Dans la crypte de ma mémoire, je grave le passage de ce que le temps détruit.
Obituaire.
L’anodin y est banni.
Je n’ai pas de croyances sur quelques après de la vie.
Je marque un passage.
Ce que mes sens ont recensé.
Ces singularités de cet autre qui croise mon existence.
Je ne fais pas de deuil, je prends note.
Je convoque les ressources de mon être à cette rémanence d’une rencontre qui me fait autre.
Ainsi a été, est, mon rapport à la vie.
Un dialogue muet, un questionnement sans réponse, des évocations, des invocations, la paume de mes mains comme un parchemin lisible, la musique de leurs voix dont les mots m’arraisonnent encore.
Des rencontres, se laisser tresser.
Le sang chaud de la voix,
le sang chaud d’un regard,
le sang chaud d’un dire qui balise les chemins de vie
qui me font face et m’apprennent au de là des mots,
les contours des frontières atteintes, traversées.
Le don premier est un dire : pour moi.
Je ne cherche pas les confidences, les fuirais même.
Comme dans les deltas,
il y a le limon et il y a le don d’un dire qui scintille
et sans vous dire : prends, s’offre.
J’écarte le limon, ma peau se pare de l’éros-ion.
Elle versa ses larmes dans une de ces fins de journées où mon énergie se tarit.
Je regardais son visage sans détourner le regard, les mots vinrent comme des pages en flux qui se tournent dans les nuances du noir, de l’au de là du noir, dans cette lumière crue, tel un tableau de «Soulages», un tableau d’une vie, couche, sur couche, ininterrompues -à peines non séchées-.
La peinture et cette voix comme un prisme révélant tant d’évidences sur la lumière.
Cela je ne le compris qu’après, de longs mois après dans ces aller-retour de ce que l’autre a déposé. Etais resté assis à l’écouter, devinant combien un dire abreuve autant celle-celui qui émet que l’autre qui recueille.
L’écoute en ce voeu lie.
Nous taisons les noms pour préserver l’anonymat. Nous échangeons entre nous sous couvert de la numérotation des chambres. Un être peut-être Mme 363, Mme 325. Parfois nous privilégions la numérotation devant la difficulté à prononcer l’assemblage des syllabes mais aucun ne nous est étranger, aucun ne nous est indifférent. Les visages, les voix, les corps, tous ces temps partagés sont en nous. Bien sûr l’oubli comme un sédiment recouvre aussi. Mais nous gardons en nous gravé et nos êtres comme autant de sol restent pelliculés de ces moments de ces richesses.
Noir est là, couleur.
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