me suis levé 6 heures avant ma naissance, j'ai toujours cherché à anticiper.
J'avais mes raisons, une histoire de mauvaises vibrations. Ce matin, tôt, m'est revenu à l'esprit un article de newsweek où un "neurologue", le docteur Alexander expliquait son expérience post-mortem momentanée. Donc le mec, il est neurologue, cela assure pour son récit, il s'offre un séjour dans ce qu'il nomme "l'au de là" suite à une méningite bactérienne. Un coma de sept jours pour faire le tour de la question et visiter la contrée où nous allons tous allés.
Je suspend le suspens pour les futurs migrants, il n'y aura pas de tempête, l'achéron n'est pas la méditerranée, vous ne serez pas bloqués dans un Menton quelconque faute de papiers. Vous allez, nous allons vogué dans le" tout amour".
Je mets un bémol en ces temps triple X. Ne vous imaginez ni gang bang, ni threesome, ni vos fantasmes les plus indicibles comme "tenir la main de la sainte vierge". Nous sommes dans l'immatérialité, un genre de sirop sans danger pour diabétique où les "âmes convolent".
En lisant l'article me suis dit "c'est de la bombe", c'est une invitation au suicide de masse, une revisitation de ce conte de grimm, le flutiste de Hamelin dont le son mélodieux entrainait les rats qui infestaient la ville à se noyer dans la Weser. Mais jusqu'à présent les effets se font attendre. Les seuls morts groupés ces derniers temps aux USA sont encore dûs à la folie raciste d'un post pubère fasciste. Et dire que ce merdeux ignore qu'il est destiné lui aussi à voguer pour l'éternité tout contre "les âmes de ceux qu'il a tué". L'amour vâche.
Mais revenons à moi-même. Je disais que je me suis éveillé six heures avant ma naissance avec ce souvenir qu'il me fallait à tout prix sortir de la matrice, le placenta avait un gout acide et pas lysergique et déjà un goût de paranoÏa me gagnait : "que fais tu là, que foetus là" disait la bad vibration, a-Sid, j'anticipais l'âge de glace, A-mére, la saveur du réel. Evitant l'aiguille à tricoter, je tempêtais pour voir l'issue ce jour de juin 1952 vers 11 h 30, et c'était un dimanche au moment où dans les églises romaines s'entendaient la locution latine "ITAE MISSA EST".
Je suis pas neurologue, ni gynécologue, quoique mes mains aient accompagné la sortie de Venezia du corps de sa mère (la symbolique n'a d'effets que sur moi) mais je peux dire que le voyage de ces 63 années a bien été pour ma pomme une quête éperdue avec le verbe "aimer". Je l'ai conjugué à tous les temps avec une préférence pour le présent et j'en conviens avec difficulté. J'aime, j'aime l'huile d'olive que me forçait à avaler "mémé Chaillou" prétextant que le chocolat de ma grand mère me donnait de l'eczéma, j'aime le nom de mahé "qui me fut donné" même s'il demeure un prête nom, j'aime gambader dans ce jardin gagner par les herbes hautes qui me filent des démangeaisons encore aujourd'hui et je ne gambade plus, j'aime ces moments d'enfances où j'allais jeté les graines aux poules que grand-mère allait zigouiller pour le plat de viande du dimanche. J'aime ces souvenirs de vacances torrides avec ami d'enfance et découvertes de l'émoi dans nos corps et lui sculpté comme un dieu grec. J'aime la saveur de ces flirts avec mon initiatrice, ma cadette de trois ans, qui me guida dans la transe, dans l'amour, qui m'apprit le prix de l'amour et la peur de la perdre quand la perte est le sans retour et ses dix jours de coma à l'hopital pasteur de Nice. J'aime ces femmes-enfant qui me recueillirent hagard, livide se donnèrent corps et âme sans attendre en retour du zombie advenu. J'aime ces jeunes femmes qui voulurent croire en "mes potentialités littéraires" et me laissèrent butiner et jouer au Turf pour le meilleur et pour l'Epire. Grâce à leur grâce antique. J'aime celle qui née un 26 juin me fit père de nos enfants pour des raisons la dépassant et nous fûmes dépassés. J'aime cette irruption vitale nommée Venezia, enfant désormais femme jeune et déterminée, meilleure que son géniteur mais pas forcément plus tétue. J'aime ma conscience à l'aube de sa vie prénommée Jade, inclassable et touche à tout, curieuse, esthète, gourmande, agile, osant se dépasser, domaine où son géniteur n'a jamais excellé. J'aime cette notion de moments-années qui zèbre ma conscience lacunaire. Je vis au présent avec des êtres aimés au cours de ces 63 années. Je suis fait de leur rencontre. Je les porte en moi, légèrement. Adolescent, déjà initié à ce que mourir signifiait, j'imaginais l'âme des morts dans cet ailleurs comme un regard constant pointé sur mes tribulations. j'en ris souvent : intérieurement. Cela ne m'a jamais dissuadé de cet exercice solitaire et bienfaisant que chantait Léo Ferré "Onanisme torché au papier de Hollande "(rien à voir avec flanby). Ce qui épris n'est plus apprendre dit Lao Tseu (traduction personnelle). Aimer comme respirer. Avaler tout. impossible de choisir parmi les particules fines, ceci dit parfois un moment d'apnée peut être salutaire.
Je vieillis bien.
J'ai moins peur. Six ans en chir D, cela forme. La vie, la mort et dans l'entre deux, plein de variantes de souffrances, de résurrections, de jeunes êtres qui s'activent avec leur savoir-faire, leur vie à taire, leur énergie no limit, parfois j'égrene leurs prénoms comme un rosaire, parfois j'en oublie. Je les vois dans mon oeil entonnoir, je recueille, je m'abreuve. Je n'ai aucun savoir tangible, ma mémoire travaille à effacer pour m'aider à vivre un jour de plus. Une variante de l'alzheimer qui est là positive. Je semble naître à la vie à chaque aube nouvelle. Curiosité post Juillet 2002, il m'arrivait alors de m'éveiller et de découvrir ma vue mononucléique.
Ma tête se tournait alors vers la droite et la gauche pour découvrir son nouveau champ visuel. Je m'alphabétisais. Les questions de la veille revenaient, comment allais je m'acclimater, comment allais je travailler, conduire, me mouvoir, comment allais je embrasser. Là j'étais dispensé.
Virginie Henderson que je ne connais pas lista mes 14 besoins sans que je le lui demande. Générosité de l'Ange. Aimer en serait la synthése et la difficulté aussi. Il est en effet préférable que la check-list soit au mieux. Mais l'esprit-corps humain est capable de se dépasser. Je me souviens de franches rigolades avec Léo dit barco dit Michel à propos d'un film des Monty Python "Sacré Graal",
nous étions dans sa chambre à Rueil-malmaison, soins palliatifs, la tumeur avait amoindri son équilibre et le borgne guidait le brinquebalant dans le jardin, sa perspective était plus réduite que la mienne, il en riait et je ne sais pourquoi il s'exclama "le chevalier noir, tu te souviens du chevalier noir" nous nous regardames et le cri jaillit de nos bouches "Lâche". nous étions dans la forêt, la mort s'avançait, elle l'avait touché au bras, à la jambe et Barco l'invectivait en riant jusqu'aux larmes. Aimer est le verbe. Je vis de ces moments, de tous ces moments qui jalonnent ma vie. L'improbable et l'inattendu c'est cela que je me suis efforcé d'atteindre et qui me constitue.
Les avoir vacillent, les êtres nous comblent nous laissent entrevoir l'au de là de nous-mêmes, ce flux qui nous trame en relation. Nous sommes singulier et pluriel, originaux et mêlés.
Etrange est la vie à qui cherche du sens comme l'obsessionnel que je demeure. Mezzo mato forse non mezzo.
Une femme née un 26 juin accompagne mon existence et son doux prénom de Patricia.
Le docteur Alexander est revenu de son escapade. Son cerveau à nouveau fonctionnel retranscrit ses visions hallucinées. Le neurologue patenté, expert en encéphale et en cartographie de nos émotions doit encore cogiter. Son expérience était loin du coma dépassé. La notion d'âme reste à explorer. Je me souviens à ce propos du 19 février 1993, dans une chambre de la clinique "Plein Ciel" (je n'invente pas) de cet ultime épisode où mon "père-beau" après une nuit agitée par des aspirations successives pour dégager ses voies respiratoires rendit "l'âme".
Deux anges lui faisaient la toilette, son corps parchemin respirait avec l'aide du dernier poumon et la délicatesse de ces femmes accompagnérent ses ultimes bouffées d'air. Il fit une apnée longue et repris l'air dans un râle, l'ange qui tentait de lui prendre le pouls sursauta, recula, se rapprocha, me regarda, reprit le pouls à la carotide et du regard me fit comprendre. Je fermais ses paupières. Les anges allérent voir leur infirmière.En regardant Marcel je sentis un vide en moi se faire, un vide sans nom, je lui pris la main, je me mis à balbutier "ô père, qui n'est pas mon père, je te choisis. Je m'accrochais à sa main mes yeux se vidaient de larmes, je reniflais, dégageais ma main de la sienne pou éponger mon visage et machinalement me tournais vers la fenêtre pour l'ouvrir. L'infirmière entra, c'était une grande fille du Nord, une "chti", elle l'avait suivi tout le séjour, elle chantait pour lui en italien croyant qu'il comprenait par ce qu'elle m'avait surpris à murmurer à des amis dans cette langue. Je la regardais et ma voix prononça "ho aperto per la sua anima che se ne va" et les larmes coulérent sur nos visages.