mercredi 29 décembre 2010

2 janvier 1955 /The Doors - I looked at you


je regarde en arrière. J'avance l'esprit et non l'oeil dans le rétro. Combien de fois me fut-il fait ce reproche "de vivre dans le passé" dans une vaine nostalgie. Je ne tins jamais compte de ces remarques.
Me suis toujours inscrit en faux à ces dires dont le bon-sens comme souvent plongeait dans une simplicité affligeante. Le passé est notre premier savoir, les failles de notre passé, notre seul étalonnage. Dans cet état d'ignorance dominante où glissent nos existences, le futur s'avère l'inconnu, le présent l'à peine palpable. Le passé, la trame parcellaire de souvenirs approximatifs.
Nous gardons les parfums qui nous font toujours cheminer sur tant d' "étaient", des séquences 24 images/sec dansent dans nos esprits comme autant de clignotements sur cette berge au loin que nos corps ont atteint et dont le reflux, lame marine du temps, nous déporte à jamais.
La nostalgie n'est pas forcément de l'ordre du larmoiement, de la plainte.
Elle vous vaccine du doute sur "ce qui a été", de ce qui ne sera jamais soustrait. Elle vous murmure ce dont vous êtes capable, ce dont vous avez été capable dans ces temps d'innocence.
Elle vertèbre votre savoir de l'expérience de cette traversée, elle vous parle de la haine, de la vengeance, de ces blessures ontologiques qui balafrent votre être et terrorisent votre pensée. Elle vous guide vers la résilience caminando sur le long précipice de la folie.
La nostalgie a la vertu du blues, elle vous prend corps et âme, ne livre nulle vérité, seules des bribes, ces pointillés salutaires qui vous aideront à vivre un jour de plus.
Elle sera menteuse si vous n'y prenez garde ou si vous préférez vous épargner. Et là dans le marécage du refoulé, ne restez pas seul pour en réchapper
.
Le 2 janvier, elle naquit. Je regarde parfois une photo de ses premières années, dans cet espace familier où je la vis grandir de loin. Dans ces temps de l'enfance, le mot amour n'existe pas. Je la voyais passer tenant la main de sa jeune mère, l'une enjouée, l'autre radieuse. Nous vécumes à portée de regard dans des familles écorchées. Moi dans le mensonge, elle, dans la fureur de conflits parentaux irrigués par l'alcool. J'étais naïf, elle était pressée. J'étais craintif, elle, déterminée. Nos révoltes étaient aux antipodes, la mienne livresque, la sienne existentielle. Ce ne fut pas qu'un temps idyllique, ce fut souvent pour elle, souffrances et larmes et ce souffle aléatoire qui jouait avec sa vie. Eûmes des apogées et des certitudes de fin. Des nuits sans sommeil dans l'extase et l'angoisse. Ne parlâmes jamais de futur et nos enfants ne purent naître d'un commun accord. Elles rencontra d'autres hommes et femmes aussi qui l'aimèrent aussi et peut être mieux.
Il me laisse sans repos. De quel droit, invoques tu ma mémoire! De quel droit témoignes tu de mon passage. De quel droit , joues tu avec le trouble de ma si brève existence. Pourquoi ces ressassées? Je n'ai jamais eu le temps de goutter à l'amertume des échecs, des glissements, des fins. Osais tu me prendre pour une minette quand je glissais de boîtes en boites sur ces airs rock and roll? Je n'avais ni le temps de provoquer, ni celui d'expliquer. Nuit et jour, la quête du souffle m'imposait l'essentiel. Toi qui fus si près, n'oublie jamais la voie lactée nous séparant quand ma respiration haletait. Que crois tu révéler, qu'as tu pu saisir, je ris de ces images que tu dessines de moi. Mes yeux bridés sans Orient, l'asthme, un yoga pour nul nirvana. Tu n'as rien retenu de mon enseignement. Si pesant était ton corps-fantôme. J'ai lu la terreur dans tes yeux, tant de choses étaient m^lées. Je voyais ma mort dans tes yeux, je voyais ta peur. J'attendais de toi l'énergie de la vie, tu savais combien mon temps était compté. Je suis partie à Paris, tu ignoreras toujours combien je t'aimais, tu ne sauras rien de l'amour, n'ayant vu ce que mon être condamné était prêt à donner. Tu me fuyais et tu fuyais la vie. Tu as oublié tous les secrets qui nous liaient, tous les chemins parcourus, tu as laissé la peur te posséder.
Je suis revenue vers toi, tu as pleuré, il t'a toujours fallu trop de temps pour comprendre. Ce lent travail de l'intellect à sous peser toute chose.
Les regrets, les remords, toutes ces larmes d'aquarelles m'ont toujours fait injure"

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