jeudi 10 avril 2008

2 janvier


"It's a little bit funny this feeling inside
I'm not one of those who can easily hide
I don't have much money but boy if I did
I'd buy a big house where we both could live"











je suis né à l'amour sur cette mélodie. La phrase s'impose à moi.
Moins une vérité qu'une certitude.
Les notes de ce piano martèlent cet impératif d'être auprès d'elle.
Sentir sa propre existence, toute son existence convoquée à la rencontre, à l'impérieuse nécessité de la rencontre. 
Son visage devient mon monde, sa voix mon sang. 
Elle est en d'autres bras. 
Je n'ai que la chanson d'Elton qui me dit son urgence. Je la chante à tue tête dans ma solitude et je sais qu'il n'y a qu'elle sur ma terre et ne cherche aucun pourquoi. 
Elle a 15 ans, j'en ai 3 de plus. Nous vivons à portée du regard depuis l'enfance. Je la sais mutine, enjouée. La squaw de nos jeux de cowboys et d'indiens a de tout temps attrapé le trappeur. 
Dans cette année 70, nos centres d'intérêt sont aux antipodes, elle adore danser, sortir comme si son temps était compté. Je suis devenu une de ces Vesta qui entretient le feu libertaire de 68. Mes grands airs l'amusent mais ne l'aimantent pas. Je ne suis pas pressé, je le devrais. 
Mon corps n’a ni l’aisance des mouvements ni le swing du sien. J’observe les garçons qu’elle côtoie et il m’arrive de penser, il n’y a rien pour toi. 
J’ai tort, je ne saurai jamais pourquoi.
Je fredonne la chanson d’Elton et me tais quand elle approche. Ma prière est mineure. Parfois dire l’amour comme ouvrir un barrage semble une menace. Je cherche des raisons à ce séisme en moi  qui me révélerait mon émoi. Je n’en recense aucune si ce n’est cette certitude virale que chaque part de mon être est happée par son existence. 
J’écoute Elton, sa voix, je me dis, pourrait la ravir. Il n’a pas le phrasé militant d’un Dylan. De l’amour, il effeuille des possibles, des rencontres. 
En cet été 70, je me contenterai qu’elle entende simplement l’éventualité de l’amour entre nous. Elle a d’autres choses en tête et je reste sans voie, mendiant des moments de rencontres, partagés avec des amis communs. Je ne vais pas vers les autres : déjà. 
Je fais l’étrange choix de l’attendre. Je ne lui écris pas. J’écoute la voix d’Elton sur le vinyle,  l’appeler. Je me dis qu’elle ne peut que l’entendre. 
Les mois passent et je passe mon temps avec Michel mon double à monter des actions contre la guerre américaine en Indochine. Je ne la vois pas, venir, elle s’approche, elle me cueille, le monde m’appartient, le ravissement de ce monde m’est enfin donné. Elle est ma première femme. Elle en est amusée plus que fière. Je n’ai pas les mots de l’amour que les balbutiements de mes lèvres à sa peau. Le sentiment d’être aimé inscrit l’inattendu au point que me vient la nécessité des mots, lui dire, lui écrire jusque sur la peau, juste après l’étreinte, les mots de cet amour. Je n’ai plus besoin de la voix d’Elton, c’est ce que je croyais alors.



« and you can tell to everybody this is your song…..

How wonderful life was when yu were in the world »













Aucun commentaire: