à l'âge de 57 ans ma grand mère vint me récupérer
dans une "crèche" où je devais être adopté.
Ce fut maria, une amie
de ma mère et plus tard ma marraine qui l'informa de mon existence.
Il parait qu'en la voyant, je pris peur. Je n'en doute pas.
La nonna était une petite femme édentée suite à un accident
et la ménopause lui avait déjà fait pousser une barbichette sur le menton.
Ma mémoire de la vie à ses côtés demeure très présente. Je pourrais presque dire que son mental a très tôt colonisé le mien au point d'assoupir mes vèllèités d'autonomie. Comme dans le mythe de la caverne de Platon, la lumière sur les choses du réel m'a toujours aveuglé au point de préférer la voie obscure des contes et une nonchalance en forme de résistance au déluge que représentait pour moi : la vie.
Je pourrais dire que j'ai une culture de la mort. Mes seuls voyages, enfant, étaient la domenica al campo santo.
Fus initié aux prières et aux larmes : aux gestes.
Mon fond baptismal fut le cercueil d'un grand-oncle que je dus embrasser et longtemps son visage cireux et froid, la rigidité de son bras, son silence accompagnèrent mes pensées, nuit et jour, emmêlées dans le dire incompréhensible de cette locution "il est parti".
C'était le premier visage d'homme que mon mental avait mémorisé, mes premiers souvenirs : "bacchantes, feutre, gilet , montre à gousset, et l'ironie contagieuse de ce frère devant les diktats de sa soeur. Tonton dinu (barthélémy) e Maddalena furent les polarités inaugurales de mon monde intérieur.
Ainsi était mon monde, je me sentais aimé, en sécurité et les pleurs et les larmes donnaient une gravité qui me rendait attentif et me prédisposait à toutes les confidences.
J'ai le souvenir que ma grand-mère me porta longtemps dans ces bras et j'ai toujours eu cet étrange besoin de porter Venezia et Jade et nos translations me basculaient dans un passé immédiat.
Toucher, être touché est pour moi la voie directe vers l'autre, quelque soit le corps tant cette proximité devient langage.
Ce n'est pas le sens par lui même qui est éveillé mais le capital-mémoire convoqué qui livre un savoir.
Le temps de la synchronie.
J'ai 57 ans et je deviens un viel homme dont la mémoire d'enfant s'avive. Mon monde n'existe plus que dans cette sphère impalpable sujette à caution, ombrée de folies et de quelques secrets amers. J'ai peur de la mort, de cette frustration à ne pas avoir vécu avec assez d'intelligence et d'intensité chaque moment de vie et pourtant je sais depuis longtemps ce qu'irrémédiable signifie!
J'ai toutefois suffisamment d'ironie pour accueillir le jour qui vient et sentir avec l'aube cette joie-trauma de l'instant naissance. au fond je sais que je suis né au monde "pour l'amour et la connaissance" ( et les deux sont en fusion) comme chacun d'entre nous d'ailleurs.
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