Pierrette écrit à Marcel en ce 25 juillet, elle omet l'année. Nous sommes en pleine guerre d'Algérie. A cette date, elle a à peine plus de 26 ans. Elle est veuve. Claude, son mari, gendarme stationné au Maroc vient d'être tué en mission. Elle vient de déménager d'orange où le couple résidait à la caserne pour revenir vivre auprès de sa mère, ma grand-mère. Marcel, frère cadet de Claude est soldat quelque part en Algérie. Il attend son rapatriement en France du fait du décès de son frère au combat. Il lui a été refusé. "C'est tout simplement odieux " écrit Pierrette.
L'écriture de Pierrette est douce comme sa peau comme ses souvenirs que j'ai de son visage. C'est en mon esprit, l'italienne de la retenue, de la tendresse, de la sollicitude, de cette attention à l'autre. Elle est dans le trauma qui lui vaudra un cancer généralisé mais elle ne pleure pas sur elle. La mort du mari et du frère est indirectement évoquée. Dans le clan, Pierrette est la Madonne double face, Marie-Jeanne la fourmi culpabilisée, la nonna, une Médée pièmontaise dont la force intérieure était inversement proportionnelle à sa taille.
J'établis la date à l'été 1958, je viens d'avoir 6 ans, Patricia a 3 ans et demi, Alain 7ans. Je me souviens de la raclée, "je suis le canaque" que "mémée Tosello" a rossé pour l'exemple.
Elle écrit à "son vieux frère" qui est en fait plus jeune qu'elle et dépeint un moment de vie dans ce coin de métropole où la guerre se résume à des graffitis de l'OAS sur les murs du village.
Je vais planter du jasmin dans un recoin du terrain, je le laisserai s'épanouir pour que ses effluves, peut être, me rappellent. Madeleine proustienne.
Maddalena era il cognome della nonna.
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