jade aime les animaux. Jade aime caresser de petits êtres : chiots lapins chatons et pointe ce souci de protéger l’autre, de le nourrir de l’essentiel : l’affection!
Mais Jade n’a jamais aimé s’occuper “totalement “ de cet autre quelque peu dépendant. Oh elle ne rechigne pas à les nourrir mais la magie de l’écran télé scintille plus qu’une gammelle vide. Alors bien sûr la jeunette (disons depuis ses cinq ans, elle en a dix aujourd’hui) s’entend réprimander par ses parents et sa soeur aînée (toute contente de démontrer là sa différence).
Et ce n’est pas un credo facile à entendre d’autant qu’il est vérifié.
Il en est toujours ainsi quand chacun de nous est critiquable : il faut assummer et : changer. Et c’est là que le bas toujours blesse, dans cet effort à un faire, surtout quand on s’en fait une montagne et qu’au final, c’est assez simple.
Le père que je suis, un peu étroit d’esprit s’est longtemps contenté d’élever la voix considérant (à tort) que c’était peut être une question de volume. Mais les enfants ne sont pas sourds. Par contre ils perçoivent dans l’énervement de l’adulte, toutes ses limites.
Ils en souffrent doublement, tant voir un proche censé les protéger, perdre le sens du réel dans cette démesure où il est hors de lui, les plonge dans un paradoxe insoluble entre aimer et nuire .
De plus se grave l’idée que dans l’existence : la force donc la violence fait loi. Tant elle semble le garant d’un “ce qui doit être”.
Là déjà vous imprimez dans le mental d’un enfant combien l’éducation n’est finalement qu’un dressage.
Hors la loi comme éthique est une mise en perspective de notre pensée dans la compréhension de la vie sociale, de ce qui nous interroge dans nos rapports à l’autre aux autres, à la nature à la vie.
Jade, a cette singularité d’être capable de témoigner une profonde affection à des êtres qu’elle croise comme si elle percevait immédiatement ce qu’il y a d’aimable dans l’autre.
Quand Jade me dit “je t’aime papa”, je sens un frissonnement particulier tant ce n’est pas le père qu’elle vise mais cette part de moi que j’ignore et qui est aimable.
Je n’ai jamais ressenti cela, un tel dire, d’aucun de mes proches et encore moins de mes géniteurs. Ce n’est pas peu dire car sur l’amour, je suis d’un naturel très suspicieux
quand les dits de l’amour me sont adressés.
Avec l’animal, Jade a cette douceur enveloppante qui nimbe d’un message identique le petit mammifère. Mais la communication baisse d’intensité quand il s’agit soudain de changer sa litière.
Je m’en suis souvent offusqué ne voyant qu’une tâche de plus à faire dans une maisonnée.
Mais le soin, je le vois chaque jour dans mon activité d’aide-soignant, ne va pas de soi.
S’occuper d’un être dans la sphère de l’intime requiert un oubli de soi, une position où s’abstraire de certains codes, de relativiser ces fonctions du corps qui sont si facilement choquantes ou repoussantes, qui vous rappellent votre propre enfance, ces temps de grande dépendance à la mère ou à la personne qui joue ce rôle entre dévotion et grand pouvoir et vous transmet non consciemment des codes premiers de l’existence.
Alors trouver mille subterfuges pour s’épargner des odeurs, des couleurs, tous ces petits détonnateurs qui déclenchent des hauts le coeur devient compréhensible.
Nous sommes allés dimanche à l’animalerie. Nous avons observé, débattu du pour et du contre. Elle ferait l’effort de nourrir réguliérement le petit animal, de veiller à son hygiène et de mon côté je l’aiderai à changer de temps à autre les copeaux souillés.
Restait une appréhension de taille, affronter l’ironie de sa soeur, ses critiques anticipées pour lui rappeler comment elle avait démissionné jusqu’alors avec cawet “son golden retriver” ou “Peluche” son lapin. On sentait dans son regard encore plus d’appréhension qu’à l’idée de nettoyer les déjections animales.
Le pouvoir des mots, les jugements intempestifs, définitifs sont toujours des arrêts de mort.
Je l’invitais à s’en affranchir, à essayer d’être son propre juge, d’oser faire ses propres choix, de les défendre simplement, de les vivre entièrement.
D’écouter autrui mais d’agir avec ses propres motivations, non en fonction des désirs ou diktats des autres.
Comme d’hab mon discours trop moraliste dessina ses ondes planantes. La jeune vendeuse de jardiland sortit la petite bête au poils raz et la tendit à Jade, un peu surprise mais convaincue de l’offrande. Le cochon d’inde se blottit dans les nouvelles mains, apeuré de la nouvelle vie qui commençait.
La nouveauté n’est elle pas déstabilisante par essence. Jade était convaincue d’avoir là un nouvel ami, restait à lui trouver un prénom. Je lui proposais “oyonnax” un trotteur d’enfer qui s’élançait pour la conquête d’un second prix d’amérique. C’était trop long et n’évoquait rien.
C’était vrai un prénom se devait d’être une ouverture au symbolique, je me fendais d’un “bombay” ajoutant “c’est en inde c’est pas un tag”, “c’est nul” ajouta-t-elle et puis devant la caisse le film de besson me revint à l’esprit et “Léon” qu’en penses tu” : “Léon” ah oui “Léon”, le cochon et sa boite glissait sur le tapis roulant, c’est le titre d’un film lui murmurais je, une histoire d’un tueur bienveillant et d’une petite fille.
L’idée faisait sens dans mon esprit mais de là à lui expliquer en quoi ce cochon d’inde pouvait devenir son protecteur, il y avait une galaxie. Léon était pour le moment dans sa boîte en carton, la jeune vendeuse nous avait remarquablement renseignés sur son mode d’emploi et sa durée de vie.
Jade serait une jeune adulte quand Léon aura atteint son quatrième âge.
Quant à moi j’étais déjà sans âge.
Quant à moi j’étais déjà sans âge.
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