je n’écris pas après 19h, mes yeux ont besoin de pénombre et de toute manière mon esprit glisse à marée basse. L’angoisse crépusculaire, cette soudaine chappe de plomb qui recouvre le besoin de vivre : un syndrome de vieillard ou plutôt de certains vieillards. J’ai peur de la mort. Je ne parle pas de cette mort clinique mais de la mort de l’esprit, cet état de non activité de la pensée quand affalé sur un canapé (au mieux) pour x bonnes raisons je plonge dans cet état végétatif avec l’écran soporifique en fond lumineux et sonore. Et cet état me guette trop souvent.
Je suis d’un naturel désenchanté, celles, ceux qui me côtoient pourraient dire que je passe mon temps à chanter, fredonner, siffloter et que cela semble une nécéssité. Je ne fais que rassembler mon énergie quand des tâches subalternes requièrent ma présence immédiate. Quand je ne chante pas , je suis dans un ailleurs, je me débats dans des solilogues sans fin sur une vie qui m’échappe. Non pas seulement la mienne, ces états de vie que j’observe autour de moi, ce grand théâtre aux rôles complexes et multiformes dont la superficialité peut être aussi cruelle que la profondeur dérisoire. Je ne suis pas un cynique. Ma misanthropie s’accompagne aussi d’une certaine curiosité dans un effet miroir à ma propre finitude. L’être qui m’aimait me surnommait “Mister Eternity”. J’acceptais ce paradoxe imaginant que le temps viendrait où je comprendrais. Avoir un surnom donnait à mon être plus qu’un sentiment d’existence. Un sentiment de liberté. Cette liberté avait fait bien des détours dans mon existence. Elle avait eu le gout très tôt de l’extranéité, dans cette situation entre deux langues où l’italienne dominante, celle qui dit “la loi”, plonge dans son effacement pour laisser émerger les sonorités de ce que j’appelle “l’embrouille”, “l’ideologie des temps présents”, rumeurs et Histoire.
J’oubliais la langue nourricière pour m’immerger dans l’illusoire. La langue française est par excellence la langue de l’Histoire, du récit historique dans tout ce qu’il a d’ambigü, de parcellaire mais aussi de ce lyrisme nécessaire à faire des champs de batailles d’ultimes scénes de musée. Elle s’accommode de toutes les revisitations.
J’aimais la langue française : pour ma mystification. Dans cet insondable de mon origine, la grammaire française m’a plus structuré que la nonna.
Sujet, verbe, complément tissent le champ d’existence du quidam vers le conformisme.
Le besoin de conformisme quand tout dans mon être me clivait à la marge. “Je” devins français. La richesse de l’être français s’il est bien nourri de cette histoire conquérante de la pensée au de là des frontières, au de là de la “cellule” familiale vers cette primauté de l’individu qui single jusqu’à notre première constitution républicaine aux frontispices des mairies, porte à sourire sur les débats du temps autour du mariage.
J’ai toujours éxécré l’institution du mariage, la cellule familiale tant plongé en happe-né, j’ai goutté à toutes ces simagrées, ce large spectre de l’hypocrisie des rôles et des sentiments, des jeux de pouvoir et de soumission. Stop. Je ne dis pas que je suis exempt de “vilénies”.
Je constate combien cet univers familialiste mutile chaque individu, adulte, enfant. Notre besoin de conformisme est si fort en chacun de nous. Les rebelles radicaux plongent rapidement dans des folies, des espaces sans retour
Devins ingénu mais pas naïf. L’ingénuité colle bien à ma langue. J’eusses aimé être un Cervantés hexagonal, glorifiant la rondeur d’un Sancho Panza plus que les errances du Don Qui...
La dérive semblait être ma patrie. Je croyais que le territoire n’avait qu’une dimension que je nommais NON A, en miroir à Van Vogt. Ne pas Appartenir. Dans cet espace, je vivais depuis le temps de l’origine, m’accommodant du rejet, du sans nom. Ma faculté à aimer était particulière. Je percevais la brillance de l’autre, cette singularité à ce qui me semblait être si obscur en moi. J’appelais cela “aimer”. Il ne m’importait pas d’être aimé. J’étais étanche, pelliculé par tant de discours menteurs. J’approchais tout autre dans cet état curieux à observer quelques éclosions. J’allais à l’essentiel aux êtres qui m’étaient essentiels.