tandis que la mère regardait la video au débit approximatif, les filles mimaient mi ironiques, mi transportées. Je me demandais quelles images traversaient son esprit, étaient celles d'un amant qui s'éloignait, était ce plus ontologique, un appel du plus profond sur l'essentiel de nos êtres à vivre quoique soit l'épreuve.
Emily nous irradiait. Il y avait là une subtile vérité dans le chant de cette femme, quelque chose de féminin lié à la gestation de "la vie", d'un devenir toujours possible.
"Que je n'ai plus peur", le chant scandait le tréfonds "can take my pain away".
La pulsation gagnait nos corps, peaux de tambour.
On ne dira jamais ce que nous devons à l'Afrique dans cette idiosyncrasie existence-chant. Quand devant l'abîme de nos êtres, le recours a capella d'un espoir, d'une ultime tension d'énergie en nous. Qui dira les ressources de nos êtres agenouillés dans une voix qui là tire.
Il est des chants qui en apprennent plus que de longs discours tant ils arraisonnent nos frêles esquifs.
"Mais moi je suis en vie" l'affirmation me percutait me rappelant combien de chaos m'avaient régénér' & poussé un peu plus loin.
Un sentiment de responsabilité, être responsable de sa vie, l'idée n'avait rien de frivole mais restait chétive comme si le fait de vivre m'intimiderait toujours.
N'avais rien d'hédoniste ni de jouisseur mais l'étrangeté de "vivre" m'avait inoculé le besoin d'étreindre l'autre comme pour vérifier ce que vivre était. "Fais battre ton tambour", l'invocation se faisait caressante, il en était ainsi, fais battre ton tambour comme va puiser en toi.
"Je sens les larmes qui montent, mais je ne vais pas pleurer", la ritournelle raclait l'insondable là où dans le magma de la mémoire morte s'est fécondé ce qui nous tient. Pas vraiment un programme, ni même une spore, peut être une odeur, une humeur, une bribe de langage qui nous identifiait avant la signature "je tape sur mon corps je tape je tape encore", combien de fois m'étais je senti perdu, combien de fois avant que le langage me livre quelques issues, non tant des explications mais de ces radicelles qui font les plantes vivaces quand privées de racines elles sont livrées à tous les vents. Contrairement à ce que proclame les bandes à bon dieu, un enfant n'a pas besoin "que d'un père et d'une mère pour s'émanciper" mais d'un Kriss pour rendre coup pour coup tant chaque être dans sa solitude reste à la merci d'un environnement hostile. Et je remets bien volontiers ce dire comme arme symbolique à mes propres enfants pour qu'ils se prémunissent de mes égarements et de mes blessures à leur encontre. "Je sens monter la colère mais je ne vais pas crier", les dire d'Emily me rattrapaient, foin des prosélytismes de tous poils, penser en première personne avec ce corps-esprit que je squattais.
"fais battre mon tambour,
fais moi danser,
qu'il sonne mon tambour
jusque dans mes pieds,
je sens la peine qui gronde je vais la chanter".
Mon amie est partie
et partie pour toujours
, suis pas sur d'être en vie,
je frappe mon tambour,
j'ai étreint d'autres vies qui m'ont parlé d'amour,
n'ai pas vraiment compris
que l'émoi sur moi naquit.
Ai fait bouger mon corps
sans quête de bonheur,
eus aimé être conquis
mais là c'est du labeur
" J'ai la gorge qui se serre mais je ne vais pas pleurer"
quand la musique est amère faut aussi l'apprécier!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire