vendredi 5 septembre 2008

juin début


Découvrez Léo Ferré!


je ne sais pourquoi, j'ai longtemps chanté cette chanson de léo ferré dans un temps où j'étais rivé à une machine qui fixait le tempo. L'ouverture et la fermeture de la presse égrenaient les minutes et assourdissaient mon chant. Pour les autres, j'étais muet. J'étais surtout sans voie. Dans cette aporie où vous plonge la mort de l'autre. Et chaque jour je revenais pointer comme pour vérifier mon existence là où mes collégues venaient gagner leur vie.
Dans cet isolement salarié mon langage s'érodait et les paroles de ferré sortaient de mes poumons comme un dernier cantique. C'était simple, mes mains alimentaient les moules brûlant de matière plastique, refermaient la presse, ébavuraient les piéces chaudes, les assemblaient, les rangeaient puis réouvraient la presse. Mon regard restait fixé sur le visage que je ne verrai plus et ma voix criait son credo improbable.
Bruits, poussières et mélopées.
Je ne sais ce que mes collégues lisaient sur mes lèvres. Parfois je les voyais sourire, faire des gestes de partage ou prendre à témoin l'escadron de jeunes femmes à la dextérité étonnante qui embobinaient sans perdre haleine de longs fils de cuivre comme d'étranges "Pénélope".
Je ne pouvais pas parler. Ils ne pouvaient pas entendre.
La poésie de Ferré comme une ritournelle nécessaire et incompréhensible nourrissait mon esprit dans cet effritement du sens et cette peur prégnante de la folie.
Aujourd'hui je mesure qu'elle a aussi gainé mes neurones pour m'aider à tenir devant la souffrance d'un autre!

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