lundi 25 mai 2009
24 mai
quand la collégue m'a prévenu qu'elle tentait de sortir du lit, je me suis précipité et Maria l'infirmiére a aussi pressé le pas. Elle était encore sur son lit les jambes entre les barrières
tentant de se dégager. Je lui ai demandé ce qu'elle faisait, elle m'a répondu qu'elle voulait retourner dans sa chambre, j'ai regardé Maria dans son diagnostic muet tandis que la patiente énervée ajoutait : "mais vous vous savez d'où je viens et où je vais". La phrase roula dans mon esprit, je dégageais ses jambes des barrières et nous l'allongeâmes dans son lit. Je crus devoir reprendre la chronologie altérée des derniers temps, la chute dans son jardin, la fracture de sa hanche , les urgences, l'opération, sa présence dans cette chambre. J'allais poursuivre l'inventaire quand elle se rendit compte de la présence de sa voisine. Sa pensée sembla se reconnecter au réel, elle lui sourit.
L'autre femme qui pourrait être sa fille a toujours le visage souriant, la parole positive. Dans ces chambres à deux lits le hasard glisse d'improbables rencontres, parfois.
Là où les gestionnaires vous diront "à la 52 et à la 54 deux PTH", vivent depuis qqs jours deux êtres, l'une perd la mémoire et l'autre la vue en plus de leurs fractures du fémur.
La deuxième veille sur son ainée avec cette attention particulière d'un être qui ose penser, qui ose affronter son épreuve et elle vous dirait qu'elle n'a pas d'autres choix. Elle veille car elle se rend bien compte que notre temps dédié aux soins se restreint en se multipliant par le nombre accru de patients vieillissant "à pathologies multiples".
Les sonnettes résonnent dans le couloir sans préciser la nature de l'alerte. Chaque matin est cadencé par les visites des médecins, le travail des kinés et dans leur majorité les patients souhaitent naturellement avoir fait leur toilette; avoir déjeuné avant les "épreuves". Dans cet entre deux, infirmières, aides soignantes, agents de service doivent jongler dans un exercice chaque jour différent et plein de surprises pour veiller aux soins et à l'hygiéne des lieux.
Quantifier ce réel est devenu le travail ardu du gestionnaire. Ardu car rabattre le vivant en terme de chiffres s'avére immanquablement une atteinte au vivant.
Pour le gestionnaire tout cela n'est que "philosophie" sur l'écran de sa calculette n'apparait aucun visage en souffrance, aucun corps "entamé" qu'il aura à soutenir.
Ah qui dira le doux silence des chiffres!
Dans l'organisation actuelle du travail privilégiant un vocabulaire paravent de pseudo quantification de l'acte médical on vous dira "une PTH c'est dix jours", occultant sans la moindre pudeur la vie d'être avec leur histoire, leurs souffrances multiformes.
Une observation plus méticuleuse de la vie d'un service, des aléas et autres imprévus
aurait tôt fait de démontrer l'impéritie contre productive à diminuer les postes de travail
à faire "moins bien" aux prix de risques accrus, comme si les patients désormais clients étaient incapables de constater l'inadaptation des salle de bains, des lits "moyennageux", de vérifier l'inappétance de repas si peu enthousiasmants.
Insidieusement se sont installés dans le monde médical vertébré par "l'éthique du soin", les clics de la calculette et pour chacun soignant-soigné, c'est aussi une question de ROM ET DE RAM, de mémoire vive et de mémoire morte dont il est aujourd'hui question.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire