S’appelait-il encore colonnel Lawrence, ce mois de mai 1935, roulant entre les cottages d’angleterre sur sa Brough 1000 cm3. Un dos d’âne, deux cyclistes masqués, c’est la fin.
Je me souviens des yeux bleux de Peter O’Toole et d’un désert sur un écran des années soixante.
Plus tard, bien plus tard, je pris connaissance de sa phrase-emblème.
Ou Phrontis, en grec, ne t’en fais pas.
Elle avait treize ans en ce printemps 1968. Treize ans et un savoir immémorial puisé dans ses parcours dans l’anoxie. C’était un samouraï, elle en avait le codex gravé dans la peau et les yeux bridés et l’art de vivre avec urgence : intensités. Elle était vivante, danse avec un E, dense avec un A : ses polarités Quand ma mémoire a-t-elle basculé, faisant de moi un faux témoin, pétrifié, des éclats dans la tête, des secrets relégués, des visions ensablées, tant de trésors dans ce dédale?
OU PHRONTIS
je me souviens
-Ne t’en fais pas” disait elle, “tu me survivras, tu connaîtras d’autres filles, bien sûr tu ne m’oublieras pas...”
-Ne t’en fais pas, désenclave toi de ce marécage, j’ai besoin de ta présence, de toute ta présence...”
OU PHRONTIS
un an avant sa mort, son retour à Cannes.
-”j’ai lu la terreur dans tes yeux , jm, tant de choses étaient mêlées...” -”je voyais ma mort dans tes yeux, je voyais ta peur.” -”J’attendais de toi, l’énergie de la vie, tu savais combien mon temps était compté.” -”je suis partie à paris, tu ignoreras toujours combien je t’aimais. Tu ne sauras rien de l’amour, n’ayant vu ce que mon être condamné était prêt à donner.” -”je suis partie à Paris, je n’avais pas d’autre choix.” -”Tu étais fantôme, tu avais perdu la parole. Quand tu l’as retrouvée, c’était pour balbutier des choses insensées : t’établir en usine et toutes tes chimères militantes de luttes des classes.” -”Tu me fuyais, jm et tu fuyais la vie, bien sûr nous étions murés et tu as oubliué tous les secrets qui nous liaient, tous les chemins parcourus, tu as laissé la peur te posséder.” -”je suis revenue vers toi, tu en as pleuré. Il t’a toujours fallu du temps pour comprendre, ce lent travail de l’intellect à sous peser toutes choses.”
OU PHRONTIS
je me souviens
-”je te verrai avant ton départ pour Londres, jm”
*”je ne sais pas si j’y vais”
-”tu en as envie”
*”oui”
-”n’hésite pas, tu te souviens de cette chemise de nuit?
*”tu l’avais piquée à ta mére”, je ne peux pas rester!
-”tu ne me désires plus!”
*”ô bambolina”
OU PHRONTIS
il descend du train, c’est l’assomption, il a 23 ans, dans le snack de la gare, deux copains attablès font mine de ne pas le voir, il s’approche, ne comprend pas leurs visages, demande des nouvelles. Les garçons restent évasifs, il se dirige vers le bus sentant leur regard ne pas le quitter.
OU PHRONTIS
vers la casa ses pas. Il doit être onze heures, Dans la rue, un homme sur son vélomoteur se rapproche, Henri va au marché. Le vélomoteur ralentit, henri s’arrête, des siècles sur son visage, deslarmes dans sa voix :
¤”Où étais tu?”
*”à Londres!”
¤ “Patricia est morte, il y a trois jours, Jacqueline veut te voir.” *”oui, oui murmure-t-il,son mental assourdi devient proie de l’absurde. *”cela s’est produit/ cela s’est produit...” Ces mots imaginés sont moi sonnés. Ces mots, fourches caudines, récolte tant redoutée Now liés/ syllabes après syllabes à son corps, mécanique apeurée. Aporie!
OU PHRONTIS
il prend la voiture, se retrouve chez des amis, lourds de veille leurs visages, attendant un impossible démenti.
<”Jacqueline veut te voir, disent ils
*”je sais, je sais” .Il prend L par la main, il l’embrasse, lui parle, le réconforte
*”je ne peux même pas pleurer” murmure-t-il
*”allons chez toi”, elle acquiesce, il lui tient la main, la tiendra tout au long du trajet, dans l’appartement, il la saisira à bras le corps criant : *”tu es vivante, vivante”, elle l’écoute, l’accepte assummant sans mot dire la dérive de l’autre, puis quand il lui dit qu’il lui faut être seul quelques heures, elle hésite : “ne t’en fais pas” ajoute -t-il
OU PHRONTIS
derrière des lunettes fumées, incognito de lui même, il regarde une tombe simplement fleurie.
Ses lèvres, sans qu’un son ne les franchisse, tentant un impossible dialogue.
*”je suis là/je suis là”
borborygmes de l’absurde et l’écho lui rèvéle le dérisoire.
Dans une allée adjacente, une femme s’approche, elle est grande, jeune, porte une robe à fleurs, une manche déchirée dénude son épaule, elle s’arrête de vant lui :
↠”vous connaissiez cette personne” me demande -t-elle
*”Elle avait vingt ans”, les mots s’échappent de ma bouche
↠”je suis venue sur la tombe de mon enfant” reprend la femme, “il est mort asphyxié, nous étions à une soirée.... Je viens lui parler”
J’acquiesce de la tête tant je n’ai plus de mots, la femme s’éloigne.
Je la suis du regard dans ce périmétre d’enfance parcouru ogni domenica
dans ces rituels al campo santo cadencés aux sanglots de la nonna et de sa tante.
Lui aussi s’éloigne et sa mémoire s’éloigne aussi.
OU PHRONTIS
Jacqueline t’attend
du haut de la rue, elle le regarde dans cette non ascension, lenteur de ses pas
vers un moment tant appréhendé.
Jacqueline sourit, il est désemparé de se trouver devant la mère.
Il oubliera à tout jamais les premiers mots échangés, se retrouve dans le salon.
Elle apporte du café, il le hume comme un besoin d’encens, comme si les volutes
traçaient les torsades d’un temps projeté.
Elle raconte la crise d’asthme, le périple du transport à l’hôpital des broussailles, puis de Nice.
Le seul poumon d’acier en salle de réanimation déjà utilisé, cette même salle dont elle était sortie d’un coma de dix jours, trois ans auparavant. Son regard balaye le salon, les photos de leur fille, vesta silencieuse d’une histoire chaotique. Henri entre, s’assoie dans un fauteuil, laissant sa femme parler, des larmes dans ses yeux. Les voilà face à face sans le seul être qui régulait tant de folies et dans le paroxysme de leur douleur, cette femme, cet homme s’inquiètent de ses réactions.
Jamais dans son existence, il n’a ressenti une telle bienveillance.
Redouble dans le trèfond de mon être une sorte d’indignité
tant grande fut ma lâcheté.
tout ce qu’il enregistre est absorbé par l’oubli.
Il perd la chronologie de cette vie.
Les repéres de son existence
se dérobent
Cette peur de la perte si inhérente à son être
trouve la voie de sa réalisation.
Ses sens se pétrifient
-corps dans son chaos-
-
S’appelait-il encore colonnel Lawrence, ce mois de mai 1935, roulant entre les cottages d’angleterre sur sa Brough 1000 cm3. Un dos d’âne, deux cyclistes masqués, c’est la fin.
Je me souviens des yeux bleux de Peter O’Toole et d’un désert sur un écran des années soixante.
Plus tard, bien plus tard, je pris connaissance de sa phrase-emblème.
Ou Phrontis, en grec, ne t’en fais pas.
Elle avait treize ans en ce printemps 1968. Treize ans et un savoir immémorial puisé dans ses parcours dans l’anoxie. C’était un samouraï, elle en avait le codex gravé dans la peau et les yeux bridés et l’art de vivre avec urgence : intensités. Elle était vivante, danse avec un E, dense avec un A : ses polarités Quand ma mémoire a-t-elle basculé, faisant de moi un faux témoin, pétrifié, des éclats dans la tête, des secrets relégués, des visions ensablées, tant de trésors dans ce dédale?
OU PHRONTIS
je me souviens
-Ne t’en fais pas” disait elle, “tu me survivras, tu connaîtras d’autres filles, bien sûr tu ne m’oublieras pas...”
-Ne t’en fais pas, désenclave toi de ce marécage, j’ai besoin de ta présence, de toute ta présence...”
OU PHRONTIS
un an avant sa mort, son retour à Cannes.
-”j’ai lu la terreur dans tes yeux , jm, tant de choses étaient mêlées...” -”je voyais ma mort dans tes yeux, je voyais ta peur.” -”J’attendais de toi, l’énergie de la vie, tu savais combien mon temps était compté.” -”je suis partie à paris, tu ignoreras toujours combien je t’aimais. Tu ne sauras rien de l’amour, n’ayant vu ce que mon être condamné était prêt à donner.” -”je suis partie à Paris, je n’avais pas d’autre choix.” -”Tu étais fantôme, tu avais perdu la parole. Quand tu l’as retrouvée, c’était pour balbutier des choses insensées : t’établir en usine et toutes tes chimères militantes de luttes des classes.” -”Tu me fuyais, jm et tu fuyais la vie, bien sûr nous étions murés et tu as oubliué tous les secrets qui nous liaient, tous les chemins parcourus, tu as laissé la peur te posséder.” -”je suis revenue vers toi, tu en as pleuré. Il t’a toujours fallu du temps pour comprendre, ce lent travail de l’intellect à sous peser toutes choses.”
OU PHRONTIS
je me souviens
-”je te verrai avant ton départ pour Londres, jm”
*”je ne sais pas si j’y vais”
-”tu en as envie”
*”oui”
-”n’hésite pas, tu te souviens de cette chemise de nuit?
*”tu l’avais piquée à ta mére”, je ne peux pas rester!
-”tu ne me désires plus!”
*”ô bambolina”
OU PHRONTIS
il descend du train, c’est l’assomption, il a 23 ans, dans le snack de la gare, deux copains attablès font mine de ne pas le voir, il s’approche, ne comprend pas leurs visages, demande des nouvelles. Les garçons restent évasifs, il se dirige vers le bus sentant leur regard ne pas le quitter.
OU PHRONTIS
vers la casa ses pas. Il doit être onze heures, Dans la rue, un homme sur son vélomoteur se rapproche, Henri va au marché. Le vélomoteur ralentit, henri s’arrête, des siècles sur son visage, deslarmes dans sa voix :
¤”Où étais tu?”
*”à Londres!”
¤ “Patricia est morte, il y a trois jours, Jacqueline veut te voir.” *”oui, oui murmure-t-il,son mental assourdi devient proie de l’absurde. *”cela s’est produit/ cela s’est produit...” Ces mots imaginés sont moi sonnés. Ces mots, fourches caudines, récolte tant redoutée Now liés/ syllabes après syllabes à son corps, mécanique apeurée. Aporie!
OU PHRONTIS
il prend la voiture, se retrouve chez des amis, lourds de veille leurs visages, attendant un impossible démenti.
<”Jacqueline veut te voir, disent ils
*”je sais, je sais” .Il prend L par la main, il l’embrasse, lui parle, le réconforte
*”je ne peux même pas pleurer” murmure-t-il
*”allons chez toi”, elle acquiesce, il lui tient la main, la tiendra tout au long du trajet, dans l’appartement, il la saisira à bras le corps criant : *”tu es vivante, vivante”, elle l’écoute, l’accepte assummant sans mot dire la dérive de l’autre, puis quand il lui dit qu’il lui faut être seul quelques heures, elle hésite : “ne t’en fais pas” ajoute -t-il
OU PHRONTIS
derrière des lunettes fumées, incognito de lui même, il regarde une tombe simplement fleurie.
Ses lèvres, sans qu’un son ne les franchisse, tentant un impossible dialogue.
*”je suis là/je suis là”
borborygmes de l’absurde et l’écho lui rèvéle le dérisoire.
Dans une allée adjacente, une femme s’approche, elle est grande, jeune, porte une robe à fleurs, une manche déchirée dénude son épaule, elle s’arrête de vant lui :
↠”vous connaissiez cette personne” me demande -t-elle
*”Elle avait vingt ans”, les mots s’échappent de ma bouche
↠”je suis venue sur la tombe de mon enfant” reprend la femme, “il est mort asphyxié, nous étions à une soirée.... Je viens lui parler”
J’acquiesce de la tête tant je n’ai plus de mots, la femme s’éloigne.
Je la suis du regard dans ce périmétre d’enfance parcouru ogni domenica
dans ces rituels al campo santo cadencés aux sanglots de la nonna et de sa tante.
Lui aussi s’éloigne et sa mémoire s’éloigne aussi.
OU PHRONTIS
Jacqueline t’attend
du haut de la rue, elle le regarde dans cette non ascension, lenteur de ses pas
vers un moment tant appréhendé.
Jacqueline sourit, il est désemparé de se trouver devant la mère.
Il oubliera à tout jamais les premiers mots échangés, se retrouve dans le salon.
Elle apporte du café, il le hume comme un besoin d’encens, comme si les volutes
traçaient les torsades d’un temps projeté.
Elle raconte la crise d’asthme, le périple du transport à l’hôpital des broussailles, puis de Nice.
Le seul poumon d’acier en salle de réanimation déjà utilisé, cette même salle dont elle était sortie d’un coma de dix jours, trois ans auparavant. Son regard balaye le salon, les photos de leur fille, vesta silencieuse d’une histoire chaotique. Henri entre, s’assoie dans un fauteuil, laissant sa femme parler, des larmes dans ses yeux. Les voilà face à face sans le seul être qui régulait tant de folies et dans le paroxysme de leur douleur, cette femme, cet homme s’inquiètent de ses réactions.
Jamais dans son existence, il n’a ressenti une telle bienveillance.
Redouble dans le trèfond de mon être une sorte d’indignité
tant grande fut ma lâcheté.
tout ce qu’il enregistre est absorbé par l’oubli.
Il perd la chronologie de cette vie.
Les repéres de son existence
se dérobent
Cette peur de la perte si inhérente à son être
trouve la voie de sa réalisation.
Ses sens se pétrifient
-
il prend la voiture, se retrouve chez des amis, lourds de veille leurs visages, attendant un impossible démenti.
<”Jacqueline veut te voir, disent ils
*”je sais, je sais” .Il prend L par la main, il l’embrasse, lui parle, le réconforte
*”je ne peux même pas pleurer” murmure-t-il
*”allons chez toi”, elle acquiesce, il lui tient la main, la tiendra tout au long du trajet, dans l’appartement, il la saisira à bras le corps criant : *”tu es vivante, vivante”, elle l’écoute, l’accepte assummant sans mot dire la dérive de l’autre, puis quand il lui dit qu’il lui faut être seul quelques heures, elle hésite : “ne t’en fais pas” ajoute -t-il
OU PHRONTIS
derrière des lunettes fumées, incognito de lui même, il regarde une tombe simplement fleurie.
Ses lèvres, sans qu’un son ne les franchisse, tentant un impossible dialogue.
*”je suis là/je suis là”
borborygmes de l’absurde et l’écho lui rèvéle le dérisoire.
Dans une allée adjacente, une femme s’approche, elle est grande, jeune, porte une robe à fleurs, une manche déchirée dénude son épaule, elle s’arrête de vant lui :
↠”vous connaissiez cette personne” me demande -t-elle
*”Elle avait vingt ans”, les mots s’échappent de ma bouche
↠”je suis venue sur la tombe de mon enfant” reprend la femme, “il est mort asphyxié, nous étions à une soirée.... Je viens lui parler”
J’acquiesce de la tête tant je n’ai plus de mots, la femme s’éloigne.
Je la suis du regard dans ce périmétre d’enfance parcouru ogni domenica
dans ces rituels al campo santo cadencés aux sanglots de la nonna et de sa tante.
Lui aussi s’éloigne et sa mémoire s’éloigne aussi.
OU PHRONTIS
Jacqueline t’attend
du haut de la rue, elle le regarde dans cette non ascension, lenteur de ses pas
vers un moment tant appréhendé.
Jacqueline sourit, il est désemparé de se trouver devant la mère.
Il oubliera à tout jamais les premiers mots échangés, se retrouve dans le salon.
Elle apporte du café, il le hume comme un besoin d’encens, comme si les volutes
traçaient les torsades d’un temps projeté.
Elle raconte la crise d’asthme, le périple du transport à l’hôpital des broussailles, puis de Nice.
Le seul poumon d’acier en salle de réanimation déjà utilisé, cette même salle dont elle était sortie d’un coma de dix jours, trois ans auparavant. Son regard balaye le salon, les photos de leur fille, vesta silencieuse d’une histoire chaotique. Henri entre, s’assoie dans un fauteuil, laissant sa femme parler, des larmes dans ses yeux. Les voilà face à face sans le seul être qui régulait tant de folies et dans le paroxysme de leur douleur, cette femme, cet homme s’inquiètent de ses réactions.
Jamais dans son existence, il n’a ressenti une telle bienveillance.
Redouble dans le trèfond de mon être une sorte d’indignité
tant grande fut ma lâcheté.
tout ce qu’il enregistre est absorbé par l’oubli.
Il perd la chronologie de cette vie.
Les repéres de son existence
se dérobent
Cette peur de la perte si inhérente à son être
trouve la voie de sa réalisation.
Ses sens se pétrifient
-corps dans son chaos-
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