vendredi 10 octobre 2014

9 octobre 2014 modiano pour mémoire

Imor m'a adressé ce jour un sms m'annonçant que le prix Nobel de littérature de l'académie de Stockholm avait été décerné à Patrick Modiano. Il en était heureux et presque fier comme le sont souvent ces étrangers qui épousent les idées et la langue de notre pays. Une fierté probablement élevée au carré par cet effort tendu dans l'acquisition d'une langue ardue. Imor a payé le prix fort. Celui de la passion et celui de l'épreuve ultime : accompagner l'être aimé dans ses derniers moments, braver les qu'en dira-t-on. Être debout.
Le courage a pour moi la figure de cet homme.
Le français d'Imor a ce phrasé singulier de ceux qui épousent la langue littéraire. Précieux par ce que précis, élaboré, soucieux des difficultés de la syntaxe.
Les parcours dans une langue non originelle sont épreuves de vie. Les mots de la bouche de l'amant livrent plus que de nouvelles sonorités, un suc une matière, une lumière, tout un passage pour des conquistadores. La langue alors devient une saveur, un privilège en bouche.
Je ne connais pas Modiano. Je l'ai écouté mais je ne l'ai pas lu. Je ne suis pas entré dans son univers même si les circonvolutions de son obsession me touchent. Aller dans son monde serait désagréger le mien, perdre le fil dans mon labyrinthe. C'est mon choix.
Je ne doute pas qu'Imor le comprenne et je ne doute pas qu'il le critique. Entendons nous bien, je ne me compare pas à l'écrivain Modiano, je parle d'obsession autour de la mémoire, autour de la langue, autour de la fiction dans nos existences, je parle de lopins de taire. Je parle de corps à corps avec cet entourage qui vous a transmis les éléments d'un langage qui vont vous hisser à la station debout, la compléter, la stimuler dans vos découvertes ou la réduire.
Je ne suis ni un rebelle ni un créateur, je survis entre des langues qui m'échappent, ouvrier gourd, non professionnel, non soucieux de la perfection, toujours attaché à surtout ne pas payer le prix, ne pas faire l'effort, le choix, dans cette attente d'un signe de l'Hermès Trismégiste qui dénouerait l'équivoque.

J'ai à mes oreilles les sonorités du renoncement à la langue de mes origines. Un dit de rupture, incompréhensible à l'enfant que j'étais. Double lien qui vous strangule.

J'ai pour le français, une passion modérée. Il véhicule autant le discours des tyrans que l'hymne à la liberté. Il demeure pour moi une langue imposée dans l'enfance dont la rouerie ne me fait point rire.
J'ai pour le français une passion épidermique quand il fracasse son moule conformiste et de savoir que cette langue peut le faire me l'a définitivement rendue désirable.


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