mercredi 27 août 2014

27 aout 2014 /the house of the setting son

j'aime bien cette photo, la posture qu'elle saisit, le souvenir qu'elle trace en pointillés.
Etre inscrit dans un lieu et être exproprié de soi.

Ma barbe a poussé avec d'étranges idées. Un jour de mai 1979, dans leur résidence de Mougins, Marcel, mon père m'apprend qu'il est mon beau-père. Marie-Jeanne somnole dans la chambre à côté après avoir testé quelques barbituriques. Leur couple explose et Marie-Jeanne me reproche ma mauvaise influence sur son mari. Je ne vis pas dans leur parage depuis 10 ans. Elle ignore tout de ma vie, de ces dernières années à marner en usine, de la mort de Patricia, quatre ans auparavant, de ces années 76-77  à m'occuper de sa mère. Elle cherche des pourquoi aux fredaines de son mari et parmi les pourquoi ma vie "dissolue".
Ainsi est "ma famille".
Nous sommes un an plus tard à l'aube de l'été 1980, j'ai mon permis moto depuis avril, ma barbe pousse avec l'idée d'aller à la rencontre de mon géniteur qui est d'après les dires de Marie-Jeanne, coiffeur.
La déflagration a fait place à un étrange synopsis. Aller sur ses terres sur mon nouveau destrier, aller le défier,  mon visage barbu, masqué et lui maniant le rasoir pour se frayer le chemin jusqu'à ma peau.
Mon existence échafaudée comme un théâtre antique faute d'y puiser du sens. Il me plait de surprendre. De mettre l'autre en porte à faux, dans un déséquilibre qui le révéle et l'accouche de ce qu'il tente de cacher. Etre manipulé ouvre un champ de possible où "l'arroseur peut tout aussi bien être à rosser."

J'arpente ce lieu de mon enfance, tête inclinée, pensive, je suis le gardien. Marie-Jeanne le déteste, elle y a vécu trop d'humiliations. Je le chéris comme on porte sa croix. Dans un monologue muet. Le lieu est habité. Je ne parle pas de fantômes, je ne parle pas de délires. Je parle d'un état entre soi et un espace tissé de tant de faits en jachère dans sa mémoire.
Cette photo date de juin 1980, j'ai 28 ans et un synopsis en tête où prolifère une barbe de plusieurs jours. Je bricole sous la canicule avant de filer sur Nice en moto pour me joindre à une fête entre amis.
Muriel reçoit derrière le stade du Ray. Ses ami-e-s. Depuis quatre ans je n'ai plus d'amis, mon monde s'est désagrégé. Muriel est mon seul lien. amante-confidente-pan de mémoire- être cardinal, elle a tout juste 23 ans et cette lucidité qui fait tanguer une jeune femme entre nadir et zénith.
Les verres tintent, les conversations nouent et dénouent les tête à tête, les petits groupes d'une pièce à l'autre. Il fait chaud c'est l'été, les fenêtres sont ouvertes, une voix attire une petite assistance, le conteur est bel homme, plus âgé et savant, les bribes me parviennent, il est question d'une TS, une femme éconduite et blessée qui va s'ôter la vie, il est question de destop, les deux syllabes percutent mon esprit tandis que mes mains serrent le cou du gonze. Dans le mouvement, je l'entraîne vers la fenêtre, mes amis crient tentent de me retenir tandis que j'éructe au mec soudain rougeaud "le secret professionnel, tu connais, tu es son psy, je suis le fils". Je finis par être plaqué au sol tandis que l'autre tousse, tiens sa gorge. Je me dégage, me relève, je ne suis plus le bienvenu.
Muriel, seule a compris. Je connais la patiente : cette femme est ma génitrice.
Je suis furieux et je vois que personne dans l'assistance n'a une idée de cette fureur. Elle a peu à voir avec ce secret professionnel, elle porte sur le récit, sur ce détestable récit plein de certitudes où le spectaculaire escamote le fond, escamote l'histoire, escamote la folie et revient sur moi comme un boomerang dévastateur. J'ai envie de tuer; je me tire.
48 h après je partais vers Marseille, vers ce havre, un dessein.


 

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