Reçu le corps 18 mai 1955 à 12h 50
Diagnostic : fracture du crâne par balle de revolver
Casablanca 20 mai 1955
j’ai trouvé cet automne l’annonce jaunie au dos de cette photo d’un couple tout juste marié.
Vous héritez d’un lieu, vous héritez de son histoire ou plutôt de ces fragments d’histoire.
Je n’ai jamais connu Claude. J’ai longtemps vécu avec Pierrette. Elle fut avec ma grand-mère, ma seconde tutrice. J’appris très tôt le sens du mot veuve. Mes tutrices étaient veuves. Nous allions le dimanche au « campo santo » saluer leurs époux qui étaient « partis ».
La photo de Piètro trônait sur la table de chevet dans la chambre de grand-mère. Nulle photo dans celle de Pierrette. Seul un Christ en bronze sur une croix de bois que je nommais « l’homme dans l’arbre".
Pierrette murée dans son chagrin.
Tonton Dinu, le frère de grand-mère, seul homme de la maisonnée qui gardait dans ses bronches les restes de la guerre de 14-18, me conviait à ne pas multiplier mes-mais pourquoi.
« Zitto, signorino Perchè »
Un jour assis sur ses genoux jouant avec ses bacchantes, sous la tonnelle de vigne qui ombrageait la casa, nous vîmes avancer un militaire en uniforme.
Dinu me le présenta comme le frère de Claude.
« è il tuo zio, giami » ajouta-t-il « si chiama Marcello ».
« è il tuo zio, giami » ajouta-t-il « si chiama Marcello ».
Dans ce monde de femmes, Dinu répondait à mes pourquoi, à mes « dis moi, Dinu » .
A l’automne 1959, Dinu s’éteignit.
Fus penché dans la boîte où il était allongé, je tendis la main pour tirer les bacchantes
et sentis ce froid si particulier de la rigidité cadavérique.
Je criai, me débattis et quittai le cercle des pleureuses pour me cacher derrière le noisetier .
et sentis ce froid si particulier de la rigidité cadavérique.
Je criai, me débattis et quittai le cercle des pleureuses pour me cacher derrière le noisetier .
La mort, ce jour là, prit place dans mon vocabulaire.
Il se peut que ce jour fonda et mon vocabulaire et ce que je ne voulais pas entendre.
Comme Dinu, Claude et Piétro étaient morts.
Ils n’étaient pas partis.
Ils étaient froids.
Froids comme le marbre de leur « maison nel campo santo».
Ils n’étaient pas partis.
Ils étaient froids.
Froids comme le marbre de leur « maison nel campo santo».
Dinu n’était plus là pour me dire « stai zitto Giami »
et je compris aussi que je devais avoir mes secrets.
et je compris aussi que je devais avoir mes secrets.
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