jeudi 11 décembre 2014

la mémoire et l'amer




j’écoute Ferré quand je sens trembler en moi cet indicible effroi du jet de dés originel.
Naitre ou ne pas naître et n’être. La poésie m’a toujours soutenu devant cet incompréhensible que l’on nomme « la vie ». 
La poésie offre cette tangence, ce frottement léger et vif des mots qui sans livrer un sens unique font sentir la complexité de la saveur. 
Je ne suis pas un être du contrôle. 
Je n’ai pas ce besoin fou d’assurer une image aux yeux des autres, je n’ai pas la naïveté non plus d’ériger le rationnel en loi d’airain. C’est peut-être cela qui suggère parfois que je suis un être faible et manipulable. Oui je suis faible, j’ai cultivé ma faiblesse non pas pour la comprendre. Pour en faire un outil. Ma faiblesse est devenue un merveilleux outil pour comprendre autrui, pour l’accompagner là où il n’ose pas souvent s’aventurer. 
Je reste un être manipulable pour saisir cette geste de l’autre à tenter de vous soumettre dans une forme d’aï ki do improvisé. 
Ma seule ambition a été de vivre un jour de plus et même là le mot « vivre » s’avère excessif, tant il s’agit pour moi de tenter de respirer. 
Tout enfant exerce d’emblée ses sens dans cette immédiateté brute, hors du langage. Il entend des bruits des tonalités, des sonorités et son potentiomètre interne étalonne l’état de vigilance. J’ai eu le privilège de mettre au monde un enfant, de voir sa petite tête forer l’étroit isthme vers la vie vers ce monde et ce qui étaient beauté et émerveillement pour moi restaient efforts et grimaces et effroi/et froid jusqu’à ce que reposée sur la peau et le sein de sa mère, elle crie, s’apaise et sente la chaleur voix et peau et mains et larmes de joie et d’épuisement.
Je n’ai pas eu ce parcours. Ignorant sa possibilité, je n’ai pas eu de regrets. Il serait erroné de conclure que l’ignorance vous épargne. L’ignorance est l’autre face de la violence, elle vient toujours inscrire en boomerang son entame.
J’ai une pensée adolescente, en état de néoténie. Elle n’a pas su dénouer les équations qu’elle énonçait. Je suis un vieil-homme qui anonne à ses filles des invitations incompréhensibles style « lisez, écrivez, il s’agit de votre liberté ». Elles imaginent que mon corps valétudinaire et ma feuille de salaire attestent des effets secondaires alors que mes murmures avouent mon indigence et mon refus de l’étude. Pour paraphraser René Char : - faut-il que leur héritage ne soit précédé de nul testament?-. 
J’ai vécu dans l’aporie du mensonge. Dans ce chaos où le sens des mots « polysémiquent ». Le mot « aimer » aiguisait un état d’alerte. J’étais un enfant méfiant au credo des adultes j’accordais nul crédit. Poétiquement je dirais ce jour que la mer m’a sauvé de l’amère mère. Ma mysoginie tatouait tout mon corps. 
Une femme venue d’Ombrie avec son dieu et ses onguents atténuait la blessure. Elle me hissait sur sa bicyclette et nous allions en bord de mer Palm beach, Croisette, la pantiero, le quai saint pierre, le boulevard du midi. Une femme m’a sauvé d’autres femmes sans m’imposer ses croyances me laissant entrevoir ce que je pouvais être et que je ne vois toujours pas. A sa peau parfois la rosée d’un parfum nommé « Je Reviens ».



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