samedi 3 avril 2010

26 mars 2010 - 10 novembre 1954

26 mars 2010
ai dormi à la roseraie, jade à mes côtés.
Cet enfant me protège, elle devine la peine,
câline, se soucie de l'autre. Avoir des êtres aussi précieux près de soi
un sourire de la vie devant le vide.
Séverine est auprès de sa mère ; dans l'épreuve.
Serrer les rangs dans les épreuves :
être auprès.
Ainsi sont les êtres que j'aime.

J'écris par nécessité
forant dans l'abstrait
écoutant antony and the johnstons



Faut-il rayer des agendas
les coordonnées de nos disparus?

Hier Isabelle C. m'a téléphoné, ignorant, s'excusant
et elle ne mesurait pas la joie qu'elle irriguait en moi
entendant la musicalité de la vie.

Il est des êtres dont la seule existence m'offre
des rayons régénérant tant ce qu'ils m'ont montré
reste inscrit en moi.

Ô mon ami sans toi ma parole s'étiole
Ô mon ami il faudra que je puise dans ma folie
pour renouer notre dialogue
et rire et ne pas maudire
l'inanité des temps
ö mon ami
mais nous sommes ensemble
et nul ne me fera douter que nous n'avons pas existé.

29/3

mon ami,
voici venu le temps de l'adieu.

Quand enfant, tu portais l'aube et officiais
derrière le prêtre, jouant de la clochette
sur un registre parfois improvisé, rythmant nos génuflexions.
Tu pimentais ma religiosité de ton humour salutaire.
Le catholicisme chantait une vulgate chrétienne
qui n'étanchait ni notre curiosité ni notre force vitale,
les lendemains du conflit mondial avaient révélé les collusions
de l'église et des nazis-fascistes, nous n'allions pas passer notre jeunesse à genoux.
Dans nos familles, l'enfant n'était pas roi ni les animaux de compagnie.
Pâssames notre enfance à observer les adultes et leurs lois, ces manières d'élever la voix , faute d'arguments. Fûmes sources des secrets et autres balivernes.
Notre critique de ce temps s'aiguisa dans l'observation de leurs contradictions.
Nous n'étions pas de leur monde.
Mais gardâmes entre nous la valeur de la parole donnée.

Mon ami, tu ne m'as jamais blessé ni humilié même par une parole inconsidérée.
Mon ami, nos chemins ont pu se dissocier,
la parole entre nous fut toujours immédiate,
directe, essentielle.
Mon ami, je t'appelle mon ami car nous savons combien les frères se trahissent.
Mon ami, je me suis préparé à venir vers toi
pour clore notre alliance
et la sertir dans les larmes
Nous sommes poussières et eau
Nous n'avons besoin d'aucune espé-rance.
Nous avons fait nos choix
nous pouvons mourir dans cette conscience
de l'éphémére
et retourner à la poussière.



Rueil-Malmaison 13 h

Suis sorti du RER A pour aller à la clinique Notre Dame
comme un automate revenant sur les pas inaugurés trois semaines plutôt.
Le bus 467 était à l'arrêt. Choisis de faire le trajet à pieds. Suivant le balisage des arrêts qui me menait vers toi dans cette chambre mortuaire. Sans idée préconçue, sans idée, happé par le vide, dans un état si proche d'un mois d'aout 75 quand j'allais vers la tombe de Pat.
Marcher et accepter ces questionnements qui vous assaillent devant la perte de l'aimé/e.
Marcher et savoir qu'il n'y aura pas de réponse si ce n'est cette vis sans fin forant dans le mystère.
Marcher nimbé dans la présence devenue diaphane de l'être cher.
Arrivé au centre ville devant l'église, ce lieu de mémoire pour reprendre
l'expression des nouveaux historiens qui me font bien rire, me mis à lire
le frontispice disant "Deo Optimo Maximo". Anna Venezia pourrait traduire désormais!
Tournais le dos au plaidoyer pro deo et entrais dans un "Quick" (autre nouveau lieu de mémoire), histoire de ralentir ma translation. Pris un "long fish" réminiscence chrétienne et nous étions lundi, bus la boisson US et là je compris que ces moments aux terrasses des cafés, (le "Cristal bar" de notre jeunesse devant la mairie de Cannes) étaient finis.
Finis nos quêtes d'un monde meilleur,
finis nos études comparées des anges cotoyées,
finis notre rage ironique sur les faiseurs de roi,
finis la joie simple d'un solo de guitare.
Ce vieux monde devenait d'un coup sacrément plus vieux!
Ai repris chemin vers toi.

14 h 05
Clinique Notre Dame
Ai demandé à la personne de l'accueil, la possibilité de te voir.
Un homme m'a conduit dans le couloir des chambres mortuaires,
a ouvert une porte murmuré des mots bienveillants.
Me suis avancé
Tu reposais sur un lit, allongé
les yeux fermés, visage presque serein
des fleurs blanches entre tes mains.
Me suis assis
la clim s'est enclenchée,
le drap a légérement bougé
mon imagination t'a presque vu respirer
je regardais à tes pieds les dessins de tes petits enfants
des photos de famille sur ta gauche, une guitare sur ta droite, ta guitare jazz
habillée d'une chemise à fleurs et d'un panama
Suis resté assis
mon regard mononucléaire fixé sur ton visage
sur tes mains
me suis rappelé une scène d'enfance :
ta mère criant, t'appelant, descendant votre escalier,
j'étais sur le trottoir d'en face
quelques voitures passaient
l'absence de réponse semblait l'agacer
elle se dirigea vers le garage, je n'entendais que sa voix
Elle ouvrit la grande porte
un monticule de sacs de pomme de terre
apparu dans mon champ de vision
sa voix à nouveau "je sais que tu es là"
Du sommet tu apparus, tu étais le fils du patatier
comme disaient les familles italiennes de notre quartier,
envieuses et craintives devant celui qui avait "réussi"
Tu étais l'un des fils
Ce n'est qu'à l'adolescence que je commençais
à t'appeler "Michel".


En ces temps là, la musique irriguait tes artères de bien des messages



je n'écoutais que bob dylan, l'esprit tiraillé
par des problèmes familiaux, une haine du catholiscisme,
une sexualité balbutiant entre attirance pour le corps d'un autre garçon
et amour platonique pour très jeune et jolie voisine.
Ni révolté ni rebelle, le rouge, le rouge et noir demeuraient
les couleurs d'équipes de foot (A s Cannes, ogc Nice que je n'affectionnais pas : je
restais fidèle au vert de l'équipe du village et
au mieux à la grande équipe stéphanoise.
Toi, tu n'avais jamais mis les pieds
sur le moindre gazon et pourtant dans ce septembre 68
nous commençâmes à parler, la musique cautérisait les sujets de discussions
qui faisaient conflits.
Je ne connaissais rien de la vie comme bien des gosses mal dans leur peau, je lisais et assénais ce que je croyais retenir de mes lectures. Tu encaissais
mes uppercuts et revenais sur le ring égarant de petits livres que tu ne voulais pas ouvrir
"les théses sur feurbach", le manifeste du parti communiste". Ma curiosité fit le reste, aiguisée par quelques maximes convaincantes : "les philosophes n'ont fait qu'interprêter l'histoire, il est temps de la transformer".
Au début de l'année 69, un jeune étudiant tchèque Jan Palach s'immolait par le feu pour protester contre l'occupation de son pays par l'armée rouge. Compris ce jour que le communisme n'avait rien à voir avec l'urss et les partis dits communistes. Il y avait probablement mieux à faire que d'écouter uniquement les "protests songs". En Avril De Gaulle était déstabilisé par la conjuration des ambitieux de son camp. En juin le soldat Krivine harangait sur les écrans en noir et blanc prophétisant les temps nouveaux annoncés par la grève générale de Mai 68, nous étions désormais côte à côte dans la même entreprise.

Il était 15 h
Tu n'avais pas dit un mot
Indubitablement tu étais bien mort
à bientôt mon Ami.



17 h 18 éme arrondissement

Ai retrouvé thierry dans un troquet rue caulaincourt.
Tu étais le témoin de mes années -lycées, il le fut de mes années de fac.
Autres années militantes dont nous ne discutons plus.
Thierry à l'amitié constante
Thierry qui répond tjs présent.
Thierry désormais parrain de Jade et dernier témoin de ma vie d'avant,
de ce temps où Pat était vivante!
Si nous avons été trostkystes, demeurâmes francs-tireurs ou plutôt inadaptés
aux temps nouveaux du chacun pour soi.
Quand je vois ces ex de la LCR abonnés au sénat,
affidés des caciques du PS, carrièristes de tous poils,
je comprends le peu de souci à venir te saluer dans ton épreuve.
Les babies boomers comme un mauvais whisky!
Te cacherai pas que le borgne et l'éclopé ont beaucoup ri,
revisitant ces temps fondateurs de folie pure. Qui dira le bureaucratisme
ambiant, le caporalisme, le machisme des groupuscules d'extrème gauche.
Tu parles d'un "monde nouveau", "d'une contre culture" .

30 mars
fûmes au rendez-vous
Christine, Jean Pierre, Roland, Lisa, Thierry et moi
Ceux de ta vie d'avant!
Dans cette église du Douzième arrondissement,
ironie de la vie, retour à la case départ
Tu acceptas le deal par amour pour Catherine,
pour vos enfants.



No comment!

Nous étions près de toi
avec chacun nos souvenirs,
ultimes présents,
seules certitudes
et l'intensité rémanente
de ce que tu insufflais.

écoutâmes le prêtre
et l'oraison
Priâmes avec nos mots, nos larmes
nous inclinâmes

L'assistance était nombreuse
et recueillie et marquée
par ta vie soudain soustraite.

Regardâmes fourgon mortuaire
s'éloigner
et ta présence vertébre déjà
ma mémoire.

Me reviens
un des premiers morceaux de john mayall
que nous écoutions en d'autres temps



R.I.P.

3 commentaires:

rhapsody a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
rhapsody a dit…

JM, tes mots résonnent avec tant d'échos... comme des sentiers de fuite qui s'entrecroisent et chantent le silence de nos vies... la visite des interstices, là où les regards commencent leur initiation... Michel, Pat... et les autres... tu m'as fait revivre leur rire puissant.

jimex2nim a dit…

in blue
rhapsody
que je connais
sans te reconnaître