Doit on lire en miroir ce que l'on est dans le comportement des autres à votre égard?
Cette interrogation me travaille souvent et laisse en moi un goût amer : sur moi-même.
J'ai souvent eu cette crédulité de penser que la question traversait l'esprit de tout un chacun et vertèbrait un être au monde. C'est dire mon ingénuité.
J'ai cet étrange sentiment d'être un étranger dans ma propre famille. Je ne parle pas de ma famille d'origine, là je n'ai jamais eu le moindre doute, ayant goutté au doux nom de bâtard par "les miens" sans qu'aucun ne soit choqué, juste sidéré et muet sur l'éclair prononcė.
L'enfant que j'étais, ignorait le réel sens du mot mais devinait déjà que nous étions loin d'un superlatif. L'enfant que j'étais ignoré surtout ce pan de son histoire bien savamment caché.
N'être défendu par aucun des "siens" plonge votre être dans une séquence philosophique irremplaçable et fondatrice.
Je hais les familles, je hais les nations, je hais tous ces mensonges fondateurs qui sur l'autel tranchent avec ardeur et délectation non le mouton symbolique mais l'autre humain, faute d'être.
J'ai tellement haï les familles que j'ai différé la tentation d'en édifier une. Sur l'amour.
Où du moins l'idée que je m'en faisais. Les adultes restent avec leurs manques et leurs limites, les enfants trinquent et s'adaptent.
Notre couple avait rapidement versé dans l' "anamour", la défiance avait glacé la couche, le non dit, le mépris avait fait le reste et les bons sentiments, ce minimum vital, smic de l'âme avaient tramé la survivance de la vie côte à côte. J' avais eu tout le temps de lister tout ce qui avait pu foirer.
Nous nous étions trompés d'histoire d'amour, bizarrement j'étais tenté de penser que les enfants en semblaient soulagées.
Je laissais à chacune ses constats. J'avais observé les princesses édifier leur personnalité. Elles allaient grappillant autour d'elles : le meilleur, pour elles.
J'en éprouvais un certain soulagement voyant l'aînée à l'aube de ses quatre ans tirer une selle aussi lourde qu'elle et braver mistral et tramontane pour se hisser sur un poney qu'un homme prénommé Roger amenait aux jardins "de la fontaine".
Ou la cadette regarder avec les yeux de Chimène, la lady qui initiait son corps à l'envolée sur les parquets de danse.
Je regardais l'une et l'autre "chourrer" les vêtements de leur mère comme un passage à la féminité. L'exercice dessinait cette tentation d'accéder à un statut, à en sentir le trouble, à patiemment greffer la nuance qui de l'identification vous ouvre sur autre dimension. Le sérieux à investir le rôle était touchant et beau comme un Annapurna à gravir. Il ne me serait pas venu à l'idée de les dissuader.
Nous ne savons pas ce que nous léguons. Ou du moins nous pouvons présumer.
Je notais comme une sorte d'indifférence, une sorte d'équivalence entre présence- absence.
Mon ego dût en être profondément blessé car sans entrer dans le débat, je me retirais d'un lieu où ma présence avait si peu de sens. Eus toute la nuit pour y songer. Le borgne en moi gardait quelque acuité. N'avais je pas atteint mon objectif en rendant mon existence anodine? On ne peut se prévaloir d'un ego revendicatif dans cette optique d'une mise à distance.
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