mardi 9 septembre 2014

moi après X mois

nous naissons et blessures certaines.
Être entre les mains, dépendre, cette extrême vulnérabilité des premiers temps m'a toujours questionné.
Comment va se frayer notre liberté au regard de l'inscription de cet état premier de dépendance.
La voix des autres ou leur silence autant de diktats, leurs affects, leurs peurs, leurs phobies, leurs angoisses, tout ce micro-climat des premiers temps dictent aux sens de l'enfant son premier alphabet.
Est ce que je vois celle qui me tient, du moins j'entends sa voix et sa musique comme autant d'ondes me glisse un message bienveillant.
Je l'ignore alors mais cette femme va induire en mon être des pistes à ma liberté.
Je n'ai pas de lien direct avec elle.
Je n'en suis que plus débiteur et reconnaissant.
J'ignorerai ce qui porta cette femme à m'aimer, à être soucieuse de mes premiers temps, d'être là de temps en temps à ce seuil de l'enfance où langage et questionnement réclament la présence de l'autre. Je lui dois un éveil à la vie, je lui dois ce prisme du plaisir à sentir les rayons du soleil sur ma peau, le roulis des vagues en bord de mer, cette étendue marine comme un imaginaire offert à ma généalogie imprécise. Je lui dois ces chemins buissonniers qui défient l'autorité quand l'autorité n'est que prise de pouvoir sur l'autre. Et cette femme si croyante, si soumise à son dieu ne m'asséna jamais son catéchisme. Elle accepta mon athéisme sans retirer son affection.
Je ne reconnais pas ce lieu où entre ces mains, je suis. J'ai trouvé cette photo bien après son décès.
J'ai suivi ses pas dans l'Italie du début des années 60, Chapelle Sixtine et fontaine de Trevi, Firenze, Assisi. Ce qui devait me séduire m'émancipa du poids de la croix.
Je reste étonné au constat de mon esprit paradoxal érodant sa religiosité et restant inféodé aux non-dits de ses origines. Maria qui savait, se taisait. Elle, aussi. Elle m'expliqua que ce n'était pas à elle de parler. Je n'en étais pas convaincu.

Esposto, exposé je regarde cette photo dont le lieu me reste étranger. Je vois cette femme tenant un enfant, exposé entre ses mains. Esposto signifie aussi trouvé. Il fut un temps en Italie où Esposito était le prénom donné  à un enfant trouvé.
Je demeure un être sans nom. Avec ce sentiment de non-nommé-Esposito. Je date mon nom pour l'inscrire dans cette approximation d'une histoire et ressent cet affect brut de délitement : Pierre brisée.
L'idée ne me déplait pas, elle n'est pas infondée et cette brisure défie toute fondation. Etre alors un défi pour soi-même.
Le fait d'avoir des enfants me traverse comme un rire salutaire à cette folie mise en forme un jour de juin 1952 et à laquelle j'ai grandement contribué.





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