant le miroir, mon image déçoit. 
Et le sentiment d’avoir trahi devient constitutif de votre être.
J’ai depuis quarante années laissé les jours s’égrenaient avec cette perception indépassable. Un sentiment d’indignité inscrit à l’encre sympathique. J’étais le genre de mec cool. Je racontais facilement mes turpitudes, histoire de passer à autre chose. 
Quand j’abordais le chapitre « tu sais, j’ai trahi, je trahirais » l’autre s’imaginait une vie dissolue de frasques en tous genres et soit fuyait soit restait se disant « avec moi tu vas t’amender ». Je restais timoré, ne sachant pas ce que devient Orphée quand Eurydice s’en est allée. 
Dans ces « contes cruels de la jeunesse « pour reprendre le titre du très beau film d’Oshima, l’amour avait les élans de l’immédiateté « vogliamo tutto, subito », les portes de la perceptions grandes ouvertes. Plus que la jouissance, l’épiphanie des étreintes : cette étrange idée que l’horizon de soi s’atteint dans le regard de l’autre. J’eus tout : condensé en très peu de temps. Chaque jour inscrivait ce possible de l’amour ombré du sceau du couperet. Mes neurones imprégnés du tout offert et du tout ôté. 
Tétanisés.

Aimer s’ignifie. Alors ne pas s’éteindre, oser brûler, choisir ses cendres. L’amour, acte religieux par essence, comme croyance ne peut être qu’un embrasement, non une transaction en quête d’équivalence, un marchandage. Il ne m’est jamais venu à l’esprit d’attendre une réciprocité des sentiments. Je voulais juste sentir l’élan de l’autre, cette irradiation d’un rayon de confiance, cette urgence de texture de peau tout ces drôles de gestes du quotidien qui embrasent et font les nuits sans sommeil. C’est dire mon côté fleur bleue. Je vois grandir deux jeunes êtres, puissent elles vivre ce que je n’ai pas vécu.

ITAE MISSA EST.








mardi 12 août 2014

dodici agosto "Dragon" le signe pas le verbe


Pour lever toute ambiguïté, chacun devrait donner son mode d’emploi, jouer cartes sur table mais nous sommes des êtres noyés dans un inconscient qui rend la lecture si ce n’est approximative du moins souvent fantasque. Plus portés à parler, disserter des tribulations des autres que de nos propres errances, nous jugeons allègrement  et nous nous allégeons à souhait de nos propres pesanteurs. 
S’épargner : notre jugement dernier.
Je n’ai pas le culte de l’amitié. 
Je ne la recherche pas. Je ne la cultive pas. Je suis un solitaire. 
Je donne des clés pour me comprendre mais mon accès n’est pas pour autant atteint 
si la réciproque ne m’est pas perceptible. 
Il m’arrive d’avoir une confiance suffisante en l’autre pour marcher à ses côtés. 
J’ai une confiance suffisante en la mère de mes enfants tout en sachant qu’il n’y a pas d’amour entre nous mais ce pacte implicite d’avoir des enfants en partage : c’est à dire des devoirs et un compte commun. 
Nous nous sommes trompés, d’histoire d’amour et ces enfants trament le dépassement de nos déficiences. Par leur propre existence, elles préparent ce saut qualitatif et pour paraphraser René Char, leur héritage n’est précédé de nul testament.
Je ne dénigrerai jamais cette femme quelle que soit l’abîme où je me sens plongé.
Dans mon cursus, il est fort possible que j’ai trahi plus que je ne l’ai été.

La locution « je t’aime » reste encore dans ma bouche une phrase sibylline.
L’écho offre des ondes qui peuvent caresser mon narcissisme ou préciser de l’autre son diamant ou sa nécessité quand le manque en vient à vous tarauder. Mais que dessinent alors vraiment ces tressautements (très sottement ) de mon être. Si ce n’est un dit d’un manque.
Je suis issu d’une culture paysanne où le troc et la parole prédominaient. C’est dire mon extranéité. Je suis issu du monde de la plainte des femmes, du noir de leur blouse-tablier, de leurs mouchoirs et de leurs larmes, de leur transmission tactile et orale de ce qui doit faire loi, d’une culture des proverbes et des incantations. Je dis le monde de la plainte des femmes, non de la mère, de cette oumma d’aujourd’hui que les jeunes hommes des banlieues fétichisent et haïssent. 

Du monde d’où je viens l’homme était soit mort soit à l’armée soit ces christ en croix dupliqués à l’infini dans ces silences de cimetière. Je suis un enfant de la consumation non de la consommation. Et garde pour le christianisme romain une haine pérenne et un oeil attendri. Je lui dédie le gauche. Rien ne m’est plus étranger que l’hédonisme, l’épicurisme. Je ne suis pas un jouisseur. (APARTÉ :Je ne veux pas 200€ de plus pour vivre mieux mais par ce que notre diplôme national  d’aide soignant est sous rétribué.).
Par cet atavisme piémontais, « un bicchiere d’Orvieto ou une vodka glacée, quelques olives et una bruschetta me suffisent. Et si le crépuscule m’insupporte, l’aube du jour nouveau m’offre déjà toutes ses joies.

dimanche 3 août 2014

"questa sporca vita"





Me suis éveillé dans ce lieu matriciel, devenu un chantier livré à mon esprit chaotique. 
J'avais déclaré la guerre aux mauvaises herbes ( en étaient elles), j'avais abattu la barrière de cyprès, débités en toute jouissance. J'en étais doublement allergique. Au propre et au figuré tant il symbolisait queste domeniche al Campo Santo colla nonna. J'avais dans mes gènes "indéterminés " cette idée que la terre appartenait  à ceux qui la travaillent. Le sceau de la possession ne m'importait pas, le souci de ne plus voir cet espace en jachère me questionnait. Un lieu se dégrade si vite. 
Je regardais l'espace depuis le balcon, le soleil se levait, les oiseaux étaient déjà les maîtres du verger.
Je n'avais jamais eu dans le temps de mon enfance le souci de ce lieu, de son devenir. J'étais attaché à des êtres, ignorant alors que je fermerais les paupières de chacune et que j'hériterais de ce qui les liait, ce secret à préserver, ma généalogie, leur honte et leur blessure. Et ce lieu.
Qui n'est pas privé de son histoire aura du mal à imaginer combien un vide aspire le mental d'un être. Dans le mille feuilles de ma mémoire  se faufile l'image de cet endroit dans les années 50. 
Un lopin de terre organisé par le savoir ancestral de Madeleine et de Piètro, son mari décédé en 1949 (je laisse des précisions pour mes enfants au cas où). 
Un poulailler avec lapins et poules pour le plat de viande dominical. Le potager au voisinage, le verger en contre bas et cette petite femme levée à l'aube gérant la maisonnée, lessives au lavoir à la force des poignets et tous ces gestes du quotidien pour nourrir la maisonnée, suspendre un poulet par les pattes, le saigner derrière l'oreille, dépecer un lapin, laver le linge à mains nues au lavoir, s'occuper du mouflet (moi, en l'occurrence) à "torcher", à nourrir, à éduquer. "Seï un' Tosello, saï". Non je ne savais pas. Les dits de la nonna, ambigus et dans cette sonorité de la langue de ses origines troublent toujours mon épiderme. 
Je regarde depuis le balcon, son territoire. Je la vois, silhouette cep de vigne, monologuant les psaumes de son malheur, cadences aux travaux de sa journée. Maddalena qui répudiait le Christ mais pas le Duce et dont je garde au fond de moi dans cette ambiguïté du double lien, une tendresse pérenne. Les gens sont complexes par essence. Les cataloguer, vous les dénaturez.








mardi 22 juillet 2014

22 juillet 2014 "the times they are changing"

je n'écris jamais le soir. Pas une question de principe mais de fatigue oculaire. Ceci dit la fatigue dans le genre de boulot que j'exerce, aide -soignant en orthopédie,  n'est jamais très loin après 7 ou 8 ou 11 ou 12 heures de travail. 
N'ENTENDEZ PAS  CES MOTS COMME UNE PLAINTE OU UNE REVENDICATION (pas présentement). 
Moins un diagnostic qu'un constat. Mon être bascule dans une phase que je caractérise d'obsolescence. L'écriture restant pour moi une pulsation sinusoÏdale complétant les constantes affichées T 140/90, temp 
tjs 37°2, pulsation : variable selon le 
moment de la journée. Mon écriture reste un monologue intérieur, sincère et menteur tant on peut se mentir à soi-même, tant notre inconscient travaille nos actes nous livrant à des lapsi, à des actes manqués mais aussi à des élans spontanés qui ont parfois du merveilleux. 
Je ne sais pas raconter des histoires où du moins cela n'a jamais été un moteur intérieur, je ne sais pas non plus écrire à un ou une tiers. Le silence généré en retour m'a depuis longtemps dissuadé. 
Je m'écris donc à moi-même sans savoir ce que les mots vont me livrer. 
Je suis un garçon ouvert mais en réalité très misanthrope. J'aime bien les gens mais en tant qu'acteurs de films tant de fois visionnés. 
Je pourrais être cynique, je suis catalogué "gentil". 
Ma philosophe favorite dit souvent"gentil n'a qu'un oeil". J'utilise délibérément le présent non pas comme un déni du réel mais dans cette volonté d'irriguer mon être de ces souvenirs qui en six années ont induit ma personnalité dans des zones où je n'osais seul m'avancer. 
Dans ce job d'aide-soignant-es, nous sommes immergés dans la relation à l'autre, dans l'humain. Nous nous déterminons, nous agissons avec notre vécu. Je me souviens d'un directeur qui montait parfois dans le service, jeter un coup d'oeil, m'interpeller surpris au cours d'un échange d'un "vous avez du vocabulaire". Quand il revint comme patient, je n'eus pas besoin de lui rappeler la prophétie "vous finirez tous dans nos bras". Il passa son séjour à recevoir des gens de son monde et à sucer des bonbons de "la pie qui chante". En partant, restaient trois bonbons dans le tiroir, il me les indiqua du regard franchissant la porte, j'ajoutais spontanément "je ne suce pas entre les repas".
Les années d'études font des êtres brillants, parfois. Souvent des prisonniers de la citadelle dorée de la condescendance. UNFUCKED.


Mon amie philosophe n'appréciait pas mes divagations écrites et chaque fois me le faisait savoir. Il y avait là une sorte de narcissisme qu'elle jugeait détestable. Je prenais la remarque comme un coup de fouet qui tant de fois avait sifflé à mes oreilles. Ce principe utilitariste du "mais à quoi cela sert?", "encore de la branlette!". Ma peau durcit à la caresse de la lanière, pourquoi le nier.
J'eusses pu lui dire "je ne suis que cela" ou une version plus hermétique "je rassemble les membres d'Osiris" paraphrasant Ezra Pound, immense poète au savoir encyclopédique et fieffé tifoso de Mussolini. 
Comme moi, ma philosophe avait été une enfant blessée et probablement d'une blessure plus lacérante, qu'elle taisait. Elle avait fait le choix ou s'était-il imposé de s'endurcir. 
J'accueillais les blessures pour les questionner. A la trilogie de mes mères j'avais eu l'indécence de dire "pourquoi cette étrange faculté à, sur votre autel, me sacrifier". 
A ce "je" l'écrit opte pour une poétique distanciée et non cicatrisante. Bouc-émissaire. Le statut d'une enfance. Ai toujours cherché à comprendre la propension des adultes à s'exonérer de ce fatras intime de leurs ego blessés. La plainte de mes mères victimaires, flux sonore morbide. Dans le microcosme familial ou dans la sphère historique ce choix des adultes à fuir les responsabilités, les leurs, les leurrent et les glissent bien vite dans un agir criminel, ce "je n'ai fait qu'obéir". J'ai une méfiance épidermique pour cette hypocrisie endémique à se dédouaner de ses actes.
Devant l'écran j'ai collé des photos qui me sont précieuses, qui sont chargées de sens. -Je rassemble les membres d'Osiris-; je rassemble ces parts de mon histoire qui me constituent. Je rassemble ce qui est éclaté, dispersé. Je cherche du sens plus qu'à raccommoder. J'accepte les échecs. Je n'accepte pas les faux-témoignages


Les enfants ont toujours été en mon esprit des figures philosophiques. Si la vieillesse ouvre des digressions sur la sagesse, la figure de l'enfant reste pour moi l'état questionnant. Je suis moulé à des figures philosophiques d'enfants blessés, démunis, qui puisent en eux des quêtes en des issues possibles. Je regarde des photos d'enfants qui me sont proches, je leur parle en secret, je les questionne, je cherche dans leur visage-paysage moins des réponses que cette énergie vivifiante des temps premiers, cette spontanéité du ressenti, de la perception. J'ai joint une photo où mère et enfants sont assemblés. Cette photo de mai 2000 reste mon regard interrogatif. Quelle est ma place de père? Quelle est ma place d'amant?
S'il y a un désir de "maternité" pour la femme, il n'y a pour un père qu'un désir d'amour de la compagne. L'extinction de l'amour ouvre le domaine du "lutto", du deuil de l'amour. Je conçois que l'amour se gangrène. Il ne me vient pas à l'esprit de dénigrer celle qui est la mère de mes enfants.
Chacun se démène avec son ego. Etre capable de paroles n'est pas donné à tous. Je m'avance seul. Un retour à l'origine. Que ma pensée soit jugée  m'importe peu. Je peux aussi présenter le miroir à l'autre pour qu'il se regarde un instant par de là, la frime.